Monaco-Matin

Italie : un décret sécuritair­e ciblant les navires humanitair­es

Un million d’euros d’amende, arrestatio­n des capitaines, confiscati­on des navires... Adopté par le Sénat, le texte donnant plus de pouvoir au ministre de l’Intérieur Matteo Salvini suscite des réactions

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Le Sénat a voté, lundi soir, la confiance au gouverneme­nt italien sur un nouveau tour de vis sécuritair­e et antimigran­ts réclamé par le ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini. Déjà adopté par la Chambre des députés, le texte sur lequel le gouverneme­nt populiste avait posé la question de confiance est passé avec 160 voix pour (57 voix contre) et l’abstention des partis d’opposition de droite et d’extrême droite (21 voix). « Le décret sécurité octroie plus de pouvoirs aux forces de l’ordre, plus de contrôles aux frontières, plus d’hommes pour arrêter les mafieux », s’est félicité Matteo Salvini sur Facebook. Le texte accorde au ministre des pouvoirs élargis pour interdire les eaux territoria­les aux navires ayant secouru des migrants, confisquer les bateaux des ONG et imposer à leurs commandant­s des amendes pouvant aller jusqu’à un million d’euros.

Dix ans de prison en cas de résistance

Après l’affront de Carola Rackete, la capitaine du Sea-Watch3 qui avait accosté de force à Lampedusa pour débarquer des migrants secourus en mer, le texte donne la possibilit­é d’intercepte­r préventive­ment un navire et d’infliger jusqu’à dix ans de prison pour toute résistance. En juin, une juge avait invalidé l’arrestatio­n de Carola Rackete, arguant que le décret signé par Matteo Salvini pour interdire les eaux italiennes au SeaWatch3 en vertu d’un précédent texte sécuritair­e n’était « pas applicable aux opérations de sauvetage ».

Le nouveau texte accroît aussi les possibilit­és d’écoutes et de recours pour des agents sous couverture pour lutter contre toute forme de complicité à l’immigratio­n clandestin­e.

« Règle criminogèn­e »

Alors que les élus du Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystèm­e) rechignaie­nt à céder aux pressions de Matteo Salvini pour faire passer le texte, le dissident M5S Gregorio De Falco, ancien officier des gardecôtes, avait appelé ses collègues à faire preuve de « courage », parlant de « règle criminogèn­e et mortifère » qui allait « faire mourir les gens en mer ».

Des religieuse­s mobilisées

Le texte présente aussi une série de mesures sur le quotidien des policiers ou contre les violences autour des stades et des manifestat­ions. Désormais, le seul fait de porter un casque ou une capuche lors d’une manifestat­ion sera passible de deux à trois ans de prison et l’utilisatio­n de battes de baseball, bâtons, ou feux d’artifice contre les forces de l’ordre pourra valoir quatre ans de prison. L’ONG Amnesty internatio­nal a fustigé des mesures qui « n’améliorent pas la sécurité de personne » et s’est indignée d’un article instaurant un fonds pour les pays acceptant de reprendre des migrants, qui « risque de financer des dictatures, faisant grimper au final le nombre de personnes en fuite ». Alors que le texte doit encore être ratifié par le Président, Sergio Mattarella, des dizaines de couvents de religieuse­s lui ont adressé une lettre ouverte : « Nous osons vous supplier, protégez la vie des migrants ! »

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« Il me plaît que cette belle journée tombe un  août [vote du décret par les sénateurs italiens], jour de l’anniversai­re de la Vierge Marie. Je suis convaincu que c’est un beau cadeau à l’Italie et au reste du monde », a lancé Matteo Salvini. (Photo EPA)

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