Monaco-Matin

Plongée extraordin­aire au coeur du Fort du Cap-Martin

L’associatio­n Amicorf organise chaque mercredi et samedi à Roquebrune des visites du fort qui protégeait les troupes françaises d’une invasion italienne en 1940. Voyage dans le temps à l’extrémité de la ligne Maginot

- CLEMENT CARTON

De la patience et de la passion. Voici ce qu’il a fallu aux bénévoles de l’Amicorf* pour métamorpho­ser le fort Maginot du Cap-Martin, totalement à l’abandon, squatté, pillé et tagué de toutes parts pendant de longues années. Entre 1997 et 2008, et après un énorme travail de recherche pour reconstitu­er le mobilier, les armes, et trouver les uniformes, le vestige architectu­ral de la Seconde Guerre Mondiale a été entièremen­t – ou presque – restauré à l’ambiance de l’époque. Depuis, l’associatio­n organise des visites guidées. Mercredi, une vingtaine de curieux sont venus partager un moment d’histoire.

« Un devoir de mémoire »

À l’aube de la visite, l’adjoint au maire de Roquebrune, Jean-Louis Dedieu est venu saluer le « travail remarquabl­e » de l’associatio­n, qui entretient de par sa démarche, un « devoir de mémoire fondamenta­l ». Construite entre 1930 et 1933, la fortificat­ion, située à l’extrémité de la ligne Maginot, protégeait le territoire français d’une éventuelle invasion italienne. En cas d’assaut ennemi, les autres forts de la ligne Maginot pouvaient protéger l’ouvrage du Cap-Martin en le bombardant sans provoquer de dégâts. De par le blindage infaillibl­e de ses trois blocs en acier, partie émergée de cet iceberg de béton. En charge de l’excursion, Christian Fiquet-Albin, président de l’Amicorf, plonge ses visiteurs dans une terrible réalité, vieille de sept décennies en leur montrant les impacts d’origine du déluge d’obus qui s’est abattu en juin 1940. De véritables cicatrices extérieure­s témoignant du lieu historique dans lequel nous nous trouvons. Puis, nous nous enfonçons dans un dédale de couloirs rongés par les affres du temps, où 354 soldats dont 11 officiers pouvaient mener une vie souterrain­e durant près de quatre mois.

 mètres sous terre

À l’intérieur, nous entrons dans une véritable fourmilièr­e où tout a été finement étudié pour vivre sur le long terme. Pendant plus de deux heures de visite commentée, le public déambule dans un large réseau de galeries. Salle de garde, salle radio, réseau téléphoniq­ue, bloc de combat... À l’époque, les tirs se font à l’aveugle mais les officiers sont informés du vent, de la longueur et de la direction de tir par le transmette­ur d’ordres. Avec ses nombreux objets d’époque – fusils-mitrailleu­rs, obus, grenades, pas tous d’origine, car le fort fut en partie saccagé par les Allemands en 1944 – le premier niveau de l’ouvrage constitue déjà en soi un petit trésor avant-gardiste. Chaque salle y va de son anecdote. Comme celle de la cuisine aux 1 000 repas quotidiens ou encore celle de la surpressio­n d’air en cas d’attaque, où près de 2 000 canaris accompagna­ient les hommes pour tester la respirabil­ité du fort. Puis, nous filons à 25 mètres sous terre où l’air se fait de plus en plus frais. En temps de guerre, tout est rationalis­é. Et, bien que le fort soit luxueux pour l’époque, les conditions de vie deviennent alors rudimentai­res. Pas de douches, seulement sept toilettes, et des chambrées à l’espace réduit. L’on découvre alors le bloc opératoire, le poste de commandeme­nt pour le mortier de 81 mm, et la fabrique d’électricit­é, qui, grâce à ses deux moteurs Renault, était capable de produire de l’électricit­é de manière autonome… Mais aussi de compenser la panne de Roquebrune pendant quatre jours dans les années 1930. L’excursion souterrain­e se termine par la visite de plusieurs salles de musées, dont une où l’exposition de l’uniforme du lieutenant Camille Charvet, officier dans l’ouvrage du Cap-Martin en juin 1940, nous rappelle que l’humanité était bien présente en ce temps de guerre.

Une salle rénovée et des projets pour 

En tout temps, l’associatio­n poursuit les travaux de rénovation pour compléter l’héritage historique du fort.

« Nous avons restauré le garage principal, installé le nouveau câblage dans le couloir souterrain, mais aussi, et surtout, nous avons ouvert une salle de cabinet dentaire d’époque », explique Christian Fiquet-Albin. Ce dernier a été offert à l’associatio­n par Gérard Braye. « Nous travaillon­s également sur une salle de projection pour 2020 », poursuit-il. Afin de continuer à satisfaire les visiteurs, bien conscients du privilège d’avoir pu marcher sur les pas de l’Histoire. *Amicorf :AMI de la Commission d’Organisati­on des Régions Fortifiées. Savoir + Visite chaque mercredi et samedi à 14 h 30 jusqu’au 28 septembre.

Tarif adulte : 6 euros.Tarif enfant/étudiant ou groupe de plus de 10 personnes : 3 euros. Gratuit pour les moins de 6 ans accompagné­s. Réservatio­n à l’Office du tourisme : 04.93.35.62.87. Renseignem­ents ou dons d’objets : 06.74.93.45.00 ou sur le site web : amicorf.org

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(Photos Jean-François Ottonello et Clément Carton) Les  soldats vivaient comme dans un sous-marin, jusqu’à quatre mois, en autarcie totale.
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La vingtaine de visiteurs du jour a à l’unanimité félicité les guides après plus de deux heures d’explicatio­ns.
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Christian Fiquet-Albin raconte de visiteurs, ici à l’infirmerie. nombreuses anecdotes à ses
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La reconstitu­tion des chambres d’antan montre combien la place se faisait rare parmi les  couchettes par pièce.
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Le tout nouveau cabinet dentaire a fait son apparition.

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