Guihal mis à la disposition de la justice française
Selon l’expert Jean-Charles Brisard, les Kurdes donnent leur feu vert à l’audition du djihadiste qui a revendiqué l’attentat de Nice au nom de Daesh
L’attentat de Nice n’était pas au coeur de la conférence internationale à laquelle Jean-Charles Brisard assistait le mois dernier en Syrie. Mais il n’était pas totalement absent de son séjour. Selon une interview donnée hier au Journal du dimanche (JDD), pour la première fois, «unlien a pu être établi entre Adrien Guihal », ce djihadiste qui avait revendiqué l’attaque au nom de l’État islamique sur la radio de l’organisation terroriste, «et l’attentat, alors que rien ne semblait jusqu’alors permettre de rapprocher directement Mohamed LahouaiejBouhlel », le tueur, « et l’EI ».
Quel est ce « lien » que vous évoquez dans le JDD ?
Il y a quelques semaines, le centre d’analyse du terrorisme que je dirige révèle dans une note que Jonathan Geffroy, un djihadiste français de retour de cette zone, a évoqué un lien entre l’État islamique et l’attentat de Nice. C’est la première fois que ce lien apparaissait. À la demande des avocats des victimes, les magistrats vont verser ce témoignage dans la procédure et entendre ce djihadiste. Connaissant la grande proximité entre le département des opérations extérieures de Daesh qui planifie les attentats et le département des médias qui les revendique, le seul qui est susceptible de confirmer cette hypothèse est celui a revendiqué l’attentat de Nice à la radio, Adrien Guihal. Sur zone, il m’a été confirmé qu’il était toujours détenu, que les Kurdes syriens n’avaient pas l’intention de le livrer soit aux Irakiens, soit à d’autres. Si en revanche, les magistrats français le souhaitent, ils feront droit à leur demande et le livreront à la France. Guihal pourrait également être entendu sur place selon des modalités à définir.
Ils sont parfaitement d’accord sur le fait que si ce djihadiste est lié, même par hypothèse, à l’attentat de Nice, la justice française doit pouvoir l’interroger, c’est évident, et le cas échéant le rapatrier dans notre pays. Il serait impensable, pour les victimes, que cet individu soit jugé ailleurs qu’en France.
Des magistrats français ont déjà entendu des djihadistes en Syrie ?
Non. Les Kurdes de Syrie ne représentent pas une entité étatique. La justice française ne peut formuler de demande d’entraide judiciaire, mais dans un cadre informel, cela peut s’envisager. Le FBI a déjà recueilli des témoignages sur place, qui ont pu être utilisés, à leur retour, par la justice américaine.
Donald Trump, allié des Kurdes, incite comme vous les pays européens à rapatrier leurs concitoyens, sinon, dit-il, « nous allons les relâcher » . Il bluffe ?
Sur la forme, c’est une provocation. Sur le fond, il a raison. Les Américains rapatrient leurs djihadistes depuis plusieurs mois. L’un d’entre eux a déjà été condamné. Sur place, les autorités sont dans un état de dénuement matériel et juridique le plus total. Les incidents se multiplient. Les détentions, les peines, ne sont pas garanties. Soit on leur donne les moyens de juger les djihadistes étrangers, ce qu’ils n’ont pas aujourd’hui. Soit on décide de les rapatrier pour les faire juger par la France, là où un système judiciaire est en place, encore renforcé récemment avec la création du Parquet national antiterroriste. Selon le centre d’analyse du terrorisme, 2 000 djihadistes étrangers sont retenus par les Kurdes en Syrie, dont 400 Français. Sur place, une cour antiterroriste a jugé 7 000 Syriens. « 6 000 autres vont l’être dans les
»préciseJ.-C.Brisard,risquantdespeines