Un maire tué en s’opposant à un dépôt de gravats
La mutation au poste d’avocat général près la cour d’appel de Lyon de Jean-Michel Prêtre, fragilisé par l’affaire de la militante d’Attac blessée à Nice, devrait intervenir en septembre
Selon une information révélée, hier, par le quotidien Libération, JeanMichel Prêtre, le procureur de la République de Nice, sera « proposé » par la Chancellerie au poste d’avocat général près la cour d’appel de Lyon. Une mutation examinée en septembre par le Conseil supérieur de la magistrature…
Le juillet, lors de son dernier point presse mensuel, Jean-Michel Prêtre avait fait cette réponse sibylline à la question « Serez-vous encore là à la rentrée ? » : « Quoi qu’il soit arrivé – c’est quand même assez pénible, et ça continue à l’être dans une certaine mesure –, je n’envisage pas, même si j’ai pu y être invité, de changer ma manière de travailler avec (les journalistes) . Je ne sais pas si c’est bien, mais, en termes de prise de risque, je
vous prie de croire que ce n’est pas piqué des hannetons ! »
Cette mutation, confirmée par le ministère de la Justice, mais que l’intéressé, sollicité, n’a pas encore commentée, n’est pas une promotion. Il faut dire que Jean-Michel Prêtre, arrivé en février à Nice, a enchaîné les « maladresses » depuis l’an dernier. À commencer par sa gestion de l’affaire Geneviève Legay. Jean-Michel Prêtre, ans, était déjà fragilisé par le dossier de trafic d’influence, de corruption et d’atteinte à la probité autour du Negresco. Une affaire dans le cadre de laquelle son domicile avait été perquisitionné par des juges du parquet financier de Paris.
Le début d’un grand chambardement au tribunal de Nice ? Son adjointe, Caroline Chassain, est aussi sur le départ. Volontaire, cette fois. Elle va rejoindre la juridiction civile à Grasse dans le courant du mois. ■ : affaire Geneviève Legay Début juillet, la cour de cassation a pris la décision de dépayser à Lyon l’enquête sur l’affaire Geneviève Legay. Une décision non sans lien avec Jean-Michel Prêtre, mis à l’index pour sa gestion du dossier.
Le 23 mars, en pleine manifestation interdite des « gilets jaunes », la militante d’Attac âgée de 73 ans chute violemment ; victime de la charge policière ordonnée, place Garibaldi, par le commissaire divisionnaire Rabah Souchi. Le surlendemain, le procureur de la République certifiait que les forces de l’ordre n’étaient pas responsables des blessures de Geneviève Legay, sérieusement touchée à la tête. Des propos hâtifs : il s’était rétracté publiquement quatre jours plus tard, puis en avril, lors d’une convocation devant sa hiérarchie. Il n’avait pas voulu, a-til dit, mettre en difficulté le président Macron qui, dans Nice-Matin, le lendemain de la manifestation, avait assuré : « Cette dame n’a pas été en contact avec les forces de l’ordre. Elle s’est mise en situation d’aller dans un endroit interdit, de manière explicite, et donc d’être prise dans un phénomène de panique. »
Ce n’est pas la seule erreur commise par Jean-Michel Prêtre. Le 23 mars, lors de l’acte XIX des « gilets jaunes », il était présent au centre de supervision urbain, et avait donc assisté, en direct, à la charge des forces de l’ordre. Il ne l’a révélé que beaucoup plus tard.
Enfin, Jean-Michel Prêtre a confié les premières investigations sur l’affaire Legay à l’unité dirigée par Hélène Pedoya, la compagne de Rabah Souchi, l’homme qui a sonné la charge contre la militante d’Attac. De nombreux observateurs y avaient vu un conflit d’intérêts.
Le procureur s’était cependant défendu : « les premiers policiers à enquêter ont été ceux du [...] Groupe d’appui judiciaire [qui dépend d’Hélène Pedoya, Ndlr]. C’est une unité dont c’est le boulot. L’IGPN est saisie lorsqu’il y a la mise en cause de la responsabilité de fonctionnaires de police, ce n’était pas du tout le cadre de l’enquête initialement. Contrairement à ce que certains ont dit, Hélène Pedoya n’a pas été saisie de cette enquête [...] ni personnellement, ni même indirectement. »
Mais pour les avocats de Geneviève Legay, pas de doute : « Il a volontairement ou involontairement tenté d’empêcher le bon déroulement de l’enquête préliminaire. »
■ : affaire du Negresco
19 décembre 2018 : le domicile de Jean-Michel Prêtre est perquisitionné par trois magistrats du Parquet national financier et des policiers de l’office anticorruption. Une descente dans le cadre d’une information judiciaire ouverte autour du Negresco « pour trafic d'influence, corruption passive et active, atteinte à la probité », dans le prolongement de l'administration judiciaire du célèbre palace.
C’était un secret de polichinelle dans le microcosme : de vives tensions opposaient l'administratrice judiciaire, Me Nathalie Thomas, et le procureur de la République qui souhaitait mettre un terme à son mandat. En 2017, Jean-Michel Prêtre dépose une requête en ce sens. A-t-il outrepassé ses prérogatives en s’ingérant dans ce dossier ? Entendait-il favoriser un repreneur ? Voilà, entre autres, ce qu’entendent déterminer les juges. Les perquisitions à son domicile avaient fortement perturbé Jean-Michel Prêtre. Il s’en était ouvert à nos confrères du Parisien : « Cela montre que l’institution est capable de mener ce genre d’investigations sur l’un de ses propres magistrats. Mais c’est très violent. »