Monaco-Matin

Philippe Starck : « Il faudrait réessayer le communisme »

- LAURENT AMALRIC Anti-social ou anti-capital ? Riches ou pauvres ? Succès ou échecs ?

Lily Of The Valley,

Il est le designer que tout un chacun a sur le bout des lèvres. Jeune septuagéna­ire, Philippe Starck vient de signer pour « Monsieur BFM », Alain Weill, son tout premier hôtel de la French Riviera (lire nos éditions varoises du 2 juillet) à La Croix-Valmer, Lily Of The Valley, parangon de « l’essence de la Méditerran­ée ».« Vous savez, moi je ne fais pas des Disneyland...», glisse-til, pince-sans-rire. Confirmati­on avec la création de la plage écolo-chic de La Réserve, commandée par son grand ami Michel Reybier qui participe, à sa manière, à la renaissanc­e de Pampelonne cette saison. Deux projets sur lesquels le sage aux allures excentriqu­es demeure intarissab­le. Sans omettre de détailler qu’il y a douze ans, lui-même et son épouse Jasmine Abdellatif ont « scanné toute la région pour trouver une maison dans le sud » avant d’y trouver sa « cabane » sur l’île du Levant. Concernant son insolite pantalon aux rayonnemen­ts psychédéli­ques, c’est d’ailleurs elle qui nous renseigne. « Il s’agit de tissus d’une nappe représenta­nt les vitraux de Notre-Dame que Philippe a fait retailler en pantalon. On peut donc dire qu’il est aussi vêtu de Starck ! », s’amuse-t-elle. Raccord avec cette personnali­té génialemen­t avantgardi­ste

au langage élégant. Et parfois surprenant !

« Vous savez moi je suis communiste. Je n’aime pas beaucoup le luxe et tout ça. Ce que j’aime c’est la qualité. Les gens de qualité. Et ici c’est la qualité partout ! En travaillan­t à La Croix-Valmer, j’ai loué un scooter, je me suis baladé... Je ne comprends pas comment cet endroit peut être aussi préservé, aussi magnifique, sachant que tout le reste à une heure et demie d’ici est ravagé... Je suis sidéré par ce côté sauvage, peu construit...».

Ses deux projets varois l’ont réconcilié avec une presqu’île où il avoue ne pas avoir mis les pieds depuis cinquante ans.

« Vers 17-18 ans, avec un pote, je faisais du trafic de tracteurs agricoles dans le coin. Ne me demandez pas pourquoi ! (rire). Je me souviens qu’on allait déjeuner presque tous les jours chez les parents de Brigitte Bardot. Une toute petite maison avec sa treille, ses deux petites colonnes, le pichet de piquette, et c’était absolument génial ! ».

Sur la question du « communiste qui n’aime pas les riches », mais construit pour les élites, Starck connaît également l’art de l’esquive. « Je suis tellement atteint par ma maladie créative que je peux tout faire. Mama Shelter c’est 90 euros la nuit, MOB, ce doit être 70... L’essentiel c’est que ce soit bien. Je fais plus d’objets à un euro pour des millions de gens que l’inverse. Lorsque je dis « J’aime pas les riches », j’exagère, car il y en a des très bien...Quand des gens comme Steve Jobs vous demande de lui faire un bateau et que l’on passe sept ans avec lui, il y a des motifs de satisfacti­on... Quand on fait le plus grand voilier de l’histoire de l’humanité (le Sailing Yatch A d’Andreï Melnitchen­ko, Ndlr), c’est une mine d’inventions et de technologi­e utilisée ensuite ailleurs. Voici ma stratégie de Robin des Bois ! Je prends aux riches avec leur grand contenteme­nt pour le redonner aux pauvres », disserte-t-il avant un clin d’oeil appuyé à sa femme qui le couve du regard.

« Pourquoi suis-je avec une aussi jeune et jolie femme qui choisit un gros vieux grincheux ? C’est le grand mystère... C’est sûrement une perverse ! » (rire), conclut-il en roi de la pirouette finement architectu­rée. Communiste ou Passéiste ? Quand je dis que je suis communiste, je ne suis pas « soviétiste » – ce communisme raté – je suis dans l’esprit chrétien du partage, de l’égalité... C’est dommage que ce prototype détourné par des voyous n’ait jamais été retenté... Je regrette qu’on continue à financer à perte le capitalism­e, truc pourri qui amène la société à de telles différence­s que ça ne peut pas fonctionne­r. Il n’y a pas photo, si je dois choisir ce sera ceux qui ont le moins d’argent évidemment ! Certains architecte­s se glorifient d’avoir perdu un concours. Mois j’aime le succès. Il ne faut jamais s’approcher de l’échec. C’est contagieux !

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(Photos Dominique Leriche) le nouvel hôtel d’Alain Weill à La Croix-Valmer.
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Avec son épouse Jasmine Abdellatif dans la salle du restaurant Le Vista qu’il a entièremen­t designé pour

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