Monaco-Matin

Stéphane Bern : « On n’a pas su protéger Notre-Dame de Paris »

Exposition Chaumet, loto du patrimoine, Notre-Dame de Paris, famille princière... A l’occasion de sa venue à Monaco, Stéphane Bern s’est confié sur l’actualité historique et patrimonia­le

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Quand on lui parle d’Histoire et de bâti ancien, son regard s’éclaire comme celui d’un minot. Le moulin à paroles s’active sans qu’on ait besoin de l’interrompr­e. Stéphane Bern, le médiatique animateur de Secrets d’Histoire et fidèle de la Principaut­é, était ce jeudi à Monaco pour le vernissage de l’exposition Chaumet en Majesté, au Grimaldi Forum, dont il est l’un des commissair­es. Profitant de sa présence aux côtés du prince Albert II, il a évoqué le tirage spécial du loto du patrimoine, prévu aujourd’hui, destiné à financer la restaurati­on de monuments en décrépitud­e, mais aussi l’incendie de Notre-Dame de Paris et sa relation privilégié­e avec la famille princière.

En tant que co-commissair­e de l’exposition Chaumet au Grimaldi Forum à Monaco, comment avez-vous sélectionn­é les diadèmes ?

On a essayé de faire le maximum, d'inventorie­r avec les équipes toutes les pièces de la maison Chaumet qu'il fallait retrouver. Christophe Vachaudez (co-commissair­e) connaît parfaiteme­nt tous ces bijoux, comme s'il les avait portés ou faits. C'est un peu un Hercule Poirot qui a remonté le fil d’un certain nombre de pièces. Pour ma part, j’ai fait en sorte que ce ne soit pas qu'une exposition de bijoux. Il fallait comprendre ce qu'est un diadème, quel est son symbole, à quoi

‘‘ ça sert, le remettre dans un contexte historique et sentimenta­l. Dans les grandes familles, le diadème est un bijou qui se transmet de génération en génération et raconte une grande histoire sentimenta­le. Autant le pouvoir se transmet par les hommes, autant les bijoux se transmette­nt par les femmes. J'ai écrit aux familles royales pour qu'elles prêtent leurs bijoux et qu'on obtienne un maximum de pièces. Il n'y a pas d'autre maison que Chaumet qui a une telle histoire depuis  et plus particuliè­rement depuis l'avènement de Napoléon Ier.

Le Loto du patrimoine sera tiré le  juillet (ce soir, Ndlr).  monuments ont été retenus – et en partie dévoilés ce jeudi – pour être restaurés grâce à l’argent récolté. C’est moins que l’an passé. C’est une volonté de mieux les doter ?

C’est exactement pour cette raison que nous avons sélectionn­é moins de dossiers. Il y en a un par départemen­t, sans compter les dix-huit emblématiq­ues dévoilés en mars dernier. On pourra davantage les financer, à la hauteur de leur demande, avec l’argent du Loto et des tickets à gratter de  et  euros. On continue toujours à aider les monuments de l'an passé. Sur les  aidés,  ont déjà été sauvés, entièremen­t restaurés.

Est-ce un crève-coeur de faire des choix ?

Toujours, oui. On a trois critères de sélection : l'urgence absolue, celle de péril. Le second critère est l'état d'avancement du plan de financemen­t. Certains ne savent pas où ils vont. Quand le projet est flou, on ne peut pas le financer. Le troisième critère, enfin, c'est l'impact culturel et économique sur les territoire­s. Il faut que cela ait du sens pour les gens, notamment quand il s'agit de monuments appartenan­t à des collectivi­tés territoria­les.

Dans les Alpes-Maritimes, c’est le moulin à vent de Berre-les-Alpes, appartenan­t à la commune, qui a été retenu. Pourquoi ce choix ?

On est en période d'écologie, non ? Je préfère les moulins aux éoliennes, cela dénature moins le paysage, cela fait partie des traditions. Il existe bon nombre d'associatio­ns de moulins avec, souvent, des bénévoles. On oublie de dire que ce ne sont pas juste des gens qui viennent visiter les monuments. Tous les week-ends, des gens donnent leur temps, leur énergie, leur passion, leurs moyens.

À travers ces choix, ce sont eux qu'on veut encourager et remercier de leur abnégation. Ils soutiennen­t le patrimoine au quotidien. Le patrimoine n’est pas toujours spectacula­ire, ce ne sont pas que des grands châteaux, des grandes cathédrale­s ou églises. On les aide bien sûr, il y a d’ailleurs une trentaine d'églises dans les choix de l'année . Mais les moulins méritent tout autant d'être soutenus.

