La rétine, support au diagnostic en psychiatrie Actu
Le Pr Hébert a présenté ses travaux à l’occasion de la Semaine du cerveau et des Semaines d’information sur la santé mentale. Ce chercheur s’intéresse à la sensibilité à la lumière
Rétine et maladies psychiatriques n’ont a priori pas grand-chose en commun… Et pourtant ! C’est tout l’inverse. Rien à voir avec le fait que les yeux sont le miroir de l’âme, en réalité, la rétine, c’est un peu la passerelle que les médecins et chercheurs empruntent pour accéder au cerveau. C’est en tout cas la théorie sur laquelle le Pr Marc Hébert, professeur d’ophtalmologie, directeur de l’axe neurosciences cliniques et cognitives du Centre de recherche CERVO et codirecteur du centre thématique de recherche en neurosciences (CTRN) de l’Université Laval (Québec), a fondé ses travaux. « La rétine, qui tapisse le fond de l’oeil, est un organe à la fois simple et complexe… un peu comme un mini cerveau. Elle a le rôle d’envoyer l’image au cerveau pour générer la vision. Elle s’est formée pendant le développement embryonnaire et a ainsi conservé de nombreuses caractéristiques des autres régions du cerveau parmi lesquelles d’abriter de très nombreux neurotransmetteurs. Or, les maladies psychiatriques affectent justement les neurotransmetteurs. On a donc imaginé de mesurer l’activité des photorécepteurs et des cellules bipolaires [l’information passe des photorécepteurs aux cellules bipolaires puis ganglionnaires, elles n’ont rien à voir avec la bipolarité en psychiatrie, ndlr] pour voir s’il y a un lien avec maladie. »
Sensibilité à la lumière
Concrètement, l’équipe de chercheurs canadiens réalise une électrorétinographie (ERG) qui consiste à mesurer le potentiel électrique généré par une stimulation lumineuse. Pour capter la réponse de la rétine à un flash, il suffit de positionner des électrodes près de l’oeil et une fibre de nylon imprégnée d’argent dans la paupière inférieure. La technique est non invasive et très facile à utiliser, cela ne nécessite aucune précaution particulière, pas d’anesthésie. L’ERG permet d’enregistrer la réponse à la fois des photorécepteurs et des cellules bipolaires. « Lorsque l’on envoie plusieurs flashs lumineux, la réponse électrique enregistrée augmente au fur et à mesure jusqu’à atteindre un stade de saturation qui signifie que l’on a atteint tous les photorécepteurs. » Le Pr Hébert s’est penché sur plusieurs troubles. Parmi eux, la dépression saisonnière qui touche de nombreux Canadiens (« 42 % des Québécois se sentent déprimés et 26 % se disent moins productifs l’hiver ») étant donné leur climat. « Elle est liée à la diminution de la lumière, il a ainsi été prouvé que le traitement par luminothérapie donnait de bons résultats. Chez ces patients, l’ERG a montré qu’il leur fallait davantage de lumière pour atteindre le stade de saturation des photorécepteurs. »
Aide au diagnostic
Le Pr Hébert s’est intéressé à deux autres maladies psychiatriques : la schizophrénie et la bipolarité. Il est apparu que ceux qui souffrent de ces pathologies sont plus sensibles à la lumière que les individus lambda. La réponse électrique enregistrée au niveau de leur rétine est plus importante. « La biosignature est très différente chez un patient souffrant de ces troubles par rapport à celle d’un individu lambda, souligne le Pr Hébert. C’est d’autant plus intéressant qu’il n’existe pas de tests biologiques pour établir le diagnostic en psychiatrie. Or cet examen de la rétine pourrait justement servir d’aide au diagnostic. D’autant que les résultats de l’ERG sont différents selon qu’il s’agit de schizophrénie ou de bipolarité, ce qui permet d’identifier précisément la pathologie en cause. On pourrait ainsi imaginer que les psychiatres puissent s’appuyer sur ce test, non pas nécessairement pour mettre
a prédit la schizophrénie dans % des cas – et dans % lorsque la maladie avait moins de ans. Concernant la bipolarité, l’ERG l’a identifié dans % des cas et % dans les premières années de la pathologie. »
Et l’examen semble montrer autant de fiabilité pour distinguer de quel trouble il s’agit entre les deux. « L’ERG a permis de distinguer la schizophrénie de la bipolarité avec % de précision – % dans les premières années. »
en place un traitement si le stade ne le nécessite pas encore, mais pour s’assurer d’un suivi régulier, une sorte de veille, et pourquoi pas mettre en place d’autres formes de thérapies que médicamenteuses afin de retarder l’entrée dans la maladie ou de minimiser son impact. »
L’équipe du Pr Hébert a mené ses travaux au Canada mais des tests ont également été réalisés à Lausanne ; ils étaient tout aussi concluants. Prouvant que l’ERG dans le diagnostic de certains troubles psychiatriques était fiable, universel et applicable à toutes les populations. Reste qu’une fois de plus, il faudra trouver les fonds pour financer la poursuite des travaux.