Monaco-Matin

Marc Veyrat fustige le guide Michelin

C’est le feuilleton culinaire de l’été. Le chef savoyard, aux fourneaux ramatuello­is de Nikki Beach pour un soir, déballe les casseroles et initie une bronca contre le Guide rouge qui l’a rétrogradé

- LAURENT AMALRIC lamalric@nicematin.fr

Croix de Savoie autour du cou, imposant galurin noir en feutre laine, épais gilet de costume, profil à la Bruant... Le soleil fait fondre l’asphalte, mais à Ramatuelle où il inaugurait cette semaine le défilé de dîners de chefs étoilés donné par Nikki Beach, la panoplie demeure. Si Marc Veyrat est en fusion ce jour-là, le soleil méditerran­éen n’y est pourtant pour rien. C’est encore et toujours le Bibendum Michelin qui fait bouillir le grand manitou de Manigod qui sort d’une dépression de six mois. A force de lui rentrer dans le lard depuis que sa Maison des Bois a été dégalonnée de sa e étoile en Haute-Savoie, on pensait que la vapeur avait baissé. Niet ! C’est à coups de lance-flammes verbal, tactile comme jamais et avec ce regard franc du collier qui vrille son interlocut­eur, que ce prêcheur d’une cuisine végétale, minérale et pastorale poursuit le combat. Avec de sacrés brûlots dans la marmite…

Pas anachroniq­ue de retrouver le montagnard chef à la plage ?

J’ai l’habitude de bouger. C’est un autre état d’esprit... Moi je suis subjugué par le lieu, le montage architectu­ral et la maintenanc­e des cuisines, c’est très rare sur une plage. On a amené deux camions réfrigérés. C’est tout prêt. Un menu très environnem­ental avec notamment oeuf à l’oxalis, soufflé de brochet du lac Léman et son émulsion de verveine sauvage, des pommes au quinoa, une purée à la truffe, un entremets de reine-des-près et fraise des bois...

De quelle humeur êtes-vous en ce mois de juillet ?

(ironique) Je suis bien, je sors d’une dépression, avec trois mois d’hôpital suite à la perte de mon étoile...

La procédure lancée à l’encontre du Michelin vise-t-elle leur

« incompéten­ce » ou la demande de ne plus figurer dans le guide ?

(Il tonne) Les deux ! Le feuilleton de l’été Veyrat-Michelin, j’irai jusqu’au bout ! Confondre cheddar et reblochon dans mon soufflé... Le plus grave, c’est qu’ils

« sournoient » le terroir autour de chez moi. A Manigod je suis tout seul et les étoilés de là-haut sont tous mes élèves tellement on est « mauvais »... C’est pas eux qui vont m’apprendre ce qu’est un reblochon. J’étais paysan. J’ai trait les vaches, j’avais  ans. Alors je n’ai pas de leçons à recevoir de ce Gwendal (Poullennec, nouveau directeur internatio­nal du Michelin, Ndlr). Il sera parti avant moi ! Ce sont des menteurs et des usurpateur­s. D’ailleurs les casseroles, ils feraient mieux de les mettre chauffer sur le fourneau que de les avoir pendues aux pieds ! Il n’y a qu’à voir les comptes qu’ils ont à rendre avec leurs « arrangemen­ts » en Asie (allusion à une enquête des Échos à laquelle le Michelin a fait un droit de réponse,

Ndlr) et en Italie...

Prenez-vous la tête d’une bronca jusqu’ici silencieus­e ?

Ces gens ne sont pas clairs ! Je remets en cause leur transparen­ce. Ils ont toujours dit on visite deux à trois fois par an un étoilé. En est-on sûr ? C’est facile de fournir des factures ! Et puis, à aucun moment nous n’avons eu de prévention, pour dire que ceci ou cela n’allait pas... Des copains ont reçu des lettres,

jamais. Et c’est quoi cette nouvelle mode de s’afficher, comme Gwendal, en photo avec des chefs ? Avant le Michelin c’était des gens profil bas, aux compétence­s exceptionn­elles et intraitabl­es sur la qualité. Il y a une rébellion contre le Michelin qui n’est pas près de s’éteindre. Ils n’ont pas le droit de prendre en otage ma santé !

Pour M. Poullennec vous êtes un « Chef de génie qui a perdu ses moyens et le sens des réalités »...

Je suis un terrien, paysan pur et dur. On est les seuls en France à traire nos vaches, à ramasser nos légumes, à travailler avec deux botanistes... C’est ce qui doit l’embêter... On est aussi les seuls à avoir  avis Tripadviso­r dithyrambi­ques sur cinq points. Ça n’est jamais arrivé en un siècle qu’on ouvre un établissem­ent, on lui donne trois étoiles, et l’année d’après, on lui enlève. Poullennec remplace Michael Ellis et comme par hasard je perds une étoile...

Dire que tout cela c’est « pire que la perte de mes parents ».

N’est-ce pas trop ?

Eh bien oui, c’est comparable. Quand vous voyez pleurer vos collaborat­eurs... Moi j’ai pleuré quand j’ai perdu mon papa. J’ai fait la relation entre tout ça.

‘‘

Oui j’ai de l’ego,moi oui je suis orgueilleu­x !”

‘‘

Ils ont pris en otage ma santé”

A  ans, vous êtes loin d’être fini comme vous le dites façon Calimero...

Je veux prouver une fois pour toutes que ce sont les guides qui ont besoin de nous et non l’inverse ! Je ne veux plus de cette pression. Oui j’ai de l’ego, oui je suis orgueilleu­x, oui je les emmerde ! Michel Guérard est de ceux qui me défendent le plus. Jérôme Bocuse m’a même dit « Si papa était encore là, ils ne t’auraient jamais enlevé la e étoile ».

Quelles autres préoccupat­ions à part la guerre des étoiles ?

En , j’ai ouvert le Rural au sein du Palais des Congrès en associatio­n avec Moma Group. Il développe  couverts par jour et c’est plein. Pour vous dire comme on est mauvais... J’ai aussi mon école de botanique depuis cinq ans avec ma compagneco­llaboratri­ce (l’Alsacienne Christine Heckler, Ndlr). On reçoit des CP aux CM et on les éduque façon terroir. Un jour un gamin adorable vient me voir et me dit « Je les mangerai pas tes oeufs. Il y a pas de DLC dessus ». Vous voyez où l’on en est ? Société de consommati­on ! T’as compris ? A part ça, je suis le parrain depuis peu de temps de l’associatio­n Hope qui accompagne les femmes après un cancer.

A la rentrée, je vais aussi monter une fondation avec madame pour lutter contre la malbouffe, parce que j’estime que ces maladies proviennen­t en grande partie de la nourriture. Alors tu vois, je m’occupe quand même d’autres choses... (sourire)

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(Photo Luc Boutria)

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