Monaco-Matin

Ratcliffe, la force d’y croire

Après six mois de négociatio­ns intenses, le boss de la société INEOS est devenu le nouveau propriétai­re du Gym. Son frère Bob a été l’un des acteurs majeurs de cette opération unique

- VINCENT MENICHINI (AVEC W. HUMBERSET)

Ils ne s’attendaien­t pas à ça, bien sûr, mais chez les Ratcliffe rien n’a jamais été simple en affaires. C’est même l’histoire de leur vie. De la persévéran­ce mais aussi une forme de talent, il en a fallu à Jim, l’aîné de la fratrie, élevé dans une banlieue modeste de Manchester, pour être anobli par Elizabeth II, la Reine d’Angleterre, en 2018 et se poser comme la plus grande fortune du Royaume-Uni. Près de sept mois, c’est ce qu’il aura donc fallu au milliardai­re anglais pour devenir le propriétai­re à 100 % de l’OGC Nice. Un interminab­le bras de fer avec les anciens patrons du club qui lui en ont fait voir de toutes les couleurs et ont glissé « des peaux de bananes un peu partout au sein du club », selon un proche du dossier. « Leur volonté, c’était que le deal se fasse après le mercato, ils nous ont fait chier jusqu’au bout », avance-t-on dans le camp britanniqu­e. Alors, le 26 août, lorsqu’il quitte le centre d’entraîneme­nt en compagnie de Bill Reid, en charge des acquisitio­ns chez INEOS, Bob Ratcliffe, le frère de Jim, au four et au moulin sur le dossier du Gym, est un homme comblé. « The deal is done, so so done », nous glisse-t-il, dans un large sourire. Quelques heures plus tôt, il ne rigole pas en apprenant le report du conseil de surveillan­ce. Chien Lee est aux États-Unis. En raison du décalage horaire, il n’a pas pu vérifier que le virement de plusieurs millions d’euros avait bien été effectué sur son compte. Prévu à 15 heures, le conseil de surveillan­ce est décalé à 18 heures. Dans les bureaux du club, on s’inquiète de cette « dernière chinoiseri­e ». Bob, lui, encaisse le coup. Il demande à un salarié de le conduire à la plage pour prendre l’air et boire une bière. Direction le Beach club à Saint-Laurentdu-Var, en toute simplicité, les pieds dans le sable pour faire redescendr­e un peu la pression. Le soir, il ira dîner en compagnie de ses collaborat­eurs au Comptoir de

Nicole, dans le Vieux-Nice. Là encore, Bob Ratcliffe s’affiche comme un « client tout à fait normal » et aura la délicatess­e d’envoyer un message de remercieme­nts à la personne qui lui a indiqué cette « excellente » table.

A leurs yeux, il y a la place derrière le PSG

Si les patrons d’INEOS sont rompus aux joutes du business, ils n’avaient jamais été confrontés à une telle situation, devenue délétère au fil des mois en raison de la présence dans leur camp de Jean-Pierre Rivère et Julien Fournier. En février, quand Bob visite le club mis à la vente par Chien Lee, il n’imagine pas une seule seconde que ce dernier puisse faire volte-face dans l’heure qui suit.

« La famille Ratcliffe a fait preuve de beaucoup de sangfroid et de persévéran­ce pour racheter l’OGC Nice, reconnaît un proche collaborat­eur. Elle a toujours tenu ses engagement­s. Beaucoup auraient lâché à leur place, eux non… Ils n’ont jamais dévié. »

Car INEOS a fait une étude de marché précise du football européen. En Italie, en Espagne et en Allemagne, il n’y a pas d’ouverture. En Angleterre, Chelsea est à vendre à un tarif exorbitant (environ 2 milliards d’euros), sans compter le coût de constructi­on d’une nouvelle enceinte en raison de la vétusté de Stamford Bridge. L’OGC Nice dispose d’un potentiel certain et d’infrastruc­tures dernier cri pour un prix « abordable » (100 millions d’euros). « Ici, on n’a pas de stade à construire, ça change beaucoup de choses », a dit Bob Ratcliffe, lors sa conférence de presse de présentati­on le 27 août, qui a également flairé que derrière le Paris Saint-Germain il y avait la place pour aller chercher la Ligue des champions dans un futur proche.

Nice, c’est également la Côte d’Azur, son rayonnemen­t internatio­nal et beaucoup d’attaches pour les Ratcliffe. Jim adore la région, et plus particuliè­rement Monaco qui lui a ouvert ses portes en grand afin de rapatrier une partie de sa fortune colossale pour des raisons fiscales, lui le fervent défenseur du Brexit. Le boss d’INEOS possède une splendide villa sur la presqu’île de Saint-Jean-Cap-Ferrat. Il se régale à gravir le col de la Madone à vélo ou à naviguer sur la Grande Bleue dans son luxueux yacht de 78 mètres amarré au port de Monaco. Sur ce dernier, il vient d’y accrocher un drapeau de l’OGC Nice, deuxième club à tomber dans son escarcelle après Lausanne Sport (D2 suisse). Malgré un agenda millimétré, Jim a tout suivi du rachat du Gym. Pour parler mercato et de bien d’autres sujets, il reçoit chez lui en toute simplicité, mais avec toujours beaucoup d’élégance, même au moment de faire couler le café sans l’aide de personne. Car, chez les Ratcliffe, on n’oublie pas d’où l’on vient. Lors de Nice-Amiens, Bob invite son chauffeur à le suivre en tribune. Pour lui, il est inenvisage­able que ce dernier poireaute dans la voiture durant toute la durée de la rencontre.

En juillet, quand Jim se rend pour la première fois à Nice pour visiter les installati­ons et choisir sa loge à l’Allianz Riviera, il est accompagné de ses deux associés. Le boss impression­ne par sa stature. Il se tient droit, mais se montre tout à fait abordable avec les employés du club. « Il n’est absolument pas imbu de sa personne, pas puant, avance Jean-Pierre Rivère, qui l’a rencontré à plusieurs reprises à Monaco. Ce n’était pas dans des endroits luxueux. Il n’y a jamais rien d’ostentatoi­re. C’était franc, direct et simple. J’ai beaucoup aimé son humilité. »

Bob adore le Mèfi Club

Introduit président du conseil de surveillan­ce, Bob ne manque rien de l’actualité du club. Il reçoit chaque matin la revue de presse – en français dans le texte afin de progresser dans la langue de Molière -, va à la rencontre des fans les soirs de match et adore le « Mèfi Club », un club de supporters pour les enfants de moins de 12 ans. En tribune contre l’OM, Sam et Georges, les fils de Jim, ont « kiffé » l’ambiance brûlante du derby. Pour l’instant, c’est un sans-faute. Les Ratcliffe se promènent sur la Côte et tiennent leurs promesses. En toute fin de mercato, ils n’ont pas tremblé au moment d’investir plus de 10 millions d’euros sur Stanley Nsoki, alors qu’ils avaient d’abord envisagé un prêt avec option d’achat avec le Paris Saint-Germain. Un exemple parmi tant d’autres de la nouvelle dimension prise par l’OGC Nice sous l’impulsion d’INEOS.

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Le mardi  août, Bob Ratcliffe se présente sur la pelouse de l’Allianz Riviera en tant que nouveau président du conseil de surveillan­ce de l’OGC Nice. (Photo Dylan Meiffret)
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LE ROMAN
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