Curie : une rentrée bien orchestrée au micro-lycée
Hier, huit jeunes « décrocheurs » ont intégré – en musique – cette structure scolaire unique dans le département. Ils suivront un parcours aménagé et individualisé avec pour objectif : décrocher le bac !
Pour cette rentrée – à la tonalité particulière – il fallait toucher la corde sensible des élèves. Hier matin, huit jeunes du microlycée de Curie ont commencé l’année sur une note positive. Dans l’une des salles de l’établissement, le musicien et Mentonnais Benjamin Prischi a accueilli les petits nouveaux avec une interprétation au piano de la Lettre à Élise de Beethoven. Puis quelques notes de jazz et de blues devant un concert de louanges. Le pianiste a même épaté la salle par son étonnante improvisation du jingle musical de la SNCF !
Hier, la venue du jeune musicien – ancien élève du lycée général de Curie – a permis d’apaiser les angoisses. Car pour ces jeunes en difficulté scolaire – âgés de 16 à 20 ans – le coeur battait sûrement la chamade. Maladie, problèmes familiaux ou phobie scolaire... de nombreuses raisons ont pu justifier le décrochage scolaire. « Les élèves du micro-lycée ont interrompu leur scolarité depuis un long moment. La rentrée peut être un moment compliquée à gérer pour eux », explique Dominique Ramo, proviseur de l’établissement. Hier, il a accueilli les élèves avec les trois professeurs coordinateurs du dispositif : Florence Lagache, Thierry Sitter-Thibaulot et Ahmed Essayah. Créé en 2010 au sein du lycée Pierre-et-MarieCurie, le micro-lycée est unique dans le département (1). Grâce à un accompagnement personnalisé et un planning aménagé de 27 h, il permet de lutter contre le décrochage scolaire et offre la possibilité d’obtenir le bac sur deux ans. Cette année,
sept des huit jeunes ont intégré l’internat du lycée pour accélérer leur « raccrochage ».
Une année pour reprendre confiance
Durant cette première année « de la deuxième chance », les élèves seront encadrés par huit professeurs volontaires, lesquels mettront l’accent sur certaines matières comme le français, les mathématiques, les langues, l’économie ou l’histoire-géographie. « L’objectif est qu’ils reprennent confiance en eux. Il faut qu’ils arrivent à se projeter pour bâtir – petit à petit – leur avenir professionnel avec sérénité », détaille Ahmed Essayah. Tout au long de l’année, les élèves sont aidés par une psychologue, une infirmière et une assistante sociale.
En mars prochain, les élèves de la promotion 2019-2020 partiront en Irlande pour mettre en pratique leur cours d’anglais et de management. « L’objectif sera, notamment, d’aller au siège des Gafa (Google, Apple, Facebook et Amazon), géants du monde de l’Internet, de visiter Dublin et de renouer des liens avec une école irlandaise pour faire des échanges », précise Florence Lagache.
« Je n’allais plus en cours et je n’avais plus d’option »
Cette année de transition est ensuite suivie d’une année dans une classe de terminale « ordinaire » pour préparer les épreuves de la série choisie et obtenir le baccalauréat. À ce jour, près de 90 % des élèves qui sont passés par le « micro-lycée » de Curie ont obtenu leur bac avec une mention. « Certains jeunes qui avaient une phobie scolaire ont continué à faire des études », confirme Thierry Sitter-Thibaulot, l’un des professeurs coordinateurs.
Hier, après la parenthèse musicale, les huit élèves et leurs professeurs ont déjeuné ensemble à la cantine. L’occasion de faire connaissance entre deux bouchées de steak haché. Âgée de 17 ans, Chloé explique avoir décroché en classe de seconde. « Je n’allais plus en cours et je n’avais plus d’option à part intégrer le micro-lycée ». En face d’elle, Louise, âgée de 16 ans, explique avoir commencé à « lâcher » en classe de première après des problèmes familiaux. « Je sortais beaucoup et j’avais de la liberté. Maintenant, j’appréhende un peu l’internat et les horaires à respecter », confie-t-elle. Originaire de Cagnes-sur-Mer, Kamil espère que le micro-lycée lui permettra « d’obtenir enfin le bac L » pour devenir pompier, son rêve depuis toujours.
Après cette première prise de contact, les jeunes et leurs coordinateurs sont partis à la découverte de Menton. Puis, les lycéens ont posé leur valise à l’internat. Bref, une première journée sans bémol et réglée comme du papier à musique. rentrée me donne du courage. J’espère me remettre très vite à niveau pour intégrer l’année prochaine une terminale L et décrocher mon bac avec mention », livre-t-elle combative. D’origine anglaise, la jeune femme a eu de grosses difficultés à suivre des cours à son arrivée en France. « Je ne savais même pas ce qu’était une dissertation ! J’ai cumulé mauvaises notes sur mauvaises notes et j’ai fini par perdre confiance en moi », explique-t-elle. Arabella a d’abord intégré une classe de première au lycée Carnot de Cannes. À cause de ses lacunes, elle est finalement mise dans une classe de seconde. « Ça n’allait toujours pas. Du coup, j’ai changé d’établissement pour intégrer une seconde professionnelle. J’avais des notes correctes mais je me sentais totalement perdue car ce n’est pas une filière que j’ai choisie. » Car Arabella sait exactement ce qu’elle veut après le lycée. « J’aimerais rentrer en fac de droit. Mon rêve serait de devenir avocate en droit international », confie-telle avec détermination.