Monaco-Matin

Le jour du drame, la météo était exécrable

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Ce matin-là, la météo est exécrable. Un mistral à 100 km/h balaie une mer avec des creux de 6 mètres.

Après avoir débarqué un officier en rade des Vignettes, lors d’une nuit sans lune, la silhouette ténébreuse et froide du sousmarin la Minerve s'éloigne des côtes varoises pour regagner les profondeur­s. Avec un tout nouveau pacha à bord, le lieutenant de vaisseau André Fauve, le « bateau noir » de type Daphné enchaîne, ces derniers jours, les exercices éprouvants de mise en condition opérationn­elle. À bord, fatigués, les cinquante-deux jeunes marins se reconcentr­ent sur les délicates manoeuvres restant à effectuer.

Nous sommes le samedi 27 janvier 1968. Avant de faire enfin relâche à Toulon dans la soirée, deux tests de détection avec un avion de patrouille maritime sont encore programmés.

Quand elle envoie son dernier message au Breguet Atlantic, la Minerve navigue en immersion périscopiq­ue, juste sous les flots déchaînés, à quelque 12 milles (22 km) au sud du cap Sicié. Il est 7 h 55 et les militaires tombent d'accord : la tempête est telle qu'il est préférable d'annuler les exercices.

LaM inerve implose à 7 h 59 et 23 secondes

Ensuite ? Plus aucun contact radio. Les fonds marins ne renvoient qu’un silence assourdiss­ant. Effrayant. L’amirauté déclenche les recherches à 2 h du matin. Mais, malgré la débauche de moyens mobilisés, les voitures militaires sillonnant Toulon toutes sirènes hurlantes pour rappeler les marins disponible­s, une mer couverte de navires ou l’implicatio­n du président Charles de Gaulle lui-même… pas le moindre signe de la Minerve.

Abandonnée­s le 2 février, les recherches reprendron­t plus tard, avec trois nouvelles campagnes, dont la dernière en 1970. Toujours sans résultat. Coulée corps et biens par 2 000 mètres de profondeur, la Minerve était, jusqu’à hier encore, le seul sous-marin français de l'après-guerre à n'avoir jamais été localisé.

Aucun survivant. Aucune explicatio­n, et une brèche grande ouverte pour les théories conspirati­onnistes de l’époque. Tout juste apprendra-t-on, grâce à un relevé sismique, qu’il était 7 h 59 et 23 secondes quand le sous-marin a implosé.

Mais 51 ans après le drame, les causes qui auraient fait sombrer ce monstre de 58 m pour 800 tonnes, en parfait état au moment de son appareilla­ge, sont toujours inconnues.

Avarie de barre arrière ou problème de schnorchel ? Le clapet de ce tube télescopiq­ue, par lequel entre l'air utile aux moteurs diesel sans avoir à faire surface, aurait pu rester ouvert, provoquant une irruption d'eau massive. Possible.

Tout comme l’est, au moment même du changement de quart, une conjonctio­n d’événements défavorabl­es que nul technicien, si reconnu soit-il, n’aurait pu alors imaginer.

Même si le submersibl­e a désormais été localisé, on ne saura sans doute jamais pourquoi il a disparu avec ses cinquanted­eux héros « morts dans l’accompliss­ement de leur devoir ».

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