XAVIER DOLAN
« En dix ans de Festival, je suis passé par toutes les émotions. Victoires, triomphes, déceptions et rejets »
« On est là pour toi, Xavier ! », lance son voisin de table en pleine conférence de presse. Dans Matthias & Maxime, Xavier Dolan s’est entouré de sa vraie bande de potes…
C« L’AMITIÉ, POUR MOI, C’EST DE L’AMOUR. »
’est un film de transition, il l’admet. « Je ne peux quand même pas passer ma vie à filmer des gens qui s’engueulent dans une cuisine ! », sourit Xavier Dolan qui, du haut des trente ans qu’il a fêtés le 20 mars dernier, est à la tête d’une filmographie bien fournie. Déjà huit longs-métrages. Dont J’ai tué ma mère qui, en 2009, lui valait sa toute première sélection dans une section parallèle. Il en garde évidemment un souvenir précis : « J’arrivais avec une certaine naïveté, quelque chose de vierge et j’ai découvert une atmosphère dichotomique, chaotique. » À Cannes, il se rappelle aussi avoir fait « des rencontres déterminantes » parmi lesquelles « des amitiés se sont nouées, qui ont déclenché des collaborations artistiques ». À leur tour, les comédiens qui l’accompagnent dans Matthias & Maxime, ses vrais potes dans la vie, sont invités à évoquer leurs impressions d’une projection couronnée, la veille, par une longue ovation. Pier-Luc Funk : « La montée des marches est tellement légendaire… Étrange de voir autant de journalistes, autant de photographes. Quelque chose de si gros, si impressionnant, que l’on se réfugie dans le regard des amis. » Si le jeune comédien se promet en blaguant de « ne plus (se) déplacer qu’en cortège », il ne boude pas son plaisir de participer à « la plus grande célébration du cinéma dans le monde ». À Cannes, Xavier Dolan a vu naître un engouement du public qui ne s’est jamais altéré malgré des critiques parfois violentes dont il s’est d’ailleurs résolu à ne plus lire le contenu. « Je suis passé ici par toutes sortes de sentiments. J’ai connu des victoires, des triomphes, des déceptions, des rejets. Cette décennie a été riche, émotionnellement et artistiquement parlant. » Il dit en avoir tiré des leçons. « À chaque film, on fait des erreurs que l’on essaie de ne pas répéter dans le suivant. Puis, on en fait de nouvelles. » Que les observateurs ne manqueront pas de pointer dans sa dernière livraison. D’un genre différent, insiste Xavier Dolan qui entend désormais donner libre cours à son envie de jouer et espère travailler selon « un rythme peut-être plus serein ». Le réalisateur de Mommy en profite pour lever deux malentendus. Non, la mère que compose ici encore Anne Dorval n’est pas la sienne, mais «une figure » dont il explore inlassablement les ressorts. Re-non, l’homosexualité n’est pas un thème qui l’obsède. « Pour moi, Matthias & Maxime est un film sur l’amitié. Et l’amitié, pour moi, c’est de l’amour. » Derrière ce désir inassouvi entre deux jeunes gens qui se connaissent depuis leur plus tendre enfance, une clé de lecture : «La fin est ouverte. Lorsque l’un s’en va, la seule certitude, c’est que les deux sont encore amis. » À la suite d’un baiser de fiction, une ambiguïté s’est instillée dans leur relation. « Quelque chose qui vient bouleverser l’ordre établi. » Matthias n’aura pas cédé à l’élan, repoussant Maxime violemment. At-il honte ? Est-ce une gêne ? « Je m’intéresse aux personnages qui sont cruels parce qu’ils vivent mal avec leur nature profonde », décrypte Dolan. Des questions en suspens : « C’est quoi, être un homme, être une femme, être hétéro, être homo ? »