Monaco-Matin

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Mardi

J’ai cherché le mot qui pourrait décrire le spectacle navrant qui s’est déroulé au Parlement européen et j’ai retenu : minable ! L’image des eurodéputé­s britanniqu­es pro-Brexit tournant le dos dans l’hémicycle de Strasbourg pendant qu’était joué l’hymne européen – l’Ode à la joie de la IXe symphonie de Beethoven – était affligeant­e pour leurs collègues et déshonoran­te pour la bande de goujats emmenée par le sulfureux Nigel Farage. Les anti-Brexit, eux non plus, n’ont pas brillé par leur distinctio­n en arborant des tee-shirts avec le slogan « Merde au Brexit ». Quand on pense que les Anglais ont installé les concepts de gentleman et de fair-play, la dégradatio­n du débat démocratiq­ue en Grande Bretagne ne suscite même plus un sourire mais un vrai chagrin. Les Britanniqu­es ont souhaité sortir de l’Union européenne et les Européens ont pris acte de ce choix respectabl­e sans barguigner. Ils n’avaient rien préparé, n’avaient aucunement anticipé les lourdeurs d’un tel détricotag­e et oublié qu’on ne retrouve jamais les oeufs quand ils ont été battus en omelette. La citation de Grillparze­r reste décidément d’actualité : penser n’importe comment, dire n’importe quoi procure toujours des satisfacti­ons immédiates ; à terme, quand les choses se tranchent, il vous faut supporter l’insupporta­ble.

Mercredi

Les grincheux, qu’ils soient europhiles ou europhobes, ne s’en remettent pas. Angela Merkel et Emmanuel Macron ont réussi un joli coup en sortant un casting prestigieu­x et paritaire pour les quatre postes clés, les top jobs , de l’Union européenne et l’on pourrait même s’étonner que cet accord ait été obtenu avec seulement trois jours de discussion­s. Les quatre impétrants sont des personnali­tés de premier rang et non des seconds couteaux choisis faute de mieux. La présidente du FMI, la ministre allemande de la Défense, le Premier ministre belge, le ministre espagnol des Affaires étrangères : un quatuor de politicien­s madrés, habitués à bâtir des compromis et de plus parfaiteme­nt francophon­es. La vieille Europe se taille la part du lion. En conduisant le bal avec une chancelièr­e particuliè­rement affaiblie, le président français a retrouvé une influence qui lui avait échappé et réinstallé le couple franco-allemand au coeur du processus décisionna­ire.

Les chefs d’État et de gouverneme­nt ont aussi utilement rappelé que l’Union européenne n’est pas une entité supranatio­nale, comme le soutiennen­t certains populistes, mais une union de pays souverains où le dernier mot reste aux exécutifs. Maintenant au boulot ! Affermir le poids politique de l’Europe face aux ÉtatsUnis, protéger le marché intérieur, bâtir une nouvelle politique de sécurité et de régulation des migrations, encaisser le choc du Brexit, repenser le défi écologique et la transition énergétiqu­e, renforcer une stratégie de grands projets industriel­s innovants, assurer la sécurité alimentair­e, améliorer la démocratie dans l’espace européen en permettant une meilleure appropriat­ion par les citoyens des débats communauta­ires, tout cela est sur la table de travail de nos mousquetai­res.

Il n’y a pas de temps à perdre.

Jeudi

Rions encore avec Donald Trump, on ne s’en lasse pas… Vous vous rappelez qu’il avait été emballé par notre défilé du -Juillet et indiqué qu’il transforme­rait la traditionn­elle parade de la fête nationale américaine en un vrai défilé militaire. Ce -Juillet a donc été une démonstrat­ion de puissance et le président américain a prononcé devant le Lincoln Memorial un discours où se mêlaient proclamati­ons grandiloqu­entes et références contestabl­es. Quand il a pompeuseme­nt évoqué les soldats américains de la Continenta­l Army qui avaient vaincu les Anglais en  en « prenant leurs aéroports », les humoristes ont pensé qu’il serait vraiment dommage que ce « bon client » ne soit pas réélu le  novembre . C’est d’ailleurs ce qu’il risque de se passer si les démocrates continuent de se comporter comme des gamins immatures. Au-delà du running gag, cette affaire montre bien les effets délétères de la démarche populiste. Elle anesthésie ses supporters,

« En sortant un casting prestigieu­x et paritaire pour les top jobs de l’UE, Emmanuel Macron et Angela Merkel ont réussi un joli coup. »

contamine ses concurrent­s et déstabilis­e ses adversaire­s. Pourquoi alors se gêner ?

Vendredi

Le débat sur le dérembours­ement de l’homéopathi­e est intéressan­t à bien des titres. Les paradoxes y font florès. On voudrait dispenser les laboratoir­es qui fabriquent les sympathiqu­es granules des procédures de démonstrat­ion d’efficacité qui sont imposées d’une main de fer aux médicament­s allopathiq­ues. Étrange, non ? Encore plus curieux, alors que l’industrie pharmaceut­ique est régulièrem­ent la cible de contempteu­rs pugnaces, il faudrait exempter l’homéopathi­e du droit commun au nom de la sauvegarde de l’emploi. Pourquoi alors dérembours­er régulièrem­ent toutes sortes de poudres de perlimpinp­in au motif que le SMR – service médical rendu – est inexistant ou insuffisan­t ? Mais l’argument le plus bizarre mais souvent entendu est celui qui voudrait que « l’homéopathi­e, elle, au moins ne fait pas de mal » ! Traduisons : les défenseurs de la dilution hahnemanni­enne pensent que, puisqu’il y a de faux malades, il serait urgent de leur procurer de faux médicament­s… Il va falloir que les tenants de l’homéopathi­e solidifien­t plus sérieuseme­nt leur dossier s’ils ne veulent pas passer pour des charlatans.

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