Sauvetage miracle à m
Deux hélicoptères, un médecin varois, huit secouristes de la CRS Alpes et le soutien du gardien du refuge de Rabuons, près de Saint-Étienne-de-Tinée : une intervention hors norme
Pour le randonneur, le panorama qui s’ouvre en haut du mont Ténibre, à 3 031 mètres d’altitude, est un choc émotionnel. Les Alpes françaises et italiennes s’étendent à perte de vue.
D’un coup d’oeil, on aperçoit le mont Viso, l’Argentera, le mont Mounier, et même, pour les plus avertis, le massif des Écrins dans le lointain. Mais la randonnée est exigeante, parfois dangereuse. Elle se fait en suivant le lac de Rabuons. Ce n’est qu’après avoir longé le lac de la Montagnette, au Pas du Rabuons, qu’on peut décrocher les clés du mont Ténibre, avec quelques passages ardus.
C’est dans cette partie que les hommes de la CRS Alpes ont effectué un sauvetage hors norme, durant la nuit de jeudi à hier. Deux étudiantes en médecine de Grenoble, de 23 et 24 ans, s’étaient engagées dans la traversée du Mercantour sur plusieurs jours. C’est en redescendant du sommet qu’elles ont perdu la trace du sentier dans les éboulis.
« J’ai eu très peur »
L’accident est survenu jeudi vers 18 h 40. Des roches se sont soudainement décrochées dans un pierrier. L’une d’elles est violemment venue frapper l’une des marcheuses à la tête, emportant un bout de cuir chevelu. « Elle était derrière moi. Je l’ai retenue par son gros sac à dos et l’ai plaquée au sol pour ne pas qu’elle se fasse entraîner. Elle était en équilibre précaire. Quand je l’ai retournée, que j’ai vu sa face en sang, sa respiration bizarre, j’ai eu très peur », témoigne la randonneuse indemne. Victime d’un traumatisme crânien, sa copine de fac a perdu connaissance. Elle souffre également d’une fracture complexe à la cheville, et à la pommette.
Les deux jeunes femmes, originaires de Grenoble, sont formées aux urgences et ont même bénéficié d’une formation à la médecine de montagne. Elles ont agi avec beaucoup de sang-froid. « Par miracle, l’autre randonneuse a réussi à capter un signal téléphonique pour alerter le 112 », raconte un sauveteur. Entre deux coups de fil, rassurant son amie revenue à elle, la rescapée pratique un pansement compressif.
Deux hommes de la CRS Alpes et un médecin varois ont alors été déposés au refuge de Rabuons. Ils se sont élancés vers les cimes. Hélas, en raison des conditions météo, impossible de rejoindre les victimes ! Le brouillard, enserrant les montagnes, rendait la visibilité quasi nulle. « Il faisait super beau au moment de l’accident, et un quart d’heure après, on ne voyait pas à 50 mètres », explique la Grenobloise indemne. « J’ai compris qu’on ne pourrait pas redescendre. On avait de bons duvets, un réchaud. Je savais que c’était mieux de rester. » Pour ne rien arranger, un vent d’est puissant balayait les cimes. « L’équipe de sauvetage a dû s’arrêter à 300 mètres d’elles », confie un sauveteur. L’hélicoptère Dragon 06 de la Sécurité civile, de retour d’une autre intervention, a alors pris le relais et héliporté une deuxième équipe. C’est finalement vers 21 h que les premiers secouristes de la CRS Alpes sont parvenus à les rejoindre, et à médicaliser la blessée.
Ils décident de rester la nuit
À cet instant, l’intervention sort de l’ordinaire. Impossible de redescendre. Les secours établissent un camp au milieu du pierrier. À 2 800 mètres d’altitude, le secteur est totalement inhospitalier, il fait froid, le brouillard est dense, la nuit tombe. Les sauveteurs aménagent l’endroit le plus confortablement possible pour passer la nuit. Ils dégagent une petite plate-forme, disposent des couvertures, concoctent une soupe à la victime. Un complément de matériel médical a été acheminé.
Vers 3 h 30 du matin, la randonneuse indemne est rapatriée par caravane terrestre vers le refuge de Rabuons où le gardien, lui aussi, fait des pieds et des mains pour faciliter l’intervention. Pour assurer un point chaud pour les équipes de secours, une ambulance est positionnée sur la drop zone de SaintÉtienne-de-Tinée.
Hier, l’hélicoptère Dragon 06 a finalement redécollé vers 6 h 45 pour aller chercher la victime, puis redescendre les sauveteurs un à un. La blessée a été déposée aux urgences de l’hôpital Pasteur 2 de Nice où elle a été prise en charge.
Une intervention longue et périlleuse qui rappelle combien la montagne est dangereuse et illustre une nouvelle fois le dévouement total des secouristes. « Ils ont été formidables », tient à témoigner la randonneuse, qui, hier soir, donnait des nouvelles plutôt rassurantes de son amie.