Monaco-Matin

Les boîtes de nuit font de la résistance

À Nice, Juan, Cannes ou Monaco, quelques discothèqu­es font de la résistance. Mais les bars ont pris le pouvoir, à grand renfort de DJ’s. Récit d’une mutation qui reflète notre société

- Dossier : Christophe CIRONE, Célia MALLECK Thomas PEYROT, Cédric VERANY et Robert YVON Photos : Dylan MEIFFRET et SBM

Ils nous entraînent au bout de la soirée, et n’attendent plus minuit pour danser. De nos jours, les « démons » de la nuit vont s’encanaille­r plus tôt. Dès 20 h. Voire 18 h. Et cette mutation a impulsé un nouveau rythme pour le monde de la nuit.

C’est une révolution lente, mais évidente, qui s’est jouée dans la pénombre ces dernières années. Or la Côte d’Azur est aux premières loges de ce phénomène de société.

« La tendance n’est plus aux discothèqu­es mais aux bars, décrypte Stéphane Morjane, responsabl­e du Carré trendy au port de SaintLaure­nt-du-Var, acteur du monde de la nuit depuis plus de trente ans. La nuit commence beaucoup plus tôt et finit bien plus tôt. Les gens n’attendent plus 1 h du matin pour sortir. Le mot “discothèqu­e” est amené à disparaîtr­e : le monde de la nuit, ce sont les before !»

Certaines restent dans la danse

Henry Mathey confirme. Pour le président de l’UMIH (Union des métiers de l’industrie de l’hôtellerie) d’Antibes-Juan-les-Pins, qui s’occupe des établissem­ents de nuit, «la tendance va aux bars lounge, musicaux, qui ont des autorisati­ons tardives. Les gens se retrouvent plus facilement, on peut fumer, on est à l’air libre, on écoute la musique tout en pouvant danser, s’amuser... C’est un autre monde, où l’on retrouve toutes les génération­s. Ce qui n’est pas le cas des discothèqu­es. »

Halte-là : n’enterrons pas si vite les boîtes de nuit ! À Nice, Juan-les-Pins, Cannes ou Monaco, certaines sont toujours dans la danse. Le High Club qui règne sur la promenade des Anglais, le tout frais Bisous Bisous ou l’éternel Gotha à Cannes, Le Village ou Le Kiss à Juan, le Jimmy’z monégasque relooké – pour ne citer qu’eux – prouvent que la nuit a encore de beaux jours devant elle.

Le rap détrône l’électro

Mais il y a les chiffres. Eloquents. « Voilà une quinzaine d’années, il y avait 4 000 discothèqu­es en France. Il en reste 1 500, selon Stéphane Morjane. Tous les jours, ça mute ! Ces grosses structures ne sont plus à la mode. Les festivals ont pris le pas sur les discothèqu­es.

Et l’électro en boîte a vécu, remplacé par le rap. On est passé de Bob Sinclar et David Guetta à DJ Snake, Koba LaD et MHD. » En 1994, cet oiseau de nuit a vu un bar, La Douche, accueillir pour la première fois un DJ. Depuis, le concept a fait recette. En parallèle, les stars des platines migraient peu à peu vers les festivals. Trop chères, souvent.

« Pas le droit à l’erreur »

Un autre frein financier a porté un rude coup aux bonnes vieilles boîtes de nuit : «Laloi interdisan­t de fumer dans les lieux publics. Cela a amorcé le déclin des discothèqu­es. Il fallait trop investir », selon Hervé Mathey. Les bars, eux, pouvaient se targuer d’offrir davantage de souplesse aux fumeurs. La souplesse, c’est ce que plaident les patrons de boîte. Car tout excès se paie cash. En début d’année, plusieurs adresses historique­s de la Côte d’Azur ont écopé d’une fermeture administra­tive, pour des débordemen­ts parfois survenus à l’extérieur.

« La nuit, tu n’as pas le droit à l’erreur, regrette Stéphane Morjane. Même en étant vigilant, on n’est pas à l’abri d’un incident. Il y a zéro tolérance. Les pouvoirs publics doivent être plus à l’écoute des profession­nels. Nos jeunes ont le droit de sortir ; autant que ce soit dans des structures profession­nelles et carrées... »

Tous DJ’s avec leur smartphone

Sortir, vraiment ? Et si la discothèqu­e s’invitait... à la maison ? « Avant, quand on était un peu branchouil­le, on sortait en boîte, se souvient Hervé Mathey, qui a dirigé deux discothèqu­es à Saint-Tropez et au Cap-d’Agde. Aujourd’hui, les jeunes se retrouvent en petit groupe autour de leur iPhone et de leur play list. Il faut admettre que le téléphone a tendance à isoler les êtres humains – et pas que chez les jeunes ! » Conclusion : « Il faudra toujours des discothèqu­es pour les jeunes. On ne peut pas les condamner ! Elles auront toujours un rôle. Mais un rôle différent. »

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Depuis plus de dix ans, le High Club règne sur les nuits de la promenade des Anglais.

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