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Des chercheurs niçois ont créé un modèle de souris reproduisant un lymphome humain rare et incurable. Des espoirs nouveaux de thérapeutiques
Il ne faut jamais perdre espoir, même lorsque l’on est atteint d’une maladie rare (encore) incurable. Les travaux réalisés par Els Verhoeyen, chercheur dans l’équipe de Jean-Ehrland Ricci, en fournissent une nouvelle preuve. C’est presque par hasard que ces chercheurs niçois du Centre méditerranéen de médecine moléculaire (C3M), mondialement connus pour leurs travaux sur le métabolisme, ont percé en partie le mystère d’un cancer très agressif, le lymphome T angio-immunoblastique (LTAI). Au départ de leurs recherches (1), eux-mêmes ignoraient en effet tout de cette maladie peu répandue, et étaient lancés sur une autre piste, celle de la GAPDH, une enzyme impliquée dans le métabolisme du… sucre ! « Nous nous intéressons depuis longtemps à cette enzyme, dont nous avions mis déjà mis en évidence le rôle clé dans un autre cancer [nos éditions du 14 avril, Ndlr]. Et nous voulions étudier son rôle dans l’immunité. » À cette fin, les chercheurs « créent » des modèles animaux surexprimant cette enzyme. Mais la déception est au rendez-vous des premières analyses. « Nous n’avons noté aucune modification de l’immunité chez ces souris au cours des premiers mois de vie. » Ils ne se découragent pas pour autant et continuent de
« suivre » les animaux. Une persévérance qui va se révéler payante. « Au bout de 2 ans, les souris sont tombées gravement malades et sont mortes rapidement. Elles présentaient des ganglions, des organes (foie, rate…) énormes. » Aidés de confrères médecins, les scientifiques vont mener l’enquête pour comprendre les motifs de ces décès. « Les analyses n’ont laissé aucun doute : nos souris avaient développé un cancer en tout point similaire à une maladie connue chez l’homme sous le nom de lymphome T angio-immunoblastique (LTAI) et qui atteint plutôt des personnes d’âge mûr, 62 ans en moyenne au moment du diagnostic, ce qui équivaut à environ 2 ans pour une souris, dont l’espérance de vie n’excède pas 3 ans. Et c’est l’âge auquel les animaux ont développé leur maladie. »
En créant un modèle animal de ce lymphome, les chercheurs ont ouvert la voie à des thérapeutiques qu’ils ont d’ores et déjà expérimentées. « D’autres équipes niçoises, dirigées par le Pr Passeron, en collaboration avec l’équipe du Dr Benhida, ont développé des molécules qui ciblent une voie de signalisation contrôlée par le GAPDH, et dont ils évaluent l’efficacité sur le mélanome. Nous avons testé ces molécules, associées à une immunothérapie sur nos modèles animaux atteints de LTAI, et les effets ont été assez spectaculaires : 70 % des souris traitées étaient toujours vivantes 90 jours après le début du traitement, contre aucune parmi les souris non traitées. »
S’il faut se garder de tout triomphalisme, sachant que ce qui fonctionne chez l’animal ne fonctionne pas toujours chez l’homme, l’espoir de voir émerger des thérapeutiques contre ce cancer rare est tangible. Après leurs études chez la souris, les scientifiques se sont en effet rapprochés des seuls spécialistes en France du LTAI, et ont pu tester leur combinaison thérapeutique sur des biopsies humaines. « La mort des cellules tumorales a été nettement augmentée. » Publiés ces jours-ci dans une revue scientifique prestigieuse (Cancer Cell), ces travaux attendent aujourd’hui d’être poursuivis pour espérer aboutir à des médicaments capables de bouleverser le pronostic de cette maladie.
1. Ces recherches ont bénéficié d’un soutien important du Cancéropôle Paca.