Concurrence : une amende de M€ réclamée à E.Leclerc
Bercy reproche au distributeur d’avoir utilisé sa centrale d’achats belge pour faire pression sur ses fournisseurs. Il y a un an, ladite centrale était épinglée pour des remises illégales exigées
Depuis un an, Bercy réclamait plus de 100 millions d’euros à E.Leclerc : le ministère a doublé la mise, hier, en exigeant une nouvelle amende sans précédent pour le secteur, accusant le géant de la distribution de passer par l’étranger pour abuser de ses fournisseurs. Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, et sa secrétaire d’Etat, Agnès Pannier-Runacher, ont assigné plusieurs entités de Leclerc pour leur réclamer une amende de 117,3 M€, selon un communiqué publié par Bercy. Principale entité visée par cette décision, la centrale d’achats belge de Leclerc, Eurelec, que Bercy accuse de « pratiques commerciales abusives [...] pour contourner la loi française et imposer des baisses de tarifs très importantes, sans aucune contrepartie, à certains de ses fournisseurs ».
C’est la deuxième fois en à peine plus d’un an que le ministère vise Leclerc, numéro un français de la grande distribution, et à chacune de ces actions, qui portent à plus de 200 M€ les montants réclamés au groupe, ce sont les centrales d’achat qui sont en cause.
Ces organismes regroupent les commandes des différents magasins, jouant un rôle d’interlocuteur unique auprès des fournisseurs dont les produits sont revendus.
En juin 2018, Bercy avait, en effet, déjà assigné le Galec, principale centrale
d’achat du groupe, devant le tribunal de commerce de Paris, lui réclamant 108 M€ pour avoir imposé des prix moins chers à une vingtaine de fournisseurs, hors des contreparties prévues par leurs contrats. La justice doit encore se prononcer.
Toutefois, à la différence de l’annonce d’hier, ce montant est largement compris de remboursements exigés auprès des fournisseurs. Cette fois, les 117 M€ réclamés se résument bien à une amende. Le montant est sans précédent dans la grande distribution et sans commune mesure avec ceux généralement demandés par Bercy, qui tournent autour de quelques millions d’euros.
« Rétorsion »
Le ministère, qui se fonde sur une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), accuse Leclerc d’avoir contourné la loi française via sa centrale d’achats belge, créée en 2016 et partagée avec l’allemand Rewe. Leclerc « aurait eu recours à l’application de mesures de rétorsion fortes, pour obliger ses fournisseurs à accepter les conditions posées par Eurelec », précise Bercy.
Vous avez dit pouvoir d’achat ?
De son côté, Leclerc a dénoncé une volonté politique du gouvernement, promettant de faire valoir ses droits et rappelant que les négociations visées concernaient de grands groupes multinationaux et non des petites et moyennes entreprises (PME).
« Derrière ces attaques permanentes dont sont témoins les consommateurs depuis deux ans, il s’agit clairement de mettre la pression sur E.Leclerc » ,adéclaré Olivier Huet, président du Galec. Leclerc centre son discours sur la défense du pouvoir d’achat du consommateur mais est fréquemment accusé par ses fournisseurs comme ses concurrents d’imposer des prix agressivement bas.
Le groupe a affiché une attitude moins conciliante que ses principaux concurrents lors des débats qui ont abouti l’an dernier à une loi sur l’alimentation, par laquelle le gouvernement visait une répartition équilibrée des prix entre agriculteurs, distributeurs et consommateurs. Bercy a d’ailleurs inscrit la décision annoncée dimanche dans l’esprit de cette loi, rappelant que les ministres concernés avaient exprimé lors des débats parlementaires leur volonté de « garantir l’équilibre des relations commerciales ».