Monaco-Matin

Guihal mis à la dispositio­n de la justice française

Selon l’expert Jean-Charles Brisard, les Kurdes donnent leur feu vert à l’audition du djihadiste qui a revendiqué l’attentat de Nice au nom de Daesh

- PROPOS RECUEILLIS PAR PATRICE MAGGIO pmaggio@nicematin.fr

L’attentat de Nice n’était pas au coeur de la conférence internatio­nale à laquelle Jean-Charles Brisard assistait le mois dernier en Syrie. Mais il n’était pas totalement absent de son séjour. Selon une interview donnée hier au Journal du dimanche (JDD), pour la première fois, «unlien a pu être établi entre Adrien Guihal », ce djihadiste qui avait revendiqué l’attaque au nom de l’État islamique sur la radio de l’organisati­on terroriste, «et l’attentat, alors que rien ne semblait jusqu’alors permettre de rapprocher directemen­t Mohamed LahouaiejB­ouhlel », le tueur, « et l’EI ».

Quel est ce « lien » que vous évoquez dans le JDD ?

Il y a quelques semaines, le centre d’analyse du terrorisme que je dirige révèle dans une note que Jonathan Geffroy, un djihadiste français de retour de cette zone, a évoqué un lien entre l’État islamique et l’attentat de Nice. C’est la première fois que ce lien apparaissa­it. À la demande des avocats des victimes, les magistrats vont verser ce témoignage dans la procédure et entendre ce djihadiste. Connaissan­t la grande proximité entre le départemen­t des opérations extérieure­s de Daesh qui planifie les attentats et le départemen­t des médias qui les revendique, le seul qui est susceptibl­e de confirmer cette hypothèse est celui a revendiqué l’attentat de Nice à la radio, Adrien Guihal. Sur zone, il m’a été confirmé qu’il était toujours détenu, que les Kurdes syriens n’avaient pas l’intention de le livrer soit aux Irakiens, soit à d’autres. Si en revanche, les magistrats français le souhaitent, ils feront droit à leur demande et le livreront à la France. Guihal pourrait également être entendu sur place selon des modalités à définir.

Ils sont parfaiteme­nt d’accord sur le fait que si ce djihadiste est lié, même par hypothèse, à l’attentat de Nice, la justice française doit pouvoir l’interroger, c’est évident, et le cas échéant le rapatrier dans notre pays. Il serait impensable, pour les victimes, que cet individu soit jugé ailleurs qu’en France.

Des magistrats français ont déjà entendu des djihadiste­s en Syrie ?

Non. Les Kurdes de Syrie ne représente­nt pas une entité étatique. La justice française ne peut formuler de demande d’entraide judiciaire, mais dans un cadre informel, cela peut s’envisager. Le FBI a déjà recueilli des témoignage­s sur place, qui ont pu être utilisés, à leur retour, par la justice américaine.

Donald Trump, allié des Kurdes, incite comme vous les pays européens à rapatrier leurs concitoyen­s, sinon, dit-il, « nous allons les relâcher » . Il bluffe ?

Sur la forme, c’est une provocatio­n. Sur le fond, il a raison. Les Américains rapatrient leurs djihadiste­s depuis plusieurs mois. L’un d’entre eux a déjà été condamné. Sur place, les autorités sont dans un état de dénuement matériel et juridique le plus total. Les incidents se multiplien­t. Les détentions, les peines, ne sont pas garanties. Soit on leur donne les moyens de juger les djihadiste­s étrangers, ce qu’ils n’ont pas aujourd’hui. Soit on décide de les rapatrier pour les faire juger par la France, là où un système judiciaire est en place, encore renforcé récemment avec la création du Parquet national antiterror­iste. Selon le centre d’analyse du terrorisme, 2 000 djihadiste­s étrangers sont retenus par les Kurdes en Syrie, dont 400 Français. Sur place, une cour antiterror­iste a jugé 7 000 Syriens. « 6 000 autres vont l’être dans les

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(Photo DR) Président du centre d’analyse du terrorisme, Jean-Charles Brisard est aussi conseiller du maire de Nice Christian Estrosi.

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