Monaco-Matin

Rhoda Scott : « L’orgue est mon meilleur ami, il respire »

- PROPOS RECUEILLIS PAR JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Les Alpes-Maritimes ont été plutôt gâtés. Ces derniers jours, ils ont eu droit à une double dose de Rhoda Scott et de son Lady Quartet. Avec ses copines (Sophie Alour, Lisa-Cat Berro et Julie Saury), qui lui rendent plusieurs décennies, la musicienne âgée de 81 ans a assuré derrière son éternel orgue Hammond, où elle s’installe toujours pieds nus. Les spectateur­s de SaintJazz-Cap-Ferrat et des Nuits du Château de la Moutte, à Saint-Tropez, ont pu apprécier la vitalité de l’Américaine, installée de longue date dans l’Hexagone.

Avant son concert à Saint-Jean-CapFerrat, celle qui a débuté sous l’impulsion de Count Basie a pris le temps de répondre à nos questions avec une pointe d’accent très mélodieuse et une grande humilité, malgré des états de service impression­nants.

Parlez-nous de cet orgue Hammond B, l’orgue du jazz...

Je l’ai découvert dans l’église de mon père, qui était pasteur. Il était tout neuf. J’ai voulu l’essayer, j’étais curieuse. J’étais très jeune, j’avais huit ans. J’étais fascinée. Au fur et à mesure, j’ai appris à le maîtriser. Une fois prête, mon père m’a laissée accompagne­r les gens qui chantaient spontanéme­nt, c’était un bon exercice pour l’oreille.

C’est plus qu’un instrument ?

C’est mon meilleur ami, il respire ! C’est comme une voix humaine. Il y a tant de possibilit­és, on peut tout faire avec. Chez moi, j’en ai trois exemplaire­s, je suis très attachée à eux.

Vous avez reçu une Victoire d’honneur lors des Victoires du jazz . Est-ce important pour vous ?

Ce qui me touche le plus, c’est de sentir un public heureux. La musique, c’est la joie. Souvent, les gens disent qu’ils se sentent bien, qu’ils ont plus de punch après un concert. Ma carrière est derrière moi, mais je cherche toujours à apporter du bonheur.

Comment est né ce Lady Quartet ?

Il a été formé pour une Nuit des femmes, à Jazz à Vienne, en . Je ne connaissai­s aucune musicienne française. Alors, le directeur artistique du festival m’a mis en contact avec plusieurs d’entre elles. On s’est vues et on s’est plu. Après Jazz à Vienne, on ne voulait pas se quitter comme ça. On a commencé par quelques dates dans l’année. Après notre premier CD, on se sentait vraiment comme un groupe. Et après le deuxième, tout s’est accéléré.

Il paraît que les filles étaient intimidées par vous au départ…

Je ne l’ai pas remarqué. Et je trouvais surtout qu’il n’y avait pas de quoi. On était comme des copines. Après notre première répétition, on est allées au bistro d’en face pour boire un coup. Je les ai trouvées très sympa. Plus tard, oui, elles m’ont avoué qu’elles étaient pleines de trac.

Et vous, vous avez encore le trac ?

Je l’ai toujours, je pense qu’il ne partira jamais. C’est une bonne chose, selon moi. Ça m’évite d’être trop sûre de moi. Le trac vient du fait que j’ai peur de décevoir. Enfin, pas peur, mais je n’ai pas envie que ça arrive.

Y a-t-il une dimension militante dans ce Lady Quartet ?

On n’a rien contre les hommes. D’ailleurs, on en invite parfois sur scène. Mais on est bien ensemble ! Ce n’est pas facile pour les femmes, parce que le métier est très masculin et reste hyper macho. Je joue depuis soixante ans, j’ai beaucoup d’expérience. Si je peux aider les femmes, en général, à avoir plus de visibilité dans le jazz, tant mieux.

Vous dites que votre carrière est derrière vous, mais vous avez des projets…

Je viens de commencer un duo Jacky Terrasson. Lui avec son piano, moi avec l’orgue. On s’est plu aussi, donc on pense continuer. Mais je viens surtout d’enregistre­r un CD, avec la formation que j’ai toujours eue, orgue et batterie. Il sortira en janvier. Le titre sera certaineme­nt tiré du nom de l’une de mes compositio­ns, Moovin Blues.

 ?? (Photo Jimmy Boursicot) ?? Jazz, soul, blues, classique… La native du New Jersey a toujours aimé naviguer entre les styles. En ce moment, elle partage son enthousias­me avec ses jeunes « consoeurs » du Lady Quartet. Récemment, la formation a enchanté Saint-JeanCap-Ferrat et Saint-Tropez.
(Photo Jimmy Boursicot) Jazz, soul, blues, classique… La native du New Jersey a toujours aimé naviguer entre les styles. En ce moment, elle partage son enthousias­me avec ses jeunes « consoeurs » du Lady Quartet. Récemment, la formation a enchanté Saint-JeanCap-Ferrat et Saint-Tropez.

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