Monaco-Matin

Le saviez-vous ? Se baigner dans l’Estéron est interdit

Face aux risques, les maires des communes limitrophe­s de la rivière sauvage multiplien­t les arrêtés municipaux. Comme au pont de la Cerise, où la trempette est prohibée depuis 2000

- ANTOINE LOUCHEZ alouchez@nicematin.fr

En ces temps de canicule, forcément, vous avez craqué. Une bonne baignade dans la fraîcheur de l’Estéron, dernière rivière sauvage du départemen­t, située au coeur du parc naturel régional des Alpes-d’Azur. Vous n’êtes pas seul à avoir eu l’idée. Au grand dam de Patricia Demas, maire de Gilette, où se situe le pont de la Cerise, lieu emblématiq­ue de la rivière. «Lesite est très plébiscité par la presse locale et les réseaux sociaux, qui le présentent comme un lieu de baignade idéale, a regretté la maire de Gilette, hier, lors d’une conférence de presse organisée sur place avec les maires de l’Estéron. Au premier coup d’oeil, oui. Mais on oublie de dire qu’il y a un arrêté municipal d’interdicti­on de baignade depuis 2000, à cause de la dangerosit­é

de la rivière. » À l’époque, elle avait fait deux morts. « Ce n’est pas parce que l’arrêté est ancien qu’il est dépassé. »

Bruits, déchets et feux de camp

Comme beaucoup de sites où la nature est préservée, l’Estéron est victime de son succès. Au pont de la Cerise, des riverains ont relevé « des pics à 200 voitures » stationnée­s en bordure de route, malgré l’absence de parking. Les élus locaux parlent de barrières forcées, parfois sciées à la tronçonneu­se pour accéder au site naturel en véhicule. Déjà en octobre, des habitants de Pierrefeu alertaient les pouvoirs publics au sujet de la multiplica­tion des campements (pourtant interdits), avec les nuisances qui les accompagne­nt : bruits, déchets, mais aussi et surtout multiplica­tion des feux de camp, malgré l’interdicti­on préfectora­le. Débordés, les maires ne veulent pas être tenus pour responsabl­es. Alors ils prennent des arrêtés municipaux. « Gratuit et mieux qu’Aqualand »

C’est le cas de Gilette, mais aussi de Toudon, Pierrefeu, ou encore Les Ferres. «Un reportage à la télévision disait qu’ici, c’était gratuit et mieux qu’Aqualand, grommelle Marc Belvisi, maire de Pierrefeu. Les gens oublient qu’on est sur un site naturel et pas un centre de loisirs. Chez moi, le problème c’est le canyoning. J’ai dû prendre un arrêté parce que même des profession­nels m’ont bousculé pour accéder à des sites interdits, parce que dangereux. « Normalemen­t, ce qui nous réunit, c’est le PNR, concède Marc Belvisi, maire de Pierrefeu. Mais il n’y a pas de politique commune, on n’est pas encore allé au bout des choses. » Seul le maire du Broc, Philippe Heura, prônait «un aménagemen­t complet de la rivière, d’Aiglun jusqu’au Broc. » Mais il prêchait dans le désert. « Depuis quatre ou cinq ans,ilyaune surfréquen­tation, retrace Élisabeth Gallien, directrice du PNR. Le travail de fond se fait, L’an dernier, il y a eu un accident. Est-ce que la personne qui a bénéficié des secours a payé ? Ce serait bien. »

Roquestero­n n’a pas pris d’arrêté anti-baignade. Et se torture l’esprit pour se positionne­r : « Nous, on ne peut pas interdire, le village a les pieds dans l’eau, ça nous apporte une affluence notoire. Et on ne peut pas surveiller les gens comme ça, détaille Patrick Calegari, conseiller municipal. Mais parce qu’on a mis des poubelles, l’Agence régionale de santé a considéré que le site mais on ne peut pas tout régler à coups de baguette magique. Les communes réfléchiss­ent. Elles vont devoir choisir : soit interdire – mais elles passeront pour des fachos – soit accueillir. Cela demande des moyens et du temps. » Mais le site naturel

« rejoint toutes les problémati­ques des zones naturelles. » était aménagé et donc que la baignade était autorisée. Et donc qu’il fallait des w.-c., des surveillan­ts… Et sur dix kilomètres ! On ne peut pas s’amuser à ça, on n’a pas les moyens. Alors on n’interdit pas, mais on indique que la mairie se désengage de toute responsabi­lité. »

« Difficile d’interdire »

Alors, baignade interdite ? Sur place, personne n’est dupe, en premier lieu les gendarmes, qui mettent en avant la « sensibilis­ation ». Tout comme la préfecture. « On appuie la maire, soutient Serge Castel, directeur départemen­tal des Territoire­s et de la mer. Elle prend des arrêtés en fonction des risques qu’elle perçoit. Je me mets à sa place, elle n’a pas envie d’être responsabl­e. Après, la réalité du problème, dans l’Estéron, c’est qu’il est difficile d’interdire la baignade. Ce n’est pas la meilleure solution à long terme, mais plutôt de réfléchir au meilleur aménagemen­t possible pour canaliser les usages. Mais ce sera aux collectivi­tés de le faire. » Comment protéger ? Comment réguler le tourisme de masse ? Et comment trouver un modèle économique ? «Les Anglo-saxons font payer un droit d’entrée, mais en France, on ne peut pas le faire, répond Élisabeth Gallien. Le gros enjeu, c’est de sortir les gens de la rivière et de mettre en avant le patrimoine. »

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«Il y a un arrêté municipal d’interdicti­on de baignade depuis , à cause de la dangerosit­é de la rivière. » (Photos Patrice Lapoirie)
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Élisabeth Gallien, directrice du PNR Alpes-d’Azur.

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