ILS REDOUBLENT DE VIGILANCE POUR NOS FORÊTS
Les massifs méditerranéens changent de visage, au gré du réchauffement et du repli des terres agricoles. Des espèces y gagnent, comme le chêne vert, ou sont menacées
Le réchauffement climatique, les incendies et l’activité humaine ont un impact direct sur les massifs méditerranéens, mettant en péril certaines espèces. Paradoxe : pendant ce temps, la forêt regagne du terrain ! État des lieux, décryptage et immersion avec l’ONF dans la Tinée.
La forêt est constamment en évolution ! » Le constat est signé Jean-Paul Leoni, chef par intérim des forestiers-sapeurs de Force 06. Constat partagé par les connaisseurs des massifs méditerranéens. Malgré les apparences, le changement n’est pas que climatique, il est aussi forestier. Ces écosystèmes sont-ils menacés ? Certaines espèces sont-elles directement affectées par ces changements ? Tel est l’objet du rapport livré, voilà quelques mois, par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). L’auteur, Aurélien Carré, y dresse « La liste rouge des écosystèmes en France ». Conclusion : certaines espèces déclinent… Mais la forêt gagne du terrain !
« Le changement climatique va avoir un certain nombre de conséquences, reconnaît l’auteur de ce rapport. Mais les changements les plus importants que l’on constate sont liés, eux, à l’impact de la déprise pastorale sur la dynamique forestière. » Logique : là où l’agriculture rend les armes, la nature reprend ses droits. « Les scientifiques parlent de dynamique postculturale. C’est l’un des plus forts retours de la forêt ! » Gilles Parodi, directeur des parcs naturels du département des Alpes-Maritimes, confirme : « Il y a une dynamique forte de développement des massifs forestiers. »
La main de l’Homme
Pour saisir comment on en est arrivé là, Aurélien Carré nous projette quelques dizaines de milliers d’années en arrière. À la fin des périodes glaciaires du Quaternaire. « Le bassin méditerranéen fut une importante zone refuge pour les espèces végétales (...). Ceci a contribué à la grande diversité des milieux et des espèces méditerranéennes actuelles. » Àlaclé, 25 000 espèces de plantes. Dont 290 espèces d’arbres, et une vingtaine ayant élu domicile dans la France méditerranéenne.
Or, depuis plus de 7 000 ans, ces forêts-là subissent une forte « pression humaine », note Aurélien Carré. Résultat de ce bras de fer entre l’Homme et Dame nature : « Une mosaïque de formations végétales en dégradation ou en phase de re-colonisation ». À ce petit jeu, il y a les gagnants et les perdants.
« Certaines essences entretenues par l’Homme depuis des milliers d’années ont tendance à décliner », observe Aurélien Carré. Il cite à titre d’exemple chênes-lièges et châtaigniers. Il remarque, surtout, le destin paradoxal du grand gagnant de l’élevage pastoral : le chêne vert. « D’un côté, l’arrêt de l’exploitation des forêts lui évite d’être en situation de monopole, et permet aux chênes pubescents de se développer. De l’autre, le sol n’arrive plus à compenser le déficit d’eau dû au changement climatique… et le chêne vert va naturellement reprendre ses droits sur les chênes pubescents ! »
Des feux plus virulents
Un autre acteur majeur contribue à façonner nos forêts : le feu. « Il fait partie intégrante de la dynamique naturelle des écosystèmes méditerranéens. Mais la présence humaine a largement modifié les régimes naturels des feux », observe Aurélien Carré. Il relaie le signal d’alerte lancé, récemment, par l’association Forêt méditerranéenne : « Une probable aggravation des incendies à l’avenir. La France risque d’être davantage touchée, à l’instar de la Grèce ou du Portugal. »
Entre cycles naturels et activité humaine, la forêt évolue donc plus vite qu’il n’y paraît. Qui s’en souvient encore ? « Le pin parasol, emblème de la forêt méditerranéenne, n’a pas toujours été là, rappelle Aurélien Carré. Or,ilest quasi menacé, car ce sont de petits bosquets, davantage exposés à la pression de l’urbanisation. »
Pendant ce temps-là, sur les hauteurs, le réchauffement climatique repousse les sapins toujours plus haut. Bref, la forêt vit. Change. Mais n’est pas prête à rendre les arbres.