Tiken Jah Fakoly toujours engagé à Vence
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La silhouette s’est épaissie. la barbe et les cheveux ont blanchi. Mais on ne change pas Tiken Jah Fakoly. Toujours la même énergie scénique pour sonner le réveil de l’Afrique. Toujours la même rage contre la corruption politique. Toujours le message vindicatif, mais aux rythmes enfiévrés de sa musique. Sauf que pour son dernier album, le vert semble dominer les autres couleurs reggae. Fibre écologique, parce que finalement, tour est lié. Puissant tel un baobab enraciné dans la savane, l’Ivoirien a prêché sa bonne parole aux Nuits du Sud à Vence. Mais audelà de la danse, toujours le même objectif : éveiller les consciences.
Le monde est chaud, chantez-vous. Une prise de conscience ?
J’ai vu un documentaire et des images m’ont choqué. L’inspiration est venue naturellement parce que tout le monde sait et sent qu’il y a urgence. L’Afrique est préoccupée par le quotidien et la pression du développement, mais il faut commencer ici, et avoir foi en la jeunesse pour sauver la planète.
Un titre qui signe aussi vos retrouvailles avec Soprano ?
Le sujet est tellement important, qu’il me fallait faire appel à un artiste qui touche aussi un public qui ne m’écoute pas, or les ados écoutent Soprano.
En ans de carrière et de militantisme, vous avez constaté des changements positifs ?
Bien sûr. En Afrique, beaucoup me disent « merci Tiken, grâce à votre chanson, j’ai compris ce qu’était la Françafrique ». La jeunesse est de plus en plus rebelle, mais il y a encore beaucoup à faire car le chemin est long vers la démocratie et l’émancipation. Je perçois néanmoins du changement, même si je ne le vois pas de mon vivant. Mais personne ne changera l’Afrique à notre place. Les Africains ne doivent pas seulement attendre Dieu, ils doivent aussi descendre dans la rue lorsqu’ils ne sont pas contents.
Votre activisme vous a valu plusieurs années d’exil au Mali, car vous étiez menacé de mort en Côte d’Ivoire. Engagé en danger ?
Oui, c’est le prix à payer. Mais cet exil a aussi approfondi mon Africanisme, car j’ai été très bien accueilli au Mali. Aujourd’hui, je me bats pour tout le Continent.
Quels sont vos rapports actuels avec les puissants, vous qui avez aussi été interdit de séjour au Sénégal durant un temps ?
J’en rencontre rarement car ils mettent beaucoup de barrières, mais je me fais toujours entendre à travers mes albums et les médias. Le Président de mon pays m’a dit un jour : « J’entends tout ce que tu dis, et je vois tout ce que tu fais » .Ce qui est important, c’est que les Africains se réveillent pour prendre leur destin en mains.
Les migrants : un mirage ?
Ils ont le droit de partir, mais ça ne sert à rien. Avant, on nous embarquait de force dans des bateaux pour nous mettre des chaînes, et aujourd’hui, les migrants payent pour monter dans ces bateaux. Mais l’Afrique est un continent d’avenir. À nous de rester sur place pour développer tout son potentiel et exploiter ses matières premières.
Avec le reggae de Bob Marley pour hymne de la révolte ?
C’est grâce à lui que j’en suis là. Il a fait une musique engagée, la voix des sans voix, et j’ai envie de continuer ce combat. On peut faire passer des messages de manière non violente, inciter à construire plutôt qu’à détruire, et la musique est une voie pacifique.
La chute de « Babylone » (NDLR : le système capitaliste qui régit le monde), pour bientôt ?
Je ne souhaite pas forcément sa chute car j’en profite aussi, mais qu’elle change et voit les choses avec plus d’équité.