F. Riester : « Les politiques ne sont pas au-dessus des lois »
Spectateur de Gérard Depardieu, le ministre de la Culture passe deux jours dans le Var. Le temps d’aborder ses priorités de rentrée et sa stratégie pour durer avec les artistes au coeur de son projet
Chemise blanche et pantalon en toile, le ministre de la Culture apparaît en mode vacances dans la presqu’île tropézienne. Une présence dans le sillage de son séjour méditerranéen, en provenance des îles Baléares vers la Corse, à bord d’un voilier loué, « comme chaque année », précise-t-il. Lorsqu’il arrive ce dimanche midi à Saint-Tropez, l’élégant quadragénaire présente immédiatement son compagnon, tandis que l’ami Bernard Montiel les accueille au Mas Bellevue pour l’entretien estival qui précède le programme « officiel décontracté » du jour. Entre visites muséales et spectacle de Gérard Depardieu au Festival de Ramatuelle le soir même.
Quel vent vous a poussé jusqu’ici ?
Avec mes parents, nous allions régulièrement en vacances à Mandelieu (Alpes-Maritimes) et je connais aussi bien le Var, terre culturelle importante avec la Villa Noailles, Châteauvallon, le Théâtre Liberté et les collectivités locales qui investissent remarquablement... Je m’autorise une pause de deux jours dans le golfe car j’ai des cousins en vacances à Cogolin. J’en profite pour me rendre au spectacle sur Barbara qu’il me tenait à coeur de voir, et ensuite je vogue vers la Corse. Avant cela malheureusement, je serai aux obsèques de Jean-Pierre Mocky ce lundi...
Le monde de la communication tend-il à phagocyter celui de la culture ?
Je ne le pense pas, mais il faut vivre avec son temps. Cela signifie être présent sur les réseaux sociaux lorsque l’on est en responsabilité. Pour autant, il ne faut pas être obnubilé par ça. Si le président de la République souhaite faire le pass Culture, expérimenté d’abord dans quatorze départements, c’est parce que c’est un moyen d’aller toucher, via une application, les jeunes là où ils sont, c’est-à-dire sur les réseaux sociaux !
Après la croisière corse, quelles « croisades » à la rentrée ?
La présentation de la loi audiovisuelle en conseil des ministres en octobre – la plus grande réforme depuis – qui va réaffirmer les missions de service public en matière d’éducation, d’information, d’accès à la culture, etc. Il y a aussi une refonte de tout le financement de la création, que ce soit le cinéma, l’audiovisuel ou la musique. La rentrée, c’est aussi le plan cathédrales. Suite à l’incendie de Notre-Dame-de-Paris, j’ai demandé un audit complet de la situation. Le niveau sécurité incendie devra être relevé dans plusieurs d’entre elles. Et puis il y a l’installation de l’établissement public pour la restauration de Notre-Dame, autre grand enjeu de la rentrée.
Un événement particulier est-il prévu pour célébrer les ans de votre ministère fondé le juillet par Charles de Gaulle et André Malraux ?
Non, plutôt une multitude d’événements qui va s’accélérer d’ici la fin de l’année. Le
‘‘ Président a rencontré tous les agents du ministère le jour anniversaire pour signifier leur importance, ainsi que celles des forces vives sur le terrain.
Le ministère de la Culture est devenu un
siège éjectable, comment comptez-vous vous y accrocher ?
Je ne compte pas m’y accrocher [rire] ! J’ai commencé comme conseiller municipal de Coulommiers [sur la liste de Guy Drut, Ndlr], la ville où j’ai grandi, avant d’en devenir maire. Après mes compatriotes, j’ai la chance que le Président et le Premier ministre me fassent confiance. Mon seul objectif, c’est d’agir après douze ans à la commission des affaires culturelles à l’Assemblée nationale. Une de mes priorités est de mettre les artistes au coeur des politiques culturelles. Après l’accès à la culture, il ne faut pas oublier la création pour que la France reste une terre
d’artistes.
À leur manière, ils font et défont les ministres. Sentez-vous un élan derrière vous ?
Pour l’instant, je pense avoir un dialogue riche avec eux. Nous avons par exemple décidé de ne pas modifier l’accord de sur l’intermittence en attendant de pouvoir en tirer de réelles conclusions.
Les artistes ne sont-ils pas en train de devenir une caste à part qui segmente plus qu’elle ne rassemble ?
Je ne crois pas du tout. En dehors des plus connus, la plupart des artistes et créateurs sont parmi les Français, au coeur de la société. Témoins, les dispositifs « Quartiers créatifs », « Micro-Folies », les labels qui irriguent le territoire...
Les encouragements de l’un de vos prédécesseurs comme Frédéric Mitterrand, avec qui vous avez collaboré sur la loi Hadopi, sont-ils précieux ?
Oui, nous avons une relation particulière, comme avec Renaud Donnedieu de Vabres. On a beaucoup à apprendre de celles et ceux qui vous ont précédé. J’ai d’ailleurs rencontré tous les anciens ministres de la Culture, quelle que soit leur couleur politique. Il manque juste François Léotard que j’espère voir à la rentrée.
Avez-vous lu le livre de Françoise Nyssen sur son expérience ministérielle ?
Pas encore. Cela fait partie de mes lectures de vacances. C’est bien qu’elle ait pris la plume pour témoigner. J’essaie de continuer les chantiers qu’elle a entrepris, notamment sur l’éducation artistique et culturelle.
Je lirai le livre de Françoise Nyssen cet été”
Un ministre fait-il figure de modèle ?
L’inclassable André Malraux dépasse tous les autres. C’est lui qui a pensé ce ministère, sans parler de son parcours exceptionnel. Ensuite, chacun a contribué à faire de ce ministère un ministère pas comme les autres.
Les cas Nyssen, De Rugy... Personne n’estil à l’abri de ce qui semble être un nouvel ordre moral et de probité ?
Là encore, vivons avec notre temps, les responsables politiques ne sont pas au-dessus des lois. Il y a une dimension d’exemplarité, de sincérité et de transparence qui est nécessaire. Je m’inscris évidemment dans cette catégorie-là. Pour autant, ils ne sont pas en dessous des lois non plus et doivent être traités par la justice de la même façon que les autres. La présomption d’innocence est un principe fondamental dans une démocratie comme la nôtre.