Pour la première fois, un crime jugé… sans jurés à Caen
C’est un changement majeur dans la justice : le procès d’un homme accusé de tentative de viol a débuté hier à Caen, non pas aux assises, mais par la toute première cour criminelle. Cette nouvelle juridiction, qui permet de juger des crimes sans jury populaire, est historique : la présence de citoyens pour juger des crimes est un héritage de la Révolution. Une vingtaine de journalistes étaient d’ailleurs présents hier.
La présidente Jeanne Cheenne explique : « Cette juridiction est composée exclusivement de magistrats professionnels. Elle jugera les crimes punis de 20 ans de réclusion au maximum, la cour d’assises composée de jurés étant elle en charge des crimes punis plus sévèrement. » Chose rare, les débats sont enregistrés, « compte tenu de la nature expérimentale » de l’audience.
Plus de la moitié des affaires jugées aux assises
La cour d’appel de Caen a été candidate pour participer à l’expérimentation, qui aura lieu pendant trois ans dans sept départements. Ces cours criminelles jugeront principalement
(1) les viols et les vols à main armée, soit environ 57 % des affaires aux assises. Mais les avis à leur sujet sont partagés : pour le ministère et de nombreux magistrats, c’est un moyen d’avoir une justice plus efficace. Pour les avocats pénalistes, en revanche, elles représentent une justice au rabais et une régression démocratique.
Ni témoin ni expert
Les faits jugés remontent à 2007. Une jeune femme avait déposé plainte pour tentative de viol. L’affaire avait été classée sans suite, mais en 2012, un rapprochement d’ADN a permis d’interpeller un suspect. Pas de partie civile : la jeune femme est morte depuis dans un accident.
L’audience prend des allures de dialogue entre l’accusé et la présidente. Le vocabulaire est celui de la cour d’assises, mais il manque la solennité de celle-ci. La présidente prend le temps d’interroger l’accusé, de le mettre face à ses contradictions, de revenir sur certains propos, mais aucun expert ni témoin n’est appelé à la barre.
Aux assises, la procédure est orale : les jurés découvrent l’affaire dans sa complexité tout au long du procès. Là, les magistrats ont accès à tout le dossier, ce qui permet de raccourcir le temps d’audience. Les débats ont duré environ quatre heures, les réquisitions, trente minutes, et la plaidoirie de la défense, un quart d'heure. A l’issue de deux heures de délibération, la cour condamne l’accusé à cinq ans de réclusion, dont deux ferme.