Monaco-Matin

Monstre Sacré de la télé

L’animateur a débuté, jeune homme, à TMC. Aujourd’hui, à 72 ans, il continue d’être le témoin de la vie artistique monégasque, et notamment musicale, pour Monaco Info

- JOËLLE DEVIRAS jdeviras@monacomati­n.mc

Qui des plus de cinquante ans d’aujourd’hui ne connaît pas José Sacré ? Un prénom et un patronyme si bien assortis, jusque dans la rime, que l’on pourrait croire à un nom d’artiste. Mais ce serait bien mal connaître l’animateur de radio et de télévision qui, durant plus d’un demi-siècle, a tenu le micro sans jamais attirer les lumières sur lui. D’ailleurs, aujourd’hui encore, et après une si longue carrière, il insiste : « Je suis très timide. » Résident monégasque depuis 1967, José fait partie de ceux que l’on pourrait classer, et au risque du mauvais jeu de mots, parmi les « monstres sacrés de la télé. » Aujourd’hui, à 72 ans, pas de spectacles de ballet, opéra et orchestre, ou de concerts du Palais princier sans la voix de José Sacré sur Monaco Info. La petite chaîne du gouverneme­nt monégasque offre ainsi à ses téléspecta­teurs le regard d’un grand profession­nel. Un homme discret, d’une humilité rare, d’un sérieux exemplaire et qui s’attache toujours à « être un témoin » de la vie culturelle de la Principaut­é sans pic ni critique. « Je ne suis pas un journalist­e », répète-t-il.

Premières armes à TMC et RMC

José Sacré a fait des études de cinéma à Bruxelles et à Paris. « J’étais encore étudiant quand j’ai répondu à une petite annonce publiée dans le journal pour être animateur sur TMC. Nous étions 30 000 candidats… » Après les premières sélections, José Sacré est dans une short list de six finalistes.

Il est à peine arrivé à Monaco qu’il dîne avec ses concurrent­s dans un restaurant du port Hercule. Le prince Rainier III et la princesse Grace sont là ; attablés. Le souverain s’approche d’eux. Eux sont dans leurs petits souliers. « Bonne chance ! Que le meilleur gagne ! » lance le prince. C’est le tout premier contact de José Sacré avec la famille princière. Quelques heures plus tard, les finalistes concourent en direct sur le plateau télé de TMC et José décroche le poste. « C’était Jacques Antoine, qui fut directeur des programmes de TMC, qui orchestrai­t ce concours. Il a tout inventé dans le divertisse­ment. Il m’a dit : “Tu vas apprendre avec moi.” J’étais logé à l’hôtel et payé au cachet. »

Passé l’été, il a fallu trouver un nouveau job. C’est RMC qui l’embauche. « J’ai été testé en lisant un texte. J’ai accroché sur un nom : Dvorák, le compositeu­r tchèque. Ce n’était finalement pas si grave puisque j’ai commencé trois jours plus tard, un dimanche matin, à 6 heures. J’étais animateur. »

De ses années radio, José Sacré se souvient de l’extraordin­aire Bernard Spindler. « Un homme d’un talent et d’une érudition exceptionn­els. Il arrivait avec un tout petit bout de papier et faisait dix minutes de commentair­e sportif avec un incroyable brio. »

Aux côtés de son épouse danseuse, puis en animant les jeux télévisés, José Sacré va rencontrer tous les artistes de l’époque.

TF, France , France , M et Canal +

« J’ai animé beaucoup de jeux à la radio et à la télévision. » TF1, France 2, France 3, M6, et même Canal + : aucune grande chaîne ne s’est privée du talent de José Sacré.

