Monaco-Matin

France Rumilly : “Soeur Clotilde, c’est un peu moi”

À l’occasion de l’ouverture cette semaine du musée De-Funès à Saint-Raphaël, nous publions une série d’entretiens avec ceux qui ont côtoyé le comédien. Aujourd’hui : la soeur des Gendarme

- PROPOS RECUEILLIS PAR LIONEL PAOLI lpaoli@nicematin.fr

Pour les fans des Gendarme, sa voix claire, haut perchée, et son rire sonore sont des madeleines de Proust. Aujourd’hui retraitée, France Rumilly évoque la série qui a fait d’elle, pendant dix-huit ans, la bonne soeur la plus célèbre du cinéma comique français.

Vous avez reçu une éducation religieuse ?

Absolument ! J’ai été éduquée chez les bonnes soeurs – et virée trois fois de l’école [Elle rit] .Je refusais d’aller à la messe.

Vous étiez indiscipli­née ?

Les études ne m’ont jamais intéressée. Alors, forcément, j’étais très dissipée… Mais je ne garde que des bons souvenirs de cette époque. J’ai eu la chance de tomber sur des religieuse­s intelligen­tes, qui ne nous bassinaien­t pas avec Jésus du matin au soir. L’une d’elles portait des talons bobines () sous sa robe. [Elle rit] Je crois qu’elle a fini par épouser le chirurgien de la congrégati­on…

Du pensionnat au cinéma, il n’y a qu’un pas ?

Je suis devenue comédienne par hasard, après une année de droit catastroph­ique. À l’époque, le seul avenir promis aux jeunes filles de mon âge, c’était se marier et avoir des enfants ! Je n’étais pas prête pour ça… Sur le conseil d’un ami, je me suis inscrite à la Schola Cantorum, puis à l’École de la rue Blanche () qui était un peu l’antichambr­e du Conservato­ire.

C’est au Conservato­ire que vous avez été repérée par Jack Pinoteau ?

Oui. Le réalisateu­r du Triporteur cherchait une jeune femme pour jouer la fille de Louis de Funès dans un sketch de son film Les Veinards. [Elle sourit] Ce qui est drôle, c’est que nous avions déjà une scène dans une  CV.

En , Louis n’avait pas encore ses galons de vedette. Quel genre d’homme était-il ?

Normal. [Elle rit] C’était un homme charmant, discret, agréable dans le travail. Je précise qu’il était toujours ainsi vingt ans plus tard, quand nous avons tourné le dernier Gendarme .Je crois qu’il n’a jamais changé ; c’est le regard des autres qui a évolué.

En , vous vous retrouvez pour

Le Gendarme de St-Tropez…

C’est Louis qui a demandé à Jean Giraud de m’engager. Il pensait que ce personnage un peu lunaire et déjanté m’irait

‘‘ comme un gant. Il avait raison : soeur Clotilde, c’est un peu moi ! C’était un rôle très court. J’avais trois jours de tournage. Lorsque je suis arrivée sur le plateau, on ne m’a même pas laissé le temps de saluer le réalisateu­r. On m’a habillée, fait asseoir dans la  CV, quelqu’un a crié “ça tourne !” Et c’était parti… Vous pensiez que cette scène aurait un tel impact ?

Bien sûr que non ! Pas plus que je n’imaginais que le film aurait un tel succès. Le premier Gendarme était une toute petite production, vous savez : il fallait tourner vite pour ne pas dépenser trop d’argent.

Les choses ont changé avec Le Gendarme

à New York…

Ah oui, là, c’était tout à fait différent ! On tournait aux États-Unis, tout le monde était chouchouté… Enfin, certains plus que d’autres. Les acteurs principaux ont fait le voyage sur le paquebot France. Moi, on m’a juste payé un billet d’avion aller-retour. Je ne conserve que deux souvenirs de ce film : la chaleur accablante des rues de New York… et la glace vanille chocolat qu’un inconnu m’a offerte, voyant que j’étais prête à défaillir sous mon habit !

Le retour de soeur Clotilde était une évidence ?

Jean Girault, pour ce deuxième opus, a essayé de reproduire tout ce qui avait fonctionné dans le premier film. C’est avec le troisième épisode que mon personnage est réellement devenu récurrent. Les spectateur­s attendaien­t

« la » scène avec la religieuse – comme ils guettaient « la » scène avec Q dans James Bond. C’est devenu une figure imposée.

Sur Le Gendarme se marie, vous avez eu un accident ?

Oh, une affaire idiote ! Pour varier les plaisirs, les scénariste­s avaient eu l’idée de me faire conduire un side-car. Il y avait une cascadeuse chargée de me doubler. Mais – allez savoir pourquoi – j’ai eu envie de faire moi-même le démarrage. J’ai demandé au producteur qui m’a répondu : « Pas question ! » J’ai posé la question à Jean Girault qui a dit :

« Demande à Louis ». De Funès a accepté. Et comme c’est lui qui commandait…

Et vous êtes partie dans le décor !

[Elle éclate de rire] Je n’avais jamais conduit une moto de ma vie ! J’ai demandé qu’on me montre où étaient les freins, l’accélérate­ur, et… j’ai mis les gaz à fond ! Le side-car a fait un demi-tour sur luimême, puis j’ai dû parcourir cent mètres avant de me retrouver sur le flanc. Bon, tout ça s’est conclu par quelques contusions sans gravité…

À quel moment avez-vous compris que ce personnage allait vous coller à la peau ?

À partir du troisième Gendarme. Dès lors, on ne m’a plus proposé que des rôles en cornette. On m’a même offert une somme rondelette pour faire de la pub, déguisée en bonne soeur, pour une marque d’aspirine ! Naturellem­ent, j’ai refusé…

Quid des deux derniers opus ?

J’avais un rôle un peu plus important dans Le Gendarme et les extraterre­stres ,cequim’a permis de passer davantage de temps avec l’équipe. Notamment avec Michel Galabru, la crème des hommes. Il plaisantai­t tout le temps… Pour

Le Gendarme et les gendarmett­es ,j’aiété promue Mère supérieure. Il était temps !

Mais je me souviens surtout d’une ambiance plombée. [Elle hésite] Louis n’allait pas bien à ce moment-là. Et Jean Girault, malade, est décédé pendant le tournage !

Soeur Clotilde n’a occupé que trois semaines de votre vie. Pourtant, le public ne vous connaît qu’à travers elle…

Je n’ai aucun regret. J’ai épousé un pilote de ligne qui ne jurait que par les voyages ; on a fait le tour du monde. J’ai eu une belle vie, une famille que j’adore. Et aujourd’hui, les gens m’abordent encore dans la rue pour me parler de ce personnage ! Je suis fière d’avoir cette petite place dans l’histoire du cinéma populaire.

Sur le plateau, c’est Louis qui commandait”

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(Photos L. P. et DR) Même voix, même regard : France Rumilly a gardé la fantaisie de Soeur Clotilde
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