CHUde Nice : des millions d’euros pour les blocs opératoires
Payer plus, investir dans le matériel, respecter les choix d’affectation, la direction prend plusieurs mesures pour lutter contre la pénurie d’anesthésistes à l’origine d’une crise profonde
Plus de 2 millions d’euros à destination des anesthésistes, 5 millions d’investissement lourd pour les blocs, 400 000 euros consacrés à l’achat d’instruments chirurgicaux supplémentaires. Dans un contexte de tension budgétaire, la direction du CHU de Nice consent un effort financier pour essayer de sortir de la crise des blocs opératoires, véritable plaie de l’hôpital public azuréen ouverte par le manque d’anesthésistes. Une situation que l’établissement n’est pas seul à vivre : un très grand nombre d’hôpitaux publics sont aujourd’hui à la recherche désespérée de ces spécialistes sans lesquels aucune opération chirurgicale ne peut être réalisée. Ce sont eux qui endorment le patient, surveillent son état pendant toute la durée de son opération, puis à son réveil. « Un tiers des postes d’anesthésistes réanimateurs sont vacants dans les hôpitaux publics », informe Charles Guepratte, directeur général du CHU de Nice.
Travailler plus, mais gagner plus
Si, de son aveu même, Charles Guepratte aurait pu réagir plus tôt, c’est aujourd’hui les grands moyens qu’il a décidé de mettre en oeuvre pour sortir de la crise, en concertation avec le Pr Thierry Piche, président de la CME (commission médicale d’établissement) du CHU : « Certains CHU ont fait des choix plus drastiques que nous, en fermant des salles et en reportant ou limitant le nombre d’interventions. Nous avons souhaité maintenir à tout prix la capacité du CHU à conserver des créneaux opératoires et donc avoir une politique d’attractivité très forte vis-à-vis de l’extérieur et de fidélisation de nos anesthésistes. »
Première mesure : payer plus. « On demande aux anesthésistes de travailler davantage, mais ils seront désormais indemnisés pour cela », ce qui n’était pas le cas jusqu’alors. De meilleures conditions d’exercice devraient également leur être proposées, «en respectant leurs voeux d’affectation. Un anesthésiste peut travailler dans le secteur de son choix, il ne s’agit plus de lui imposer un lieu d’activité. »
Autre sujet sensible : le dialogue chirurgien anesthésiste. Si leurs activités sont intimement liées, classiquement, le chirurgien décide d’opérer et l’anesthésiste doit suivre, sans dialogue constitué.
Création d’un pôle bloc
« La création d’un pôle blocs opératoires devrait rendre institutionnel le dialogue entre chirurgiens et anesthésistes : il faut adapter l’activité opératoire en fonction des ressources humaines en présence. Cela devrait également aboutir à une meilleure organisation des blocs, alors que, jusqu’à présent, prédominait un fonctionnement en silo. » En d’autres termes, chaque service avait tendance à travailler sur ses spécialités sans se soucier des autres, ce qui était source d’importants conflits.
Reste le noeud du problème : la pénurie de professionnels. « Fruit du travail que nous conduisons depuis dix-huit mois, dix-neuf anesthésistes devraient grossir l’effectif d’ici le mois de mai », annonce la direction. Parmi eux : des internes achevant actuellement leur formation au CHU de Nice et qui se seraient laissés convaincre par les promesses de meilleures conditions de travail. « Plus de la moitié choisissaient jusqu’à présent d’aller exercer ailleurs à la fin de l’internat, aujourd’hui, c’est huit sur onze internes en anesthésie qui se sont engagés à rester au CHU de Nice ou qui s’apprêtent à le faire. C’est une belle performance » , se réjouit le Pr Piche.
« On nous a reproché une gestion purement comptable de l’hôpital, nous montrons le contraire avec ces mesures très coûteuses, conclut le directeur général qui reconnaît que c’est le positionnement même du CHU, son expertise qui ont été mis en péril par cette grave crise.
Ces mesures, présentées au directoire mercredi puis à l’ensemble des médecins dans la soirée, suffiront-elles à apaiser les tensions ? L’avenir le dira. Quoi qu’il en soit, l’hôpital public, grand corps malade, appelle quantité d’autres mesures pour retrouver une pleine santé.