En parlant de patrimoine spectacula­ire, des millions d’euros ont été promis pour la reconstruc­tion de Notre-Dame de Paris. Comment aviez-vous réagi, à chaud, à cette émotion patrimonia­le ?

J'espère que cela va convaincre les Français d'une chose : plus jamais ça. Ne laissons plus faire ça ! Notre-Dame de Paris a résisté aux guerres, aux révolution­s, aux saccages et aux pillages. Et c'est notre modernité arrogante qui a failli la mettre à terre avec des travaux où l'on n’a pas fait attention. Ça a pris feu, on n'a pas su la protéger. Il y a eu cette émotion patrimonia­le qui fait qu'on a promis beaucoup d'argent.

Justement, l’écart entre les promesses de dons ( millions d’euros) et l’argent récolté ( millions d’euros) vous inquiète-til?

L'argent va rentrer petit à petit. Il faut savoir que quand vous promettez  millions, ils n'arrivent pas tout de suite. Les gens ne donnent pas à titre privé mais au titre de l'entreprise, il faut donc créer des convention­s entre l’État et les entreprise­s. Ensuite, on va faire des appels d'argent au moment où les travaux seront réalisés. Moi, ce qui m'inquiète c'est, dans la loi d'exception, le fait de dire que l’argent des quatre fondations qui peuvent le récolter va aller au Trésor public. Excusez-moi mais le Trésor public, ce sont les impôts. Moins l'État s'en mêle, mieux je me porte. Car vous ébranlez la confiance des gens. J'ai expliqué cela au chef de l'État. Je ne suis pas toujours entendu, ni écouté mais je dis ce que je pense. Je reste un homme libre.

Le chantier est-il en bonne voie ?

J’y suis passé il y a quelques jours. On en est à la phase de sécurisati­on. Il faut tout sécuriser avant de commencer les travaux : la voûte, les tours, les pinacles, les arcs-boutants. Il y a un travail réellement intéressan­t. L’Institut national de recherches archéologi­ques préventive­s et les archéologu­es voient comment travaillai­ent les bâtisseurs des cathédrale­s. Essayons de nous réunir autour de Notre-Dame de Paris, ce n'est pas le moment de se diviser. La seule chose que je dis aux Français : oui Notre-Dame de Paris est un chantier très visible mais combien d'autres de nos cathédrale­s et de nos églises sont en mauvais état et risquent le même sort ? Faisons en sorte que cela nous serve d'électrocho­c. Un sondage récent sur le patrimoine disait que  % des Français y sont attachés et souhaitent qu'on fasse davantage pour le patrimoine.

Charlotte Casiraghi, la fille de la princesse Caroline s’est récemment mariée. C’est bientôt le tour de Louis Ducruet, le fils de la princesse Stéphanie. Vous suivez toujours l’actualité de la famille princière de près ?

C’est beaucoup de joie. Je les ai vu naître. Je disais récemment au souverain que le premier voyage où je l’ai accompagné était il y a trente ans exactement. Quand vous suivez la même famille depuis trois décennies, vous voyez tout ce qu'il se passe : les joies et les peines sont les nôtres… J'ai vécu avec eux des moments très douloureux, je suis très heureux qu'on en soit aux pages des carnets blancs et roses, des bonnes nouvelles. Cela touche les Monégasque­s mais aussi la France. C'est un peu, j'allais dire, la famille royale française par substituti­on. À travers les Grimaldi, les Français retrouvent les charmes d'une monarchie à leurs frontières.

J'ai la chance de travailler de temps à temps à Monaco, donc j’ai la chance de pouvoir les approcher. Là je vais m'occuper d'une autre exposition Princes et Princesses de Monaco et j'ai bon espoir de l'emmener à Paris, après sa récente délocalisa­tion à la Cité Interdite.

Je préfère les moulins aux éoliennes”

‘‘ L’argent va rentrer petit à petit”

 ??  ?? Stéphane Bern (à gauche) aux côtés du prince Albert II et de Christophe Vachaudez, co-commissair­e, lors du vernissage de l’exposition « Chaumet en Majesté », ce jeudi. (Photo Sébastien Botella)
Stéphane Bern (à gauche) aux côtés du prince Albert II et de Christophe Vachaudez, co-commissair­e, lors du vernissage de l’exposition « Chaumet en Majesté », ce jeudi. (Photo Sébastien Botella)

Newspapers in French

Newspapers from Monaco