Monaco-Matin

Sauvetage miracle à   m

Deux hélicoptèr­es, un médecin varois, huit secouriste­s de la CRS Alpes et le soutien du gardien du refuge de Rabuons, près de Saint-Étienne-de-Tinée : une interventi­on hors norme

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Pour le randonneur, le panorama qui s’ouvre en haut du mont Ténibre, à 3 031 mètres d’altitude, est un choc émotionnel. Les Alpes françaises et italiennes s’étendent à perte de vue.

D’un coup d’oeil, on aperçoit le mont Viso, l’Argentera, le mont Mounier, et même, pour les plus avertis, le massif des Écrins dans le lointain. Mais la randonnée est exigeante, parfois dangereuse. Elle se fait en suivant le lac de Rabuons. Ce n’est qu’après avoir longé le lac de la Montagnett­e, au Pas du Rabuons, qu’on peut décrocher les clés du mont Ténibre, avec quelques passages ardus.

C’est dans cette partie que les hommes de la CRS Alpes ont effectué un sauvetage hors norme, durant la nuit de jeudi à hier. Deux étudiantes en médecine de Grenoble, de 23 et 24 ans, s’étaient engagées dans la traversée du Mercantour sur plusieurs jours. C’est en redescenda­nt du sommet qu’elles ont perdu la trace du sentier dans les éboulis.

« J’ai eu très peur »

L’accident est survenu jeudi vers 18 h 40. Des roches se sont soudaineme­nt décrochées dans un pierrier. L’une d’elles est violemment venue frapper l’une des marcheuses à la tête, emportant un bout de cuir chevelu. « Elle était derrière moi. Je l’ai retenue par son gros sac à dos et l’ai plaquée au sol pour ne pas qu’elle se fasse entraîner. Elle était en équilibre précaire. Quand je l’ai retournée, que j’ai vu sa face en sang, sa respiratio­n bizarre, j’ai eu très peur », témoigne la randonneus­e indemne. Victime d’un traumatism­e crânien, sa copine de fac a perdu connaissan­ce. Elle souffre également d’une fracture complexe à la cheville, et à la pommette.

Les deux jeunes femmes, originaire­s de Grenoble, sont formées aux urgences et ont même bénéficié d’une formation à la médecine de montagne. Elles ont agi avec beaucoup de sang-froid. « Par miracle, l’autre randonneus­e a réussi à capter un signal téléphoniq­ue pour alerter le 112 », raconte un sauveteur. Entre deux coups de fil, rassurant son amie revenue à elle, la rescapée pratique un pansement compressif.

Deux hommes de la CRS Alpes et un médecin varois ont alors été déposés au refuge de Rabuons. Ils se sont élancés vers les cimes. Hélas, en raison des conditions météo, impossible de rejoindre les victimes ! Le brouillard, enserrant les montagnes, rendait la visibilité quasi nulle. « Il faisait super beau au moment de l’accident, et un quart d’heure après, on ne voyait pas à 50 mètres », explique la Grenoblois­e indemne. « J’ai compris qu’on ne pourrait pas redescendr­e. On avait de bons duvets, un réchaud. Je savais que c’était mieux de rester. » Pour ne rien arranger, un vent d’est puissant balayait les cimes. « L’équipe de sauvetage a dû s’arrêter à 300 mètres d’elles », confie un sauveteur. L’hélicoptèr­e Dragon 06 de la Sécurité civile, de retour d’une autre interventi­on, a alors pris le relais et héliporté une deuxième équipe. C’est finalement vers 21 h que les premiers secouriste­s de la CRS Alpes sont parvenus à les rejoindre, et à médicalise­r la blessée.

Ils décident de rester la nuit

À cet instant, l’interventi­on sort de l’ordinaire. Impossible de redescendr­e. Les secours établissen­t un camp au milieu du pierrier. À 2 800 mètres d’altitude, le secteur est totalement inhospital­ier, il fait froid, le brouillard est dense, la nuit tombe. Les sauveteurs aménagent l’endroit le plus confortabl­ement possible pour passer la nuit. Ils dégagent une petite plate-forme, disposent des couverture­s, concoctent une soupe à la victime. Un complément de matériel médical a été acheminé.

Vers 3 h 30 du matin, la randonneus­e indemne est rapatriée par caravane terrestre vers le refuge de Rabuons où le gardien, lui aussi, fait des pieds et des mains pour faciliter l’interventi­on. Pour assurer un point chaud pour les équipes de secours, une ambulance est positionné­e sur la drop zone de SaintÉtien­ne-de-Tinée.

Hier, l’hélicoptèr­e Dragon 06 a finalement redécollé vers 6 h 45 pour aller chercher la victime, puis redescendr­e les sauveteurs un à un. La blessée a été déposée aux urgences de l’hôpital Pasteur 2 de Nice où elle a été prise en charge.

Une interventi­on longue et périlleuse qui rappelle combien la montagne est dangereuse et illustre une nouvelle fois le dévouement total des secouriste­s. « Ils ont été formidable­s », tient à témoigner la randonneus­e, qui, hier soir, donnait des nouvelles plutôt rassurante­s de son amie.

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 ??  ?? Les sauveteurs de la CRS Alpes ont passé la nuit au côté de la randonneus­e blessée, installant un bivouac dans le brouillard et la nuit. (Photos CRS Alpes)
Les sauveteurs de la CRS Alpes ont passé la nuit au côté de la randonneus­e blessée, installant un bivouac dans le brouillard et la nuit. (Photos CRS Alpes)
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