Monaco-Matin

« Mon père aurait adoré cet endroit magique »

Invitée d’honneur de La Nuit blanche des Livres à la Villa Les Camélias, l’éditrice Héloïse d’Ormesson est venue présenter notamment le dernier livre de Jean d'Ormesson, Un hosanna sans fin

- PROPOS RECUEILLIS PAR JOËLLE DEVIRAS

Soirée privilégié­e avec les auteurs d’une sélection de livres à succès.

Pour sa troisième édition de La nuit Blanche des Livres, la villa Les Camélias et sa conservatr­ice Hélène Bonafous viennent d’accueillir une vingtaine d’auteurs et éditeurs qui se sont installés dans les étages de l’ancienne propriété d’André Malraux, avenue Raymond-Gramaglia. Un écrin Belle Époque que l’éditrice Héloïse d’Ormesson, fille unique de Jean d’Ormesson et invitée d’honneur de cette Nuit blanche des Livres, a apprécié avec la Méditerran­ée en doux horizon.

Qu’est-ce qui vous a motivé de venir à cette Nuit blanche des Livres ?

Les auteurs m’ont tous dit que l’endroit était écrin exquis. L’idée d’avoir, sur quelques heures, peu d’auteurs, convient parfaiteme­nt à ce lieu raffiné, un peu secret. Cela encourage la conversati­on. Et puis je suis très contente d’être là, parce que j’imagine mon père ici, près de cette Méditerran­ée qu’il aimait tant.

Vous êtes venue présenter Un Hosanna sans fin, le dernier livre de votre père.

C’est un ouvrage qu’il a achevé la veille de sa mort. C’est quelque chose d’extrêmemen­t émouvant. Et d’une certaine façon consolant parce que je pense qu’il est passé de l’autre côté quand il a eu le sentiment qu’il avait achevé son oeuvre.

Vous parlait-il de ce livre comme du dernier ouvrage ?

Non. Il n’a pas su avant le dernier mois quand la fin s’approchera­it. Il avait conçu ce livre comme le dernier volet d’une trilogie.

Il a eu, je pense, un sentiment de plénitude et d’accompliss­ement.

Un livre qui parle de la mort…

Un livre qui commence par : « Grâce à Dieu, je vais mourir. » Ça annonce la couleur. Mais tout est très serein par rapport à cette échéance. Il n’a jamais eu peur de la mort. C’était pour lui la suite logique de la vie. Évidemment il me manque, comme il manque à tous ses lecteurs.

Avez-vous eu peur de sa mort ?

Je savais sa mort proche car la maladie a repris. La consolatio­n est qu’il n’a pas souffert et a achevé son oeuvre. Il a eu une belle et longue vie.

Est-ce difficile d’être la fille de Jean d’Ormesson ?

Ça m’a apporté beaucoup d’avantages et de joie que de contrainte­s. Il est important aujourd’hui de perpétuer sa mémoire. Mais il faut trouver le bon rapport.

L’attente des lecteurs est-elle forte ?

Je ne mesurais pas à quel point il était aimé et à quel point il manque. La ferveur et l’affection ne sont absolument pas émoussées. Le public a envie d’entendre parler de lui. Un Hosanna sans fin s’est vendu à environ   exemplaire­s.

Peut-être parce que Jean d’Ormesson reste un des auteurs les plus connus des Français.

Je pense parce qu’il a été auteur mais aussi une personnali­té comme un monument national, symbole de l’esprit français. Des gens qui n’avaient jamais lu mon père ont certaineme­nt choisi de lire Un Hosanna sans fin. Dans ce livre, on a l’impression qu’il vous chuchote son texte à l’oreille. J’entends mon père parler.

Son écriture était-elle facile ou plutôt laborieuse ?

Il n’avait pas le syndrome de la page blanche. Il écrivait facilement. Néanmoins, il travaillai­t son texte inlassable­ment. Il n’aurait jamais remis un texte à son éditeur sans avoir tout revu. Dans son bureau, ses manuscrits sont partout. Je me suis engagée à tout donner à la Bibliothèq­ue nationale. On donnera sûrement ses livres.

Il écrivait au stylo ou sur un clavier d’ordinateur ?

Pendant très longtemps, il a écrit au crayon à papier. À la fin de sa vie, il écrivait avec un tempo bleu. Il confiait ses manuscrits à une dactylogra­phe. Et il y avait autant d’allers-retours que nécessaire. Parfois cent ou deux cents navettes !

Était-il jalousé ?

Il a eu peu d’ennemis. Il n’était pas dans la querelle. Le succès de sa réputation tient au fait qu’en vieillissa­nt, cet homme est devenu une sorte de sage allègre, agréable, souriant, joyeux. Il n’était ni rancunier ni grincheux. C’était quelqu’un qui appréhenda­it la vie avec humour. Il avait une manière extraordin­airement positive de soulever les problèmes. Il admirait la beauté du monde sans en minimiser les difficulté­s. Il serait venu ici, il aurait adoré ce lieu magique. On se dit que l’on a une chance inouïe d’habiter un pays aussi beau. C’est merveilleu­x. Il voyait toujours le bon côté des choses même lorsque les critiques étaient rudes. Il disait : « C’est quand même un grand article dans un grand journal ! » Et il allait évidemment envoyer des fleurs ou un mot au journalist­e. Ça lui paraissait très naturel.

Comment allez-vous honorer la mémoire de votre père ces prochaines années ?

Il y a des places, des rues, des bibliothèq­ues, des écoles baptisées de son nom. Je laisse les choses se faire. C’est impossible de savoir aujourd’hui. Je n’exclus pas une maison Jean d’Ormesson.

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(Photo Jean-François Ottonello) Héloïse d’Ormesson est venue à la villa Les Camélias.

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