Renaud Capuçon va clôturer le 70e Festival de musique
Trois contre-ténors, coréen, anglais et italien, ont fait merveille sur le Parvis Saint-Michel
Les deux ou trois minutes que dure l’air Umbra mai fu entendu samedi soir aux environs de minuit résonneront certainement longtemps dans nos souvenirs. Ce fut deux ou trois minutes de grâce. Le temps semblait s’être arrêté au-dessus du parvis Saint-Michel. On avait l’impression d’entendre un trio d’anges au pied de la basilique.
Cet air, qui est l’un des plus beaux de Haendel, est un message écologique porté par une musique douce qui vous berce l’âme. Il est extrait de l’opéra Xerxes .Le roi de Perse y fait une déclaration d’amour à un arbre dont il aime l’ombre. (« Jamais l’ombre d’un arbre ne me fut chère et douce ! ») Cette musique est également connue sous le nom de Largo de Haendel.
Dans la douceur de la nuit, on fermait les yeux, et l’on entendait ces trois voix angéliques. Mais lorsqu’on rouvrait les yeux, on voyait trois hommes sur scène. Trois grands gaillards bien bâtis ; au physique de jeunes premiers. Curieux contraste
entre ce que l’oeil voyait et ce que l’oreille entendait !
Le concert, ce soir-là, était donné par trois contre-ténors. Ce sont des hommes chantant dans des tessitures féminines. C’est donc de ces corps d’hommes que sortaient ces voix flûtées. Ces trois contre-ténors étaient parmi ceux qui ont le plus d’avenir actuellement sur la scène internationale. Ils sont demandés par le festival de Salzbourg, par les opéras de Londres, de Naples ou de Venise. De qui s’agit-il ? Du Coréen Justin Kim, de l’Anglais Jake Arditti, de l’Italien Carlo Vistoli. C’est le Coréen qui a la voix la plus aiguë. Cet homme à la voix d’or et à la chevelure bleue (Oui, il a teint ses cheveux de cette couleur !) peut chanter des rôles de femmes, comme il le fit dans un duo de l’opéra Olimpiade de Vivaldi. Au cours de la soirée, on entendit une succession d’airs d’opéras de Vivaldi et Haendel, applaudis en crescendo au fur et à mesure que se déroula la soirée. Chacun des contreténors y allait de son style : le coréen au chant aérien, l’italien aux vocalises corsées, l’anglais à l’élégance de gentleman. Tous trois furent excellemment accompagnés par l’orchestre vénitien Pomo d’Oro dirigé par la violoniste soliste bulgare Zefira Valova, laquelle faisait ondoyer son corps au rythme de la musique. L’orchestre, aux sonorités d’une exquise finesse, enveloppa de dentelle les vocalises des trois chanteurs. Les joyaux de leurs voix étaient enveloppés d’un bien bel écrin.