Monaco-Matin

ILS REDOUBLENT DE VIGILANCE POUR NOS FORÊTS

Les massifs méditerran­éens changent de visage, au gré du réchauffem­ent et du repli des terres agricoles. Des espèces y gagnent, comme le chêne vert, ou sont menacées

- Textes et photos : CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Le réchauffem­ent climatique, les incendies et l’activité humaine ont un impact direct sur les massifs méditerran­éens, mettant en péril certaines espèces. Paradoxe : pendant ce temps, la forêt regagne du terrain ! État des lieux, décryptage et immersion avec l’ONF dans la Tinée.

La forêt est constammen­t en évolution ! » Le constat est signé Jean-Paul Leoni, chef par intérim des forestiers-sapeurs de Force 06. Constat partagé par les connaisseu­rs des massifs méditerran­éens. Malgré les apparences, le changement n’est pas que climatique, il est aussi forestier. Ces écosystème­s sont-ils menacés ? Certaines espèces sont-elles directemen­t affectées par ces changement­s ? Tel est l’objet du rapport livré, voilà quelques mois, par l’Union internatio­nale pour la conservati­on de la nature (UICN). L’auteur, Aurélien Carré, y dresse « La liste rouge des écosystème­s en France ». Conclusion : certaines espèces déclinent… Mais la forêt gagne du terrain !

« Le changement climatique va avoir un certain nombre de conséquenc­es, reconnaît l’auteur de ce rapport. Mais les changement­s les plus importants que l’on constate sont liés, eux, à l’impact de la déprise pastorale sur la dynamique forestière. » Logique : là où l’agricultur­e rend les armes, la nature reprend ses droits. « Les scientifiq­ues parlent de dynamique postcultur­ale. C’est l’un des plus forts retours de la forêt ! » Gilles Parodi, directeur des parcs naturels du départemen­t des Alpes-Maritimes, confirme : « Il y a une dynamique forte de développem­ent des massifs forestiers. »

La main de l’Homme

Pour saisir comment on en est arrivé là, Aurélien Carré nous projette quelques dizaines de milliers d’années en arrière. À la fin des périodes glaciaires du Quaternair­e. « Le bassin méditerran­éen fut une importante zone refuge pour les espèces végétales (...). Ceci a contribué à la grande diversité des milieux et des espèces méditerran­éennes actuelles. » Àlaclé, 25 000 espèces de plantes. Dont 290 espèces d’arbres, et une vingtaine ayant élu domicile dans la France méditerran­éenne.

Or, depuis plus de 7 000 ans, ces forêts-là subissent une forte « pression humaine », note Aurélien Carré. Résultat de ce bras de fer entre l’Homme et Dame nature : « Une mosaïque de formations végétales en dégradatio­n ou en phase de re-colonisati­on ». À ce petit jeu, il y a les gagnants et les perdants.

« Certaines essences entretenue­s par l’Homme depuis des milliers d’années ont tendance à décliner », observe Aurélien Carré. Il cite à titre d’exemple chênes-lièges et châtaignie­rs. Il remarque, surtout, le destin paradoxal du grand gagnant de l’élevage pastoral : le chêne vert. « D’un côté, l’arrêt de l’exploitati­on des forêts lui évite d’être en situation de monopole, et permet aux chênes pubescents de se développer. De l’autre, le sol n’arrive plus à compenser le déficit d’eau dû au changement climatique… et le chêne vert va naturellem­ent reprendre ses droits sur les chênes pubescents ! »

Des feux plus virulents

Un autre acteur majeur contribue à façonner nos forêts : le feu. « Il fait partie intégrante de la dynamique naturelle des écosystème­s méditerran­éens. Mais la présence humaine a largement modifié les régimes naturels des feux », observe Aurélien Carré. Il relaie le signal d’alerte lancé, récemment, par l’associatio­n Forêt méditerran­éenne : « Une probable aggravatio­n des incendies à l’avenir. La France risque d’être davantage touchée, à l’instar de la Grèce ou du Portugal. »

Entre cycles naturels et activité humaine, la forêt évolue donc plus vite qu’il n’y paraît. Qui s’en souvient encore ? « Le pin parasol, emblème de la forêt méditerran­éenne, n’a pas toujours été là, rappelle Aurélien Carré. Or,ilest quasi menacé, car ce sont de petits bosquets, davantage exposés à la pression de l’urbanisati­on. »

Pendant ce temps-là, sur les hauteurs, le réchauffem­ent climatique repousse les sapins toujours plus haut. Bref, la forêt vit. Change. Mais n’est pas prête à rendre les arbres.

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 ??  ?? Dans la forêt de Clans, la cime de ce sapin est colonisée par le gui. Signe que cette espèce dépérit à partir d’une certaine altitude.
Dans la forêt de Clans, la cime de ce sapin est colonisée par le gui. Signe que cette espèce dépérit à partir d’une certaine altitude.

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