Un arsenal déployé contre les violences conjugales
Le gouvernement a lancé, hier à Matignon, en présence de familles de victimes, son « Grenelle » des violences conjugales, pour enrayer un phénomène ayant déjà fait plus de 100 victimes cette année
Les violences conjugales ne sont pas des disputes de couples où les torts seraient partagés : c’est souvent un processus d’emprise sexiste, tellement ancré dans nos mentalités et dans nos pratiques que certains hommes se sont habitués à l’impunité », a lancé le chef du gouvernement en préambule. Pour ouvrir le « Grenelle », qui durera trois mois, consacré à la lutte contre les violences conjugales, Édouard Philippe était entouré de plusieurs ministres, notamment Marlène Schiappa (Égalité entre les femmes et les hommes), Nicole Belloubet (Justice) et Christophe Castaner (Intérieur).
■ places d’hébergement supplémentaires
Le gouvernement va tout d’abord créer 1 000 nouvelles places d’hébergement et de logement d’urgence destinées aux femmes victimes de violences conjugales à partir du 1er janvier 2020, a annoncé le Premier ministre.
« La première urgence, c’est de protéger les femmes victimes de violences conjugales en leur assurant une mise à l’abri rapide », a-t-il expliqué. Pour cette mesure, 5 millions d’euros seront débloqués. Ces places s’ajoutent aux quelque 5 000 existantes.
Elles se déclineront en 250 places « dans les centres d’hébergement d’urgence, pour assurer des mises en sécurité immédiates » , et 750 places de « logement temporaire », pour des périodes comprises entre 6 mois et un an, a précisé le chef du gouvernement. Comment trouver une place d’hébergement ? « Nous créerons une plateforme de géolocalisation pour que les associations, les forces de l’ordre, identifient en temps réel les places d’hébergement disponibles », propose encore Édouard Philippe.
■ Porter plainte à l’hôpital
Le gouvernement souhaite également « généraliser la possibilité de porter plainte à l’hôpital » pour les victimes. « Quand une femme se rend aux urgences pour coups et blessures, c’est déjà suffisamment pénible. Si elle doit retourner chez elle avant de porter plainte, elle retrouvera son conjoint qui risque de la menacer », a fait valoir le chef du gouvernement. La possibilité de porter plainte à l’hôpital sera généralisée « à partir du 25 novembre » ,datedelafin de ce Grenelle, a-t-il précisé.
■ Un accueil « irréprochable » au commissariat
« Quand une femme a le courage de porter plainte, l’accueil que lui réservent les forces de l’ordre doit être irréprochable », a estimé Édouard Philippe. Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner va donc lancer « un audit de 400 commissariats et gendarmeries, ciblé sur l’accueil des femmes victimes de violences conjugales ».
■ Généraliser le bracelet anti-rapprochement
« L’interdiction judiciaire n’empêche pas toujours les féminicides », a par ailleurs déploré le Premier ministre. « Nous voulons que le bracelet anti-rapprochement soit très largement mis en place, dès cette année », a-t-il lancé.
■ Ne pas oublier les enfants
Pour le chef du gouvernement, « tant que les hommes se convaincront qu’ils peuvent frapper la mère de leurs enfants sans être de mauvais pères, on peut redouter qu’ils continuent à le faire ». « Dans plus de 80 % des cas, les violences conjugales et les violences faites aux enfants sont liées », a-t-il détaillé. « En cas de plainte, le juge pénal pourra permettre à la mère de prendre seule les décisions tout en continuant à percevoir une pension alimentaire », propose le gouvernement.
■ Une justice plus rapide et plus efficace
Le gouvernement prévoit que des « procureurs référents spécialisés » dans les violences conjugales seront identifiés « dans les 172 tribunaux de France métropolitaine et outre-mer ». Des chambres d’urgence seront aussi expérimentées, a annoncé le Premier ministre.
« Nous expérimentons ces chambres d’urgence pour que les dossiers soient traités en 15 jours avec une meilleure articulation des différents acteurs judiciaires. la première expérimentation aura lieu à Créteil », a précisé Edouard Philippe. La militante féministe Caroline de Haas, membre du collectif #NousToutes, s’est dite « déçue » par les mesures annoncées par Édouard Philippe. « On est venu, on a vu, on est déçues », a-t-elle déclaré sur franceinfo. « On attendait une mobilisation massive pour en finir avec les violences et on a un empilement de mesures », a-t-elle regretté.