Monaco-Matin

Municipale­s : une partie de poker menteur à Marseille

Après 24 ans à la tête de la cité phocéenne, Jean-Claude Gaudin ne se représente­ra pas. Les appétits s’aiguisent, et le RN y croit...

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Maire de Marseille depuis vingt-quatre ans, Jean-Claude Gaudin va quitter le jeu politique. Et la partie de poker menteur est lancée, seul le RN ayant abattu ses cartes face à des sortants divisés, une gauche atomisée et des « Marcheurs » en quête d’ancrage local.

Le maire sortant part sans successeur désigné chez Les Républicai­ns. «Ilatout

fait pour tuer tous ses dauphins »,

rappelle le politologu­e Joël Gombin, de la Fondation Jean-Jaurès. Héritière officieuse de l’ère Gaudin, Martine Vassal reste en coulisses, malgré ses atouts, comme présidente du Départemen­t et de la Métropole. Mais elle est bien en campagne, « plus comme un challenger que comme une sortante », souligne Joël Gombin.

Car l’étiquette « Gaudin » est encombrant­e depuis l’effondreme­nt de deux immeubles délabrés de la rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018, qui avait fait 8 morts. Même Renaud Muselier, longtemps proche du maire, premier adjoint pendant ses deux premiers mandats, ne retient plus ses coups : « Gaudin ? Un mauvais maire, qui a fait deux mandats de trop. »

Président de la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, il n’a pas renoncé à jouer un rôle dans la campagne, et se pose en arbitre – sans jamais rien exclure. Mais pour l’heure, un seul candidat est officielle­ment en lice côté Républicai­ns : le sénateur Bruno Gilles, inconnu au plan national, qui a juré d’aller « jusqu’au bout », même sans investitur­e LR. Agitant « le danger Rassemblem­ent national », Mme Vassal voudrait, comme Jean-Claude Gaudin, un rassemblem­ent avec LREM « avant le premier tour ». Les 8,3 % de la liste LR de François-Xavier Bellamy à Marseille aux européenne­s, contre 20,6 % pour la liste LREM de Nathalie Loiseau, ont sonné comme un avertissem­ent. Mais les deux candidats à l’investitur­e LREM, Saïd Ahamada, député des quartiers Nord, et Yvon Berland, président de l’université d’Aix-Marseille, y ont opposé une fin de non-recevoir.

LREM en proie au doute

Une récente visite de Brigitte Macron, qui avait notamment déjeuné avec le maire et Martine Vassal, a toutefois fait naître des doutes sur la stratégie du parti présidenti­el. Pour LREM, le cas marseillai­s est difficile à trancher. A gauche, le flou est encore plus marqué. Le leader des Insoumis Jean-Luc Mélenchon, potentiel trouble-fête après sa première place dans la ville au premier tour de la présidenti­elle 2017 puis son élection comme député, s’est éloigné.

Côté socialiste, la sénatrice Samia Ghali, seule personnali­té d’envergure nationale, n’a toujours pas repris sa carte au parti. Mais elle sera « au coeur de la bataille » des municipale­s. Comme candidate ? Sur quelle liste ? Avec LREM et pourquoi pas Yvon Berland, « un copain » ? Réponse bientôt, assure-t-elle. Une certitude pour Mme Ghali en tout cas : « Les unions de la gauche, ça ne marche pas à Marseille. » Pas question pour

elle, donc, de se joindre à l’appel à une alliance PS-PCEELV-LFI-Génération­s, pour laquelle le PS a justement mandaté Benoît Payan, le patron du groupe au conseil municipal.

La crainte d’une très grande fragmentat­ion

Le seul parti en ordre de bataille est en fait le Rassemblem­ent national, avec le sénateur Stéphane Ravier, en course depuis janvier 2018 et fort des 26 % du RN aux européenne­s à Marseille. Devenu le premier maire FN d’un secteur de la ville en 2014, il veut s’appuyer sur son bilan : « Ce sera moins facile de travestir nos propositio­ns », assure-il, dénonçant une Vassal « inféodée à Macron

».

« Si la gauche est incapable d’aller aux municipale­s avec une liste cohérente et que la droite se disperse, le RN peut rafler quatre ou cinq secteurs l’année prochaine », expliquait,

La Provence en mai, à Michel Peraldi, sociologue et directeur de recherche au CNRS. Car à Marseille, ce sont huit élections qui se jouent, dans les huit secteurs de la ville qui regroupent ses 16 arrondisse­ments. Et tout pourrait finalement se jouer à l’hôtel de ville, lors du vote final des 101 conseiller­s municipaux. « Rien ne garantit une majorité au soir du 2e tour », estime

Joël Gombin : « Avec la forte fragmentat­ion de l’espace politique marseillai­s, il y aura des triangulai­res, voire des quadrangul­aires [...]. Et toutes les déclaratio­ns péremptoir­es d’avant le premier tour ne tiendront plus. »

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L’étiquette « Gaudin » est embarrassa­nte à droite depuis l’effondreme­nt de deux immeubles délabrés, qui avait tué huit personnes. (DR)

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