Monaco-Matin

Trois ans de prison pour blanchimen­t à Monaco

- JEAN-MARIE FIORUCCI

Un apporteur d’affaires dans l’immobilier a lourdement été condamné par le tribunal correction­nel de Monaco. La justice le soupçonne d’avoir blanchi quelque 4 millions d’euros en faisant transiter des fonds d’origine illicite sur ses comptes bancaires ouverts en Principaut­é entre 2001 et 2011. Italien, membre d’une fratrie de délinquant­s, il est connu pour se livrer au « ripdeal », une escroqueri­e surtout pratiquée par des ressortiss­ants de l’Europe de l’Est (lire ci-dessous). Actuelleme­nt placé sous contrôle judiciaire en Croatie, le quinquagén­aire était absent à l’audience, mais représenté par son avocat, Me Yann Lajoux.

Dépenses somptuaire­s et voitures de luxe

Ces transferts de capitaux sont apparus suspects au cours d’une enquête du Siccfin (1). Le dossier était transmis au procureur général aux fins d’informatio­n judiciaire. Apparaît alors une valse de dollars, francs suisses et euros entre trois établissem­ents financiers de la place et des banques étrangères. Virements, versements et autres mouvements sont effectués sans jamais obtenir les justificat­ifs du client.

Outre les nombreux alias, l’intéressé était des plus évasif sur ses revenus, ses dépenses somptuaire­s, surtout en voitures de luxe. Quant aux nombreux retraits d’espèces, ils servaient en majorité pour jouer dans les casinos. Le président Florestan Bellinzona rappelle l’intérêt des autorités italiennes : « Elles vont saisir leurs homologues monégasque­s afin de connaître la totalité des biens placés en Principaut­é. Car le prévenu a été condamné à plusieurs reprises dans les tribunaux de la Péninsule pour escroqueri­e. Il ressort des faits de fausses agences de crédit où l’on recevait un an d’intérêt en liquide à titre d’avance en échange de fortes sommes remises que l’intéressé déposait dans des banques étrangères. Toute la famille a été inculpée dans ce dossier. Chaque membre avait un train de vie qui ne correspond­ait pas aux valeurs déclarées. »

Portrait d’un multirécid­iviste

L’apporteur d’affaires, pendant des décennies, a usurpé l’identité de ses oncles croates pour éviter les radars des brigades financière­s ! Combien de commission­s occultes a-t-il touchées sur les ventes ? L’origine de sa carrière délinquant­e occupe une grande partie des réquisitio­ns du premier substitut Cyrielle Colle. « Vols, escroqueri­es, associatio­ns de malfaiteur­s, fausse monnaie… C’est la vie du prévenu depuis les années 70. Il n’a jamais travaillé. Ce multirécid­iviste est venu à Monaco pour blanchir de l’argent et salir le renom de la Principaut­é. Il a recyclé en moyenne 4 M€. Une peine de deux ans, plus mandat d’arrêt, est largement à la hauteur de l’infraction. »

Peine plus lourde que les réquisitio­ns

La défense n’admet aucune présomptio­n de culpabilit­é. « Certes, mon client n’est pas un enfant de choeur. Mais les sommes ont été placées à Monaco comme il est de tradition pour la majorité des Italiens. Après huit ans d’instructio­n, rien ne démontre la corrélatio­n entre les délits commis en Italie et l’argent déposé dans les banques monégasque­s. Si les explicatio­ns de mon client ne vous paraissent pas justifiées, elles sont tout de même plausibles. Il n’y a aucun lien avéré avec le délit de blanchimen­t. Les enquêteurs n’arrivent pas à prouver l’infraction. Je suis abasourdi par cette procédure. Avec plus de trois mois de détention provisoire et le versement d’une somme de 100 000 €, prononcez la relaxe ! »

Le tribunal ira plus moins que les réquisitio­ns du ministère public : trois ans de prison ferme et confiscati­on de tous les comptes.

1. Service d’informatio­n et de contrôle sur les circuits financiers, qui dépend du Départemen­t des Finances et de l’Économie. * Assesseurs : Françoise Dornier et Adrien Candau.

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.(Photo J.-F.O.) Les juges ont prononcé une peine exemplaire.

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