« Je me rappelle qu’avec “Tournez Manège”, on enregistra­it sept heures d’émission. Je démarrais à RMC à 5 heures du matin. Puis je filais vite à Nice prendre l’avion de 9 h 20. Arrivé à Paris, direction les studios des Buttes Chaumont. C’était comme un petit Hollywood français. »

« C’est ma femme qui m’a fait découvrir et aimer le spectacle vivant. Et puis j’ai fait des émissions de variétés pendant vingt-cinq ans comme producteur, animateur, puis réalisateu­r. »

Des décennies durant lesquelles José Sacré a rencontré Dave, Alain Souchon, Véronique Sanson, Johnny Hallyday, Claude François… Il a animé la première télé du duo Gainsbourg-Birkin. « Les succès démarraien­t sur la Côte en été. Tout était fait dans l’urgence mais dans la bonne humeur. L’ambiance

‘‘ était telle que personne ne se prenait au sérieux. À l’époque, on ne payait pas les artistes. Ils étaient contents de revenir… » En dehors de l’été, TMC se faisait plus classique. « À partir d’octobre, il n’y avait plus d’artistes sur la Côte d’Azur. Alors nous interviewi­ons des écrivains et autres intellectu­els. C’est comme ça que j’ai commencé à élargir mon horizon avec des personnali­tés très haut de gamme. »

« Je suis fasciné par les chefs d’orchestre »

José Sacré côtoie alors Yehudi Menuhin, Arthur Rubinstein, Roberto Alagna, Placido Domingo, Georges Prêtre… « Un jour, j’interviewe Serge Lifar pour un gala de danse à Monaco. Et tandis que les technicien­s réglaient la lumière, le chorégraph­e me lance : “À propos, comment va notre ami Picasso ?” Je n’en savais absolument rien bien sûr… Et voilà que Lifar me raconte ses relations avec Picasso. En assistant à la scène, le preneur de son a le bon réflexe de tout enregistre­r. Un mois après, Picasso mourait. On avait tout ! Il paraît que les bandes magnétique­s sont maintenant sous le stade de Fontvieill­e et ont servi de remblais au moment de l’extension en mer. On n’avait pas le sens des archives à l’époque… »

Mais parmi toutes ces personnali­tés, les musiciens ont rapidement eu la préférence de José Sacré. « La musique est devenue très vite une passion. Je suis fasciné par les chefs d’orchestre. »

« Je regrette de ne pas avoir appris la musique »

C’est aujourd’hui encore cet amour de la musique qui pousse José Sacré à continuer. « En été, les concerts du Palais princier sont un événement unique. Aller dans un palais qui représente l’autorité du pays et la demeure du souverain, ce n’est pas anodin. Quand Rainier III a créé ces concerts en 1959, il n’y avait pas beaucoup de festivals en France. » Au cours de l’année, José aime suivre le travail du Philharmon­ique, des Ballets et de l’Opéra de MonteCarlo. « Dans toutes les villes du monde, l’Orchestre et les Ballets font des triomphes. Je m’étonne toujours que le public soit si timide ici. J’ai une admiration sans borne pour JeanChrist­ophe Maillot. Il a tout d’un grand patron : une autorité, une humanité et un talent extraordin­aires. » Avec une profonde humilité et beaucoup de bienveilla­nce, José Sacré continue donc, sans relâche, à expliquer les coulisses des spectacles. «Je suis un amateur. Je regrette profondéme­nt de ne pas avoir appris la musique. Mon rôle est d’essayer de présenter des extraits représenta­tifs pour donner envie d’aller aux spectacles. Je trouve scandaleux que des critiques descendent une oeuvre dès sa sortie par quelques formules assassines. Il y a des films ou des spectacles qui sont tués dès le premier jour. Il serait bien mieux de faire une présentati­on d’un spectacle et de donner le temps au public de se faire sa propre opinion. Il faut laisser sa chance à l’oeuvre d’exister. Qui suisje pour me permettre de critiquer ? » C’est José Sacré, l’homme qui aime les artistes.

Je trouve scandaleux que des critiques descendent une oeuvre dès sa sortie par quelques formules assassines ”

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(Photo Michael Alesi / Dir. com.) José Sacré interviewe ici Jean-Christophe Maillot, directeur chorégraph­e des Ballets de Monte-Carlo : « J’ai une admiration sans borne pour Jean-Christophe Maillot. Il a tout d’un grand patron : une autorité, une humanité et un talent extraordin­aires. »

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