Mobilisation contre le centre pour migrants
Alors que les travaux entrepris au centre Orméa – en vue d’y accueillir 56 jeunes migrants – sont terminés, le maire organisait une réunion, mardi, pour faire un point avec la population
Malgré la fervente opposition du conseil municipal et de la majorité de la population de Sainte-Agnès, les travaux entrepris à l’Orméa sont à ce jour achevés. Et l’ancien centre de vacances est (presque) prêt à accueillir 56 jeunes migrants. La commune, unie contre ce projet, ne s’avoue pourtant pas vaincue. Le maire, en chef de guerre opposant David (municipal) à Goliath (préfectoral) a ainsi organisé une réunion publique, mardi, pour établir un état des lieux de la situation. Pour envisager une suite, afin de contrecarrer les plans de l’État. « Cette réunion ne porte pas sur une discussion à propos des jeunes migrants mais sur le fait de l’installation même, introduit Albert Filippi, entouré de son équipe. On se voit pour se dire qu’on est forts, et soudés. Notre objectif, c’est que la commune soit préservée ». La lutte s’appuyant sur deux maîtres-mots : légalité et communication.
☛ Le point sur la situation
Pour tenter de paralyser le projet, la commune avait pris un AIT – pour Arrêté interruptif de travaux – qui avait conduit à une suspension desdits travaux. Au motif que le chantier de rénovation engagé par le Département n’avait pas été précédé d’une demande préalable de travaux. Et que l’accessibilité pour les personnes handicapées n’avait pas été prévue, en dépit de la loi. « Contrairement à ce qui a été affirmé, notre AIT était conforme aux règles d’échange contradictoire. L’État a choisi de le casser parce que sa priorité était la continuité des travaux », tacle le maire. Indiquant que des procès-verbaux successifs ont été dressés « pour signifier une infraction au code de la construction ». Pour lui, la situation est tout bonnement « ubuesque ». « Nous sommes dans un cadre où le préfet couvre une infraction », s’offusque-t-il.
☛ Problème de fond
Du point de vue des habitants, le projet imposé est d’autant plus insupportable qu’il n’a pas donné lieu à une concertation. «Iln’yapaseu d’échanges, alors je n’ai pas d’informations à vous transmettre sur comment la gestion va se dérouler », résume Albert Filippi. Furieux que sa responsabilité soit en revanche engagée en cas de problème. « Les membres du conseil municipal ont refusé ce projet simplement parce qu’il n’y a aucunes précisions, aucune garantie. Nous respectons les jeunes migrants, mais les gérer, c’est les accompagner. Ce n’est pas en les mettant à la campagne qu’on réglera le problème », assène-t-il. Assurant qu’il existe des bâtiments disponibles sur le littoral, à proximité d’hôpitaux. Le maire insiste par ailleurs sur le fait qu’au village, il n’y a que 135 habitants. L’arrivée de 56 jeunes est en ce sens susceptible de déstabiliser la population.
« Tous ceux qui ont décidé n’habitent pas la commune. C’est facile pour eux de dire que le lieu est parfait », glisse un habitant. Pointant du doigt un problème logistique : « Les migrants devront descendre et remonter ici en bus. Mais un car de 50 places ne sera pas en capacité de rouler sur cette route étroite, il faudra multiplier les petits véhicules. Cela fait beaucoup de circulation alors que le gouvernement se targue d’être écolo… » ☛ Projet (s) alternatif (s)
À l’origine, la commune souhaitait que l’Orméa soit transformé en internat. L’institution de la Villa Blanche était en capacité de racheter le bâtiment, et de gérer les lieux. « On prenait tous les enfants de la Carf en difficulté scolaire, ceux
(1) dont les parents ne pouvaient s’occuper le soir. C’était un super projet, on pouvait faire quelque chose de sensationnel », note le premier adjoint, Antoine Mattera. Quand la préfecture a réquisitionné les lieux, le conseil municipal a voté en faveur d’un centre d’accueil pour femmes battues. « Nous avons retenu ce projet le 5 août, mais nous n’avons pas eu le temps de communiquer avec l’État qu’il cassait l’AIT. Le préfet n’a que faire de nos décisions… », souffle le maire.
☛ Que peut faire la commune ?
« Sommes-nous obligés d’accueillir ces jeunes migrants ici ? », questionne un riverain. «Leproblème, c’est que le bâtiment n’est pas la propriété de Sainte-Agnès, mais de Roquebrune, rétorque l’avocat de la commune, Marc Layet. Le maire a très peu de leviers. La loi est théoriquement avec nous mais nous n’avons qu’une petite marge de manoeuvre. Et Sainte-Agnès n’a pas le budget pour acheter l’Orméa… » On demande ce qu’il est possible de faire pour contrer le préfet. La réponse ne tarde pas. Il faut s’adresser à son supérieur : le ministre de l’Intérieur. Solution que la commune entend bien mettre en application. « Il faut dépasser la guerre avec le préfet et aller plus haut. C’est au niveau de l’Assemblée nationale qu’il faut frapper », clame un habitant. Un autre souligne qu’il reste un point à creuser : le bâtiment pourrait souffrir de problèmes d’assainissement. « Nous nous penchons sur tout ce qui pourrait être en non-conformité », opine le maire.
☛ Prochaines échéances
La commission de sécurité devrait se réunir le 21 août, la veille de la commission d’accessibilité – qui ne se tiendra pas au centre Orméa, mais en préfecture. « Il est probable que les migrants soient installés le 23. Ils devaient l’être le 12, nous avons déjà réussi à repousser l’échéance », fait remarquer Albert Filippi. Ajoutant être prêt à aller manifester devant la mairie de Roquebrune pour se faire entendre. Tandis qu’un habitant propose de monter un collectif citoyen en soutien au maire.
☛ Pot de terre contre pot de fer
Le maire et son équipe regrettent amèrement que la Carf ne se soit pas plus investie. «Une communauté d’agglomération c’est une communauté de destin. Mais nous n’avons eu le soutien d’aucune commune urbaine, sinon Beausoleil, qui proposait même un lieu pour accueillir les migrants », dit Albert Filippi. Soulignant néanmoins que la députée de la 4e circonscription est à leurs côtés. Elle qui souhaitait que les réfugiés soient disséminés dans plusieurs endroits sur le territoire.
Reste, selon lui, qu’un « travail de fond aurait pu être réalisé entre 2015 et aujourd’hui. Mais rien n’a été fait, et on invoque désormais l’urgence… ».