Monaco-Matin

Ben Yedder signe  ans à l’AS Monaco

La nouvelle recrue monégasque Wissam Ben Yedder n’est pas un attaquant comme les autres. Son style vient de la rue

- MATHIEU FAURE

Le nouvel attaquant de l’AS Monaco Wissam Ben Yedder a découvert le football à la CitéPerdue de Garges-les-Gonesses dans le Val d’Oise, son quartier.

« Il y avait deux barres vertes qui entouraien­t le terrain, une située en bas et l’autre un peu plus haut. C’était notre ligne de touche. Si le ballon passait en dessous, il y avait remise en jeu, détaille-t-il dans le dernier numéro de So Foot. S’il rebondissa­it dessus, le jeu se poursuivai­t. J’aimais bien ces règles-là, tu établissai­s ton propre foot. On se créait notre propre jeu et d’une certaine manière, c’est une belle représenta­tion de la vie. Quand tu crées des choses, tu commences à avancer. » Quinze ans plus tard, Ben Yedder a troqué la banlieue parisienne pour le soleil de Monaco. A 29 ans, l’attaquant de l’équipe de France s’est engagé pour cinq saisons avec l’ASM après trois ans passés sous le soleil de Séville où il demeure, avec 70 buts en 138 matches toutes compétitio­ns confondues, le quatrième meilleur buteur de l’histoire de la formation andalouse. Rien que ça.

Ben Yedder n’est pas un footballeu­r comme les autres. Son parcours est atypique, unique, significat­if, presque magique. C’est simple, son football vient de la rue. Un peu comme Ryad Mahrez, le gaucher de Manchester City, avec qui il était d’ailleurs au lycée. Le natif de Sarcelles (Val-d’Oise) a fait ses gammes au futsal, ce qui en fait forcément un joueur à part. « Le fait qu’il soit passé par la salle, ça lui donne une autre technique, un

centre de gravité assez bas, souligne Didier Deschamps qui n’a pas hésité à lui donner ses premières sélections chez les Bleus en 2018. C’est quelqu’un de très adroit techniquem­ent. » Pour Alain Casanova, le coach de Toulouse qui l’a lancé en Ligue 1 en 2011, l’apport du futsal est immense : « Il a appris à jouer des deux pieds et avec toutes les surfaces de contact. Sans oublier sa capacité à jouer vite dans les petits espaces, tout est très rapide chez lui, de la prise d’informatio­n à la décision ». A 13 ans, celui qui use ses pompes sur les terrains de la banlieue parisienne prend une licence au Garges Lamartine. Au-dessus du lot techniquem­ent, Ben Yedder file en 2009 à l’UJA, le club de CFA alors rattaché à Alfortvill­e. Toulouse repère son talent et l’enrôle pour son équipe réserve. Un an plus tard, il débute en Ligue 1 avant de devenir l’atout offensif numéro 1 du TFC entre 2012 et 2016 (62 buts en quatre saisons de Ligue 1). Une réussite loin d’être évidente. Casanova encore : « Ça a pris du temps car il n’avait aucune éducation sportive, il venait du futsal, n’avait pas fait de centre de formation, il a fallu être patient, le responsabi­liser dans le jeu, lui trouver une place, le mettre en valeur car devant le but, il a toujours été chirurgica­l ».

Monaco récupère donc un joueur de 29 ans, internatio­nal, qui vient de terminer la saison 2019 en trombe. A Séville, Ben Yedder évoluait en soutien d’André Silva dans le 3-5-2 de Pablo Machin. Une position hybride, où il se mettait aussi bien en valeur dans la finition (18 buts en Liga) que dans l’art de l’offrande (9 passes décisives). «Il peut jouer dans un schéma à deux pointes ou seul, embraye Casanova. En faux neuf, il sait décrocher, jouer en appui tout en se projetant dans la surface où il n’a pas d’équivalent. Alors oui, il ne sera jamais un joueur qui va peser physiqueme­nt sur une défense ni même prendre de vitesse son adversaire mais il vient de jouer la C1 et intégrer les Bleus, il a donc progressé mentalemen­t. Aujourd’hui, il sait être disponible pour son équipe pendant 90 minutes ». Dans le 4-4-2 imaginé par Jardim avec Onyekuru et Gelson Martins sur les ailes, Ben Yedder serait le roi du monde avec Falcao à ses côtés mais aussi avec Pellegri, Baldé et Jovetic dans le coin. D’ailleurs, Casanova est étonné de le voir débarquer dans un Monaco privé de match européen. «Jesuis surpris que des clubs comme le Barça, le Real, le PSG ou Manchester City ne se soient pas mis sur lui, il avait une clause abordable (40 millions) et il vous garantit au moins 20 buts par saison, il a toujours été sous-estimé ».

Le choix de l’AS Monaco est avant tout dicté par un souhait : faire partie des 23 Bleus qui seront sélectionn­és pour l’Euro 2020. Quatrième d’une fratrie de six et d’origine tunisienne, Ben Yedder a longtemps été courtisé par l’équipe nationale de Tunisie mais, lui, a toujours privilégié le maillot bleu. Une aventure qui aurait pu tourner court, car le jeune homme faisait partie de l’expédition nocturne des internatio­naux Espoirs en 2012. Avec Griezmann, M’Vila, Mavinga, M’Baye Niang, il avait quitté un rassemblem­ent des Bleuets au Havre pour se rendre de nuit à Paris. Et forcément, ça s’est su... « On avait très vite compris au petitdéjeu­ner quand on a vu que certains n'étaient pas là... Dans cette histoire, Wissam était au mauvais endroit, au mauvais moment. Cela ne reflète pas du tout sa personnali­té » nous confiait Joris Delle, ancien du Gym et coéquipier chez les Espoirs à l’époque, en 2018. Car oui, cette histoire ne reflète pas l’homme de 29 ans. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le message d’au revoir du FC Séville : « Monsieur Wissam Ben Yedder, un petit message pour vous remercier, nous n’oublierons rien de tous ces instants, toutes ces émotions... et évidemment tous ces buts. MERCI au joueur, MERCI à l’homme, MERCI pour tout ».

Monaco a donc recruté un garçon qui a appris le football dans la rue pour devenir un homme à coups de buts. Et quel homme !

‘‘ Je suis surpris que

le Real, le Barça ou le PSG ne se soient pas mis sur lui... ”

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