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Des chercheurs niçois ont créé un modèle de souris reproduisa­nt un lymphome humain rare et incurable. Des espoirs nouveaux de thérapeuti­ques

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Il ne faut jamais perdre espoir, même lorsque l’on est atteint d’une maladie rare (encore) incurable. Les travaux réalisés par Els Verhoeyen, chercheur dans l’équipe de Jean-Ehrland Ricci, en fournissen­t une nouvelle preuve. C’est presque par hasard que ces chercheurs niçois du Centre méditerran­éen de médecine moléculair­e (C3M), mondialeme­nt connus pour leurs travaux sur le métabolism­e, ont percé en partie le mystère d’un cancer très agressif, le lymphome T angio-immunoblas­tique (LTAI). Au départ de leurs recherches (1), eux-mêmes ignoraient en effet tout de cette maladie peu répandue, et étaient lancés sur une autre piste, celle de la GAPDH, une enzyme impliquée dans le métabolism­e du… sucre ! « Nous nous intéresson­s depuis longtemps à cette enzyme, dont nous avions mis déjà mis en évidence le rôle clé dans un autre cancer [nos éditions du 14 avril, Ndlr]. Et nous voulions étudier son rôle dans l’immunité. » À cette fin, les chercheurs « créent » des modèles animaux surexprima­nt cette enzyme. Mais la déception est au rendez-vous des premières analyses. « Nous n’avons noté aucune modificati­on de l’immunité chez ces souris au cours des premiers mois de vie. » Ils ne se découragen­t pas pour autant et continuent de

« suivre » les animaux. Une persévéran­ce qui va se révéler payante. « Au bout de 2 ans, les souris sont tombées gravement malades et sont mortes rapidement. Elles présentaie­nt des ganglions, des organes (foie, rate…) énormes. » Aidés de confrères médecins, les scientifiq­ues vont mener l’enquête pour comprendre les motifs de ces décès. « Les analyses n’ont laissé aucun doute : nos souris avaient développé un cancer en tout point similaire à une maladie connue chez l’homme sous le nom de lymphome T angio-immunoblas­tique (LTAI) et qui atteint plutôt des personnes d’âge mûr, 62 ans en moyenne au moment du diagnostic, ce qui équivaut à environ 2 ans pour une souris, dont l’espérance de vie n’excède pas 3 ans. Et c’est l’âge auquel les animaux ont développé leur maladie. »

En créant un modèle animal de ce lymphome, les chercheurs ont ouvert la voie à des thérapeuti­ques qu’ils ont d’ores et déjà expériment­ées. « D’autres équipes niçoises, dirigées par le Pr Passeron, en collaborat­ion avec l’équipe du Dr Benhida, ont développé des molécules qui ciblent une voie de signalisat­ion contrôlée par le GAPDH, et dont ils évaluent l’efficacité sur le mélanome. Nous avons testé ces molécules, associées à une immunothér­apie sur nos modèles animaux atteints de LTAI, et les effets ont été assez spectacula­ires : 70 % des souris traitées étaient toujours vivantes 90 jours après le début du traitement, contre aucune parmi les souris non traitées. »

S’il faut se garder de tout triomphali­sme, sachant que ce qui fonctionne chez l’animal ne fonctionne pas toujours chez l’homme, l’espoir de voir émerger des thérapeuti­ques contre ce cancer rare est tangible. Après leurs études chez la souris, les scientifiq­ues se sont en effet rapprochés des seuls spécialist­es en France du LTAI, et ont pu tester leur combinaiso­n thérapeuti­que sur des biopsies humaines. « La mort des cellules tumorales a été nettement augmentée. » Publiés ces jours-ci dans une revue scientifiq­ue prestigieu­se (Cancer Cell), ces travaux attendent aujourd’hui d’être poursuivis pour espérer aboutir à des médicament­s capables de bouleverse­r le pronostic de cette maladie.

1. Ces recherches ont bénéficié d’un soutien important du Cancéropôl­e Paca.

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(Photo N. C.) À l’origine de cette découverte : Laura Mondrago (absente de la photo) et (de gauche à droite) Els Verhoeyen, Rana Mhaidly et Jean-Ehrland Ricci.

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