Européennes : onze listes pour autant de solutions
Onze têtes de liste ont débattu, hier soir sur BFM-TV, de leur vision de l’Europe, en termes de politique sociale, écologique et migratoire. Quelques consensus et des clivages gauche-droite
L’ultime débat dédié aux élections européennes, hier soir sur BFM-TV, a commencé comme un sketch. Une loupe grossissante de la difficulté à rendre ce scrutin suffisamment limpide et accessible pour les Français. Invitées à évoquer chacune une mesure spécifique qui les caractérise, les onze têtes de liste présentes ont eu, pour certaines, bien du mal à se montrer explicites. A ce petit jeu, Florian Philippot (Les Patriotes) fut sans surprise le plus à l’aise, puisque le seul – avec François Asselineau (UPR) qui n’était lui pas invité – à défendre l’idée d’un Frexit. « Je veux sortir notre pays de l’Union européenne pour lui redonner sa souveraineté », a-t-il donc pu clairement marteler. Les autres candidats se sont plus ou moins bien tirés de l’exercice. Les premiers appelés à s’exprimer ayant, à l’évidence, été pris de court. Qu’on en juge, par ordre d’apparition à l’écran… Jean-Christophe Lagarde (UDI) : « L’Europe, c’est une vision, une culture, un ensemble de valeurs. » Nathalie Loiseau (LREM) : « Nous voulons une Europe de progrès. Beaucoup parlent, nous agirons. » François-Xavier Bellamy (LR) : « Nous proposons le 1 % culture européen, pour protéger notre patrimoine et le transmettre. »
Benoît Hamon (Génération.s) : « Résumer l’Europe à un affrontement franco-français entre Macron et Le Pen, ce n’est pas sérieux. Ce qui est sérieux, c’est de faire, comme nous le proposons, un new deal vert de 500 milliards d’euros. » Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) : « Il faut contrôler les neuf milliards que la France donne chaque année à Bruxelles (de plus que ce qu’elle reçoit, ndlr) et qui sont gaspillés, pour construire une Europe des Nations libres. » Jordan Bardella (RN) : « Nous défendons le patriotisme économique pour soutenir et accompagner nos entreprises. »
Manon Aubry (La France insoumise) : « Nous voulons mettre en oeuvre la règle verte, à savoir ne pas prendre plus à la terre que ce qu’elle peut reconstituer. On ne résoudra pas la question écologique sans résoudre la question sociale. » Yannick Jadot (EE-LV) : « Nous préconisons un traité environnemental qui protégera notre économie autour de la transition écologique. Le mandat qui vient sera celui de la transition ou de l’échec. » Raphaël Glucksmann (Place publique - PS) : « Nous souhaitons mettre en oeuvre un Pacte climat - finance biodiversité, pour mettre la finance au service de la biodiversité. »
Ian Brossat (PCF) : « Nous suggérons la taxation à la source des multinationales. L’évasion fiscale s’élève, à l’échelle européenne, à mille milliards d’euros. Ce sera autant d’argent en plus pour développer nos services publics et traiter la détresse sociale. »
Réducteur, il est vrai, d’identifier chaque liste à une mesure phare, tant quantité de propositions, sur les circuits courts et un protectionnisme vert et social, par exemple, se recoupent chez les uns et les autres, par-delà les canevas idéologiques ou les postures. Et même si, en parallèle, le débat sur l’emploi aura ravivé, hier soir, quelques vieux clivages entre libéraux et étatistes. Chacun retrouvera aisément ses petits.
Le fossé migratoire
Le fossé doctrinal entre la gauche et la droite s’est largement matérialisé sur l’accueil des migrants. Entre les tenants de la générosité du coeur à tout prix, et ceux du principe de réalité à tous crins, les divergences ont le mérite d’être flagrantes. Benoît Hamon n’a pas hésité à clouer au pilori « une internationale raciste, contre laquelle il faut bâtir une digue ». Jordan Bardella, en réponse, a estimé que « le véritable humanisme était dans la fermeté », parce que nous n’avons plus, en substance, les moyens d’accueillir toute la misère du monde. Manon Aubry, comme une évidence, a rappelé la nécessité de « lutter contre les causes des migrations », Nathalie Loiseau plaidant pour « une harmonisation des critères du droit d’asile » et François-Xavier Bellamy pour « une reconduite effective des déboutés du droit d’asile (4 % à l’heure actuelle, assure-t-il) », pour mieux intégrer ceux qui sont acceptés et ne pas susciter des appels d’air qui s’avèrent assassins en Méditerranée. Options politiques mises à part, les trois heures d’échanges auront contribué à laisser percer les caractères et les approximations. C’est aussi sur ce ressenti-là que se jouera un peu l’élection, quand tant de listes, 34 au total, sont en compétition sur des projets dont beaucoup ont, forcément, vocation à se chevaucher.