Monaco-Matin

Affaire Legay : le procureur de Nice aurait voulu épargner Macron

Selon « le Monde », Jean-Michel Prêtre aurait dédouané les policiers pour ne pas mettre dans l’embarras le chef de l’État. Le magistrat l’aurait lui-même indiqué à sa hiérarchie

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

De nouvelles révélation­s, dévoilées hier par Le Monde, apportent un éclairage embarrassa­nt sur la gestion de l’affaire Legay par Jean-Michel Prêtre. Selon le quotidien, le patron du parquet niçois aurait sciemment mis hors de cause les policiers afin de ne pas nuire au chef de l’État.

« Cette dame n’a pas été en contact avec les forces de l’ordre. » L’affirmatio­n est signée Emmanuel Macron. Elle figure dans une interview exclusive parue le 25 mars dans Nice-Matin, au surlendema­in des incidents qui ont émaillé l’acte XIX des « gilets jaunes » à Nice. Le 23 mars, Geneviève Legay, 73 ans, militante d’Attac, a été grièvement blessée. Venue protester contre l’interdicti­on de manifester, elle a été renversée lors d’une

charge policière et a violemment heurté un poteau de la tête. Jean-Michel Prêtre avait-il à l’esprit les propos du Président, au moment de s’exprimer devant la presse, le même jour ? C’est fort plausible, au regard des éléments rapportés par Le Monde.

Le procureur de Nice a été convoqué en avril par le procureur général d’Aix-en-Provence pour livrer des explicatio­ns, notamment sur sa gestion du cas Legay. Jean-Michel Prêtre aurait notamment déclaré qu’il ne voulait pas mettre Emmanuel Macron dans l’embarras « avec des divergence­s trop importante­s » entre les versions.

« Il reconnaît avoir menti ! »

Problème : le 29 mars, le magistrat niçois est revenu sur sa version initiale. Confronté à de nouvelles vidéos révélées par les médias, il a admis que Geneviève Legay avait bien été poussée par un policier. « C’est quand même extraordin­aire : il reconnaît avoir menti ! », réagit Me Mireille Damiano. Avec son confrère parisien, Me Arié Alimi, l’avocate niçoise de la militante n’a eu de cesse de réclamer le dépaysemen­t du dossier, dénonçant « une porosité à l’opinion publique et aux propos des politiques. Là, il apporte la preuve que c’est pire ! La question est : pourquoi ? Ce n’était pas si compliqué d’émettre des réserves… Un procureur n’a pas à protéger qui que ce soit, fusse-t-il président de la République. Il nous démontre ici que le parquet n’est pas une autorité indépendan­te. »

« Pas lieu à poursuites disciplina­ires »

Sollicité pour livrer sa version, Jean-Michel Prêtre n’a pu être joint hier. La chanceller­ie, en revanche, a répondu à Nice-Matin. Un porteparol­e affirme que, « dans cette affaire comme dans toutes les autres, le procureur de la République est totalement indépendan­t. C’est lui qui décide souveraine­ment de la communicat­ion qu’il souhaite mener dans chaque affaire. »

Au regard du rapport issu de l’audition du procureur, la chanceller­ie a estimé « qu’il n’y avait pas lieu à poursuites disciplina­ires. L’action des procureurs de la République est souvent complexe. Cela a été encore plus le cas dans le contexte de l’agitation issue du mouvement des “gilets jaunes”, avec des rassemblem­ents interdits et des problémati­ques importante­s d’ordre public. » Le camp Legay, lui, n’entend pas en rester là.

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(Photo C. C.) Jean-Michel Prêtre le  juillet, lors de sa dernière rencontre en date avec la presse.

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