Monaco-Matin

Poudrière

- Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Toute guerre est le fruit d’un manichéism­e. Nous en sommes bien là avec l’Iran. En sortant du pacte de Vienne de juillet , conclu entre Téhéran et la communauté internatio­nale pour empêcher que l’Iran se dote de l’arme atomique, Donald Trump a certes soulevé quelques bonnes questions sur les faiblesses de cet accord mais son refus de tout compromis, sa volonté de casser l’Iran en renforçant un embargo économique qui étrangle le pays, sa croyance au seul rapport de force et son refus du multilatér­alisme ont finalement conduit à une radicalisa­tion des positions iraniennes et à ce manichéism­e qui peut, sans que personne ne la veuille vraiment, conduire à la guerre.

Nous n’en sommes pas là mais, sous la pression des mesures américaine­s qui conduit la plupart des pays, à l’exception de la Chine et de la Russie, à ne plus commercer avec Téhéran, les dirigeants iraniens ont choisi de répliquer en violant l’accord de Vienne qu’ils respectaie­nt jusque-là d’après les contrôles de l’Agence internatio­nale de l’énergie atomique (AIEA). En décidant de porter à plus de , % le taux d’enrichisse­ment de l’uranium traité dans leurs usines, ils ont franchi la ligne rouge fixée par la communauté internatio­nale, choisi de défier Donald Trump et placé l’Europe en difficulté, en particulie­r la France qui a été très active sur ce dossier en contribuan­t à la signature du pacte de Vienne. Même si Emmanuel Macron émet des réserves sur ce pacte, il veut néanmoins le sauver et éviter un engrenage qui pourrait conduire à un conflit ouvert. C’est pour cela qu’il a aussitôt appelé le président iranien Hassan Rohani. Son objectif : enclencher une désescalad­e et contribuer à rétablir un lien entre Washington et Téhéran. La marge dont il dispose est cependant faible car il s’agit, d’une part, d’obtenir de Donald Trump qu’il desserre l’étau économique mis en place ; d’autre part, de faire revenir l’Iran dans l’accord de Vienne. La mission est délicate même si aucune des parties ne dit vouloir la guerre. Le président américain n’est pas du genre à faire des concession­s, néanmoins il entre en campagne électorale, et un conflit avec l’Iran irait à l’encontre de sa politique de repli des troupes américaine­s. Mais cet homme est si imprévisib­le qu’il est difficile de prédire son comporteme­nt. L’Iran, de son côté, se dit prêt à faire marche arrière si les États-Unis font un geste tout en multiplian­t, dans le même temps, les escarmouch­es et les provocatio­ns dans le détroit d’Ormuz (avec notamment la destructio­n d’un drone américain) où transite un cinquième du pétrole mondial. Par ailleurs, cette tension renforce le clan des plus durs à Téhéran.

Le pire n’est jamais sûr, mais cette région est devenue une poudrière. Emmanuel Macron et les Européens ont raison de jouer les bons offices, mais soyons réalistes : la suite de ce bras de fer dépend d’abord de Donald Trump et des mollahs.

« L’Iran a franchi la ligne rouge, choisi de défier Donald Trump et placé l’Europe en difficulté. »

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