Monaco-Matin

«J’aivumamort­sportive»

- PROPOS RECUEILLIS PAR FABIEN PIGALLE

Il ne pensait même pas pouvoir remarcher. Il y a un an, quasi jour pour jour, le perchiste Valentin Lavillenie ( ans), petit frère du recordman du monde Renaud, se filmait à Capbreton béquilles en mains.

Mâchoire serrée, il immortalis­ait ses premiers pas depuis sa terrible chute aux interclubs début mai . En retombant sur la piste, Valentin se fracturait le talon gauche. Vendredi soir pourtant, celui qui s’est installé entre Nice et Monaco a fait frissonner les fans d’Herculis. A domicile, il signait tout simplement le plus haut saut de sa carrière avec ,m.

, m chez vous, ça doit être une sensation très particuliè­re ?

C’est le meeting que j’aime le plus au monde, le stade que j’aime le plus au monde. J’avais à coeur d’être bon ici et je l’ai fait. Je n’ai pas les mots. Faire ma perf’ devant les gens que j’aime, c’est énorme. Je sens que je peux aller plus haut. Je reviens de tellement loin... Mon combat, je l’ai mené à Clermont-Ferrand, à Monaco, et au Cers à Capbreton. J’avais envie de tourner la page et je pense que je l’ai vraiment tournée.

Faites-nous la chronologi­e de votre retour...

Je me fracture le talon le  mai, je me fais opérer le  mai à Lyon. Mais je ne supportais pas de rester ensuite dans ce centre de rééducatio­n. La moyenne d’âge était assez élevée, comme si j’étais avec mes grands-parents.

Mais là y en avait  autour de moi (rires) ! Je négocie mon départ pour rejoindre mon frère à Clermont où j’avais aussi mon staff médical. Mon frère me dit ok, mais à condition d’aller au Cers à Capbreton ensuite. Je me suis reconstrui­t mentalemen­t chez lui et je suis parti.

Il y a un peu plus d’un an le chirurgien qui vous a opéré après votre chute vous expliquait que ça allait être difficile de remarcher...

J’ai mis beaucoup de choses à plat autour de moi. J’avais confiance en les personnes qui me suivaient, et surtout, une envie folle de revenir. J’y ai toujours cru. Le chirurgien ne m’avait même par parlé de courir un jour. Certaines personnes m’ont dit que je ne referai plus jamais de perche de ma vie. J’étais sur la table du kiné, les larmes coulaient sur mon visage. Je voulais entendre la vérité, mais au fond j’étais effondré.

Je remarchais à peine mais je n’avais pas envie que quelqu’un décide à ma place. J’ai eu un déclic.

Lors de ma rééducatio­n au Cers à Capbreton, j’ai décidé de me faire mal et d’en faire plus encore.

Vous n’avez jamais douté ?

J’ai toujours fait plus que ce qu’on me demandait. Au Cers par exemple, on me disait que les plus longs séjours ne duraient pas plus d’un mois car après c’était trop difficile. Au final, je suis resté cinq semaines alors que personne pensait que j’allais tenir. J’ai jamais craqué.

C’est un lieu usant physiqueme­nt ou mentalemen­t ?

Mentalemen­t, je pense. Parce que physiqueme­nt, je pouvais rester deux mois sans problème.

Votre premier saut ?

Au mois d’octobre à CharlesEhr­mann... ça ne ressemblai­t à rien (rires). J’ai pris une perche et je ne l’ai presque pas pliée. Mais bon ce n’est pas de la perche, ça... En janvier-février, je me suis vraiment envoyé. Aucune appréhensi­on de retomber à côté du sautoir ? Jamais. Je n’ai jamais eu cette peur-là. J’en connais, ils n’ont pas eu d’accident et ils ont ce blocage. C’est terrible. Je touche du bois. Mais la perche coule dans mes veines. C’est vraiment quelque chose qui résonne au fond de moi.

Quel était l’envers du décor après vos sauts ?

Je me faisais masser.

Cet hiver mes échauffeme­nts étaient très longs. Maintenant, ils sont même plus courts qu’avant. Pour la simple et bonne raison que je prends plus soin de ce pied. Je le masse tout le temps. Je mobilise tout le temps ma cheville au réveil etc. Avant, je me levais, je prenais le petitdéjeu­ner, et je filais à la compétitio­n.

Mais bon, là, je vous parle... j’ai mal. Ce soir, j’aurais peutêtre mal. J’en pleure encore.

Faut-il enlever cette dizaine de vis alors que vous n’avez jamais sauté aussi haut ?

Mon objectif il est clair... tant que les infiltrati­ons me permettent de faire ce que je fais, on touche à rien ! Mon objectif c’est d’être aux championna­ts du monde à Doha puis Tokyo. Je ne vais pas prendre le risque de me faire opérer... Tant que mon corps accepte ce matériel et que j’arrive à gérer cette

douleur, je garde tout.

Est-ce normal d’avoir d’aussi bons résultats avec le pied que vous avez ?

Pas du tout.

Comment l’expliquer ?

Je me pose encore la question. Ce dont je suis sûr, c’est que mentalemen­t, je vais beaucoup mieux. Je suis libéré aujourd’hui parce que j’ai vu ma mort sportive. Si j’en suis là, c’est grâce à tous les gens qui m’ont entouré, mon frère et ma maman, mon kiné et trois de mes meilleurs amis et d’autres encore. Sans eux, je n’aurais pas pu y arriver. Ma mère qui est dans les Landes me répondait au tel à h du matin. Avant je l’appelais une fois par mois, maintenant je l’ai une fois par jour. On m’a aidé à grandir, à avancer.

Comment est le nouveau Valentin Lavillenie ?

Je me sens mieux. Beaucoup plus à l’aise, serein. Je prends beaucoup de recul. Avant j’étais très impulsif. Je suis toujours une tête brûlée. En fait, j’ai toujours rêvé d’être poussé au bout de mes limites. Toucher le point de non-retour. Et je suis fier de dire que cette limite, je ne l’ai pas encore touchée. Pourtant il m’est arrivé un sacré truc. Je suis allé vraiment loin. J’ai morflé pour revenir, mais je suis revenu. Tout ça fait que je ne me fixe plus aucune barrière en hauteur.

Les  mètres c’est un fantasme ?

Non, moi j’y crois. Je ne dis pas que je les passerai, mais j’y crois. Évidemment j’y pense. Un jour...

‘‘

Les  mètres, j’y crois. ”

Un jour à Doha, aux championna­ts du monde ?

Ou ailleurs. Je te mets au défi de trouver cinq journalist­es qui pensaient que je pouvais faire ce que j’ai fait. En fait, tu trouveras personne. Ce qui m’a le plus touché, c’est justement de recevoir des messages de félicitati­on de personnes qui ne croyaient pas en ce retour.

Plus fort qu’une médaille ?

Je ne peux pas dire, j’en ai jamais eues... (rires). Mais j’en suis quasi-sur oui. On ne peut pas comprendre. Je le souhaite à personne. Quand je suis revenu en compétitio­n, les autres sauteurs m’ont pris dans les bras. C’est fort.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco