Du circuit du Grand Prix aux boîtes aux lettres
Guy Ligier, l’inventeur de la voiturette sans permis, a couru à Monaco et dirigé une écurie de F1. Son entreprise a ensuite mis au point des utilitaires, que la Poste monégasque utilise aujourd’hui
C’est l’histoire d’une entreprise qui a particulièrement bien réussi. Tellement bien qu’à l’instar de Frigidaire, de Lycra ou encore d’Abribus, sa marque est presque devenue un nom commun. Une Ligier désigne bien souvent une voiturette sans permis, au mépris de la marque réelle du véhicule. Et aussi étonnant que cela puisse paraître pour les non-initiés comme l’auteur de ces lignes, l’histoire de ces petites voitures passe par le circuit de Monaco.
« Ligier a deux vies. Une vie de compétition et de sport automobile, et une vie industrielle, explique François Ligier, actuel PDG de l’entreprise. Mon grandpère, Guy Ligier, était un entrepreneur né. Il avait eu une première vie dans les travaux publics, ce qui permettait de financer sa passion pour les sports automobiles. Il a donc pu devenir pilote amateur. Puis il est devenu pilote professionnel sur des Ford. »
Ultime victoire à Monaco
De là à créer sa propre voiture, il n’y avait qu’un pas que Guy Ligier a franchi. La Ligier JS1 d’abord, puis la JS2. Puis d’autres. De 1976 à 1996, Guy Ligier tient même une écurie de F1, qui court 326 Grands Prix et en remporte 9.
« Il y a eu un lien très fort avec Monaco, puisque c’est là qu’en 1996, Olivier Panis a gagné le Grand Prix sur une Ligier. C’est une victoire qu’il a décrochée dans des conditions particulièrement difficiles, avec beaucoup de pluie. C’est pour nous une victoire très importante. Conclure ces vingt années avec une victoire à Monaco, qui était sans doute le circuit le plus compliqué, c’est vraiment l’accomplissement ! Une victoire sur une voiture française avec un pilote français, ça laisse une trace forte ! »
En parallèle de cette aventure, Guy Ligier envisage la construction de véhicules de tourisme. On est dans les années soixantedix. Un âge d’or. « À cette époque on donnait beaucoup de place à l’entreprenariat industriel, comme aujourd’hui on encourage l’entreprenariat numérique », analyse François Ligier. Mais survient le choc pétrolier. « Le projet est tué dans l’oeuf. Mais en même temps, une législation apparaît, permettant de mettre un volant et quatre roues à une mobylette. Mon grandpère décide alors de se lancer dans cette aventure, aux antipodes de son autre activité. Il a ainsi assouvi sa passion pour le sport automobile, tout en assurant la réalité économique avec les voitures sans permis. »
Retour à Monaco
Une entreprise, c’est vivant. Ça bouge, ça se transforme. Et il y a quelques années, les méninges se mettent en marche pour chercher une diversification possible. « Nous fabriquons des véhicules en petite série. Notre production annuelle, c’est l’équivalent d’une après-midi chez Peugeot. Nous nous sommes dits que l’on pourrait peutêtre s’orienter vers le transport de marchandises. » C’est la Poste française qui les met sur la voie, en lançant un appel d’offres pour des véhicules utilitaires électriques. Ligier se lance et remporte le marché. Et puis, la Poste monégasque cherchait à faire évoluer ses moyens de transport et, alors logiquement, ils ont répondu présent. Aujourd’hui, le groupe Ligier, c’est 400 collaborateurs, 2 sites industriels et 14 000 véhicules produits l’année dernière. Dont une partie arpente quotidiennement des rues qui, quelques jours par an, redeviennent le circuit de leur victoire.