Monaco-Matin

« Monaco est une terre du baroque »

Chanteur haute-contre, Matthieu Peyrègne prête sa voix délicate et fragile dans un magnifique album qui exhume L’Assomption de la vierge de Scarlatti

- JOËLLE DEVIRAS

Chanteur, chef d’orchestre et violoniste, Matthieu Peyrègne vient d’éditer le tout premier disque de l’Ensemble baroque de Monaco qu’il dirige : L’Assomption de la Vierge d’Alessandro Scarlatti. Un album exceptionn­el à plus d’un titre.

Parmi les chanteurs lyriques, et même les chanteurs baroques, ce jeune papa de deux enfants se distingue par sa voix : il est hautecontr­e. La tessiture de sa voix est donc très aiguë. « Je crois que nous sommes une trentaine en France. » Un timbre rare, précieux, fragile ; mais qui est aussi une opportunit­é dans le monde très compétitif des chanteurs lyriques. « J’ai toujours chanté très juste et très aigu. Cette voix m’a permis de commencer une carrière à 30 ans ; ce qui n’aurait été jamais possible en étant soprano. J’ai démarré à 26 ans en contre-ténor et à 30 ans comme ténor. »

Et comme un mariage heureux, sa voix singulière­ment aiguë est celle tant recherchée pour le genre baroque qui est la passion de Matthieu Peyrègne. « Après mes études de violon classique, je me suis épris de baroque. J’avais 18 ans. Ce sont

les voix qui m’ont d’abord attiré. J’aime aussi l’authentici­té de la démarche des baroqueux, leur intérêt pour cette musique. » C’est ainsi que, depuis quatre ans, Matthieu Peyrègne chante avec Les Arts florissant­s, « le plus prestigieu­x ensemble baroque du monde ». «Je peux chanter du classique jusqu’à Mozart ou Rossini. »

Le prince Antoine Ier : « passionné de baroque »

« Il y a sept ou huit ans, après deux rencontres la même journée avec un artiste lyrique de l’Opéra de Monte-Carlo et une chanteuse amateur monégasque, j’ai eu l’occasion, quelques mois plus tard, de m’entretenir avec la princesse Caroline qui m’a apporté son soutien. En un an, l’ensemble baroque de Monaco était créé sous forme associativ­e. » Le baroque, un style incongru à Monaco ? Certaineme­nt pas historique­ment. « Le prince Antoine Ier était passionné de baroque. Il a passé énormément de temps à Versailles. Au XVIIe siècle, les chanteurs français et italiens passaient naturellem­ent par la Principaut­é. Avec l’Ensemble baroque de Monaco, nous sommes dans une démarche musicologi­que. J’adore rechercher des partitions jamais jouées. C’est ainsi que j’ai trouvé le manuscrit de L’Assunzione della Beata Vergine d’Alessandro Scarlatti dans une bibliothèq­ue, à côté de Dortmund en Allemagne. Quand j’ai découvert les partitions, la musique et les voix avaient l’air de très bien sonner. Je me suis procuré des copies sur microfiche­s. De retour en France, je suis allé à l’Université de Nice qui disposait encore d’un lecteur pour ce type de support d’avant l’ère du numérique. Le texte de cet oratorio n’est pas anodin. Il est très poétique et assez complexe. Ressuscite­r un trésor, c’est une chance et même un honneur. C’est ma première découverte intégrale. J’ai tout recopié. » Une petite centaine de pages tout de même à déchiffrer, recopier et des jours entiers d’un travail aussi méticuleux que fastidieux.

« Un passé que l’on va tenter de ressuscite­r »

« Je suis très actif. Quand ce n’est pas le chant, c’est la direction d’orchestre. J’ai eu mon diplôme de chef d’orchestre il y a deux ans, après dix-sept ans d’études… » Matthieu Peyrègne va partout où sa passion le conduit. Avec L’Ensemble baroque de Monaco, il a réuni une vingtaine d’artistes pour parvenir à sortir le premier disque. Les chanteurs viennent d’Italie, de Suisse, des régions parisienne et lyonnaise.

Une subvention de la Sogeda (Société pour la gestion des droits d’auteur) de quelque 5 000 euros, soit 25 % des frais engagés, a permis à Matthieu Peyrègne de concrétise­r son rêve. Et la reconnaiss­ance ne s’est pas fait attendre ! « Nous avons eu deux récompense­s : l’une de classiquen­ews.com et l’autre, plus importante encore, avec cinq diapasons. Notre but est de faire parler de la musique baroque de Monaco et de la maison d’édition L’oiseau-lyre. Monaco est une terre du baroque ; du moins à son échelle. Durant la première partie du XVIIIe siècle, elle l’a été sans rougir. C’est un passé que l’on va tenter de ressuscite­r. »

Il manque 20 000 € pour un concert

À quand un concert à Monaco pour découvrir cet album « en live » ? « C’est mon grand regret de ne pas pouvoir interpréte­r ce disque dans la cathédrale ou une église de la Principaut­é. Mais il faut 20 000 euros. Nous ne sommes pas subvention­nés contrairem­ent à d’autres ensembles en France. Donc nous ne partons pas sur un pied d’égalité en termes de concurrenc­e. J’ai tellement envie de donner cet ouvrage… C’est tellement beau… » Matthieu Peyrègne ne manque pas d’ambition. « J’aimerais être ambassadeu­r d’une nouvelle génération de baroqueux. » En attendant une reconnaiss­ance internatio­nale, c’est sur ses terres azuréennes que le chanteur fait connaître la musique baroque. Il participer­a aux « Perles chorales de la musique baroque » à la cathédrale Sainte-Réparate, à Nice, le 21 septembre, dans le cadre des Journées européenne­s du patrimoine. Début octobre, ce sera La Descente d’Orphée aux enfers ,au festival de musique de Biot le 4 octobre, le 5 octobre à Valbonne et le 6 octobre à Nice.

Savoir +

ensembleba­roquedemon­aco.com

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Matthieu Peyrègne, chanteur, violoniste et chef d’orchestre. Ils ne sont qu’une trentaine en France à avoir une voix de haute-contre.
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(Photos J.D. et DR)

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