Sa médaille olympique a sauvé des vies au Burundi
Champion olympique en 1996, l’athlète et ambassadeur de Peace and Sport inculque les valeurs du sport aux jeunes dans l’instable région des Grands Lacs et incite son pays à s’émanciper
Le 3 août 1996, dans la nuit d’Atlanta (États-Unis), une semaine tout juste après qu’un coup d’État ait mis sa terre natale, le Burundi, à feu et à sang, Vénuste Niyongabo se parait de lauriers olympiques. Spécialiste du 1 500 m, le dossard 1 102 dynamitait l’épreuve du 5 000 m à 500 unités de l’arrivée pour ne jamais être repris. Un exploit majuscule et une première médaille d’or olympique pour le Burundi (la seule encore à ce jour), dont la portée dépassait le sport. « Je n’étais pas venu célébrer mon titre au pays à cause de l’instabilité mais en 1997 j’ai été reçu par le président qui avait fait le coup d’État, notamment pour apporter un message aux enfants. Je n’ai appris qu’en 2013, par un homme qui faisait partie de la rébellion à l’époque, que la nuit de ma victoire les rebelles avaient cessé le combat. Ma plus belle médaille est d’avoir sauvé des vies. »
« Je trouve les dirigeants plus matures »
Nous sommes alors deux ans après le génocide rwandais, aux portes du Burundi. Vénuste a 23 ans et a émigré depuis quatre ans en Italie. Pays où il réside toujours, sans souffrir de discrimination. « J’ai la double nationalité. Ce qui se passe politiquement est différent de ce qui se passe dans la société. Ce qui est retranscrit dans les médias ne correspond pas à ce que nous vivons avec ma famille, je n’ai par exemple jamais subi d’agression raciale. On parle beaucoup du racisme dans le football mais l’éducation des supporters y est différente, cela relève plus de l’ignorance. »
Aujourd’hui, conseillerait-il pour autant à un jeune Burundais de traverser la Méditerranée pour exaucer ses rêves sportifs ? Non. « Quand je suis venu en Europe la structure des clubs était différente. J’ai été gâté. On m’a donné la possibilité de m’entraîner, une maison, etc. Aujourd’hui, il y a moins d’argent et la communauté ne veut plus qu’elle aille à l’aide des migrants mais en priorité aux locaux. C’est pourquoi certains migrants deviennent esclaves de managers internationaux. »
L’avenir passera donc par l’autonomie du Burundi, avec l’aide de l’Europe. Un vaste chantier. « Depuis ma victoire aux JO, c’est le désert. La situation s‘est améliorée au niveau budgétaire mais elle est médiocre sportivement », admet Vénuste. La faute à la gestion des deniers et à l’absence de cadres, de règles et d’expérience. Mais l’espoir grandit dans les yeux de Vénuste : « Je trouve les dirigeants plus matures qu’auparavant ».
« Abattre des barrières »
Huit ans après sa dernière venue, Vénuste a ainsi été accueilli en héros cette semaine au Burundi, où se tiennent jusqu’à demain les 10e Jeux de l’Amitié (lire ci-contre) organisés par Peace and Sport, l’organisation internationale, neutre et indépendante, basée à Monaco, qui promeut la paix en utilisant le pouvoir du sport. « Le changement de culture demande du temps », plaide l’athlète dont le rôle de « Champion de la paix » depuis 2010 est de créer des passerelles entre des organismes internationaux tels que Peace and Sport et les populations locales. « C’est très important pour moi de partager avec ma communauté les valeurs positives du sport telles que le respect et le dialogue. À travers des exercices ludiques et pédagogiques, Peace and Sport propose aux enseignants un outil simple et adaptable à destination des enfants et des jeunes afin de leur transmettre ces valeurs. C’est une évidence et un immense plaisir pour moi de soutenir ce nouveau programme pilote national. »
À Makamba, sa ville natale, Vénuste a retrouvé les bancs de son école avec émotion et joie. Trente ans après, ses anciens camarades en ont pris les rênes. Vénuste, qui a dû stopper sa carrière a seulement 26 ans, s’est lui reconverti comme responsable de la détection pour Nike en Italie, puis en France et désormais en Espagne, au Portugal et en Grèce. Un employeur qui « fait beaucoup dans les endroits où il a un marché ». Malheureusement pas en Afrique… « Mais chaque année je prends deux semaines pour les Jeux de l’Amitié et ils ne me l’ont jamais interdit, au contraire ils m’encouragent ».
L’encourage « à abattre des barrières » aux côtés de Peace and Sport. Comme en 2011, lorsqu’avec Joël Bouzou, fondateur de l’organisation monégasque, il avait franchi pour la première fois les frontières avec la République Démocratique du Congo et le Rwanda. « En utilisant la diplomatie du sport on arrive à rassembler des centaines d’enfants. Ils me voient comme eux, car j’ai été comme eux, sans chaussures et sans argent en poche. » Un exemple.
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Ma plus belle médaille c’est d’avoir sauvé des vies”