Monaco-Matin

Estrosi, le coup de pression

Dès le mois d’avril, le maire de la ville a poussé pour que le projet INEOS aille au bout

- VINCENT MENICHINI (AVEC W. HUMBERSET)

En cette fin août, Christian Estrosi est d’humeur badine. Le maire de Nice reçoit dans son immense bureau pour parler de l’OGC Nice. Pendant plus d’une heure, il revient en détail sur son rôle dans le rachat du club et évoque son rapport au Gym. S’il prétend n’avoir fait « aucune ingérence », il a pourtant bel et bien mis les mains dans le cambouis et usé de son influence pour faire en sorte que ce deal aille au bout. «Il a été très précieux et a fait preuve de courage », dit JeanPierre Rivère qui entretient avec Estrosi des liens très étroits. « C’est sain, avance le président du Gym. Il me fait confiance et a fait ce qu’il fallait au moment idoine. »

Ganaye écarté de la réunion

Quatre mois plus tôt : on est le 20 avril. Les négociatio­ns entre le clan Ratcliffe et les Sino-Américains sont au point mort. Chien Lee jure qu’il n’est plus vendeur, à moins d’une offre exceptionn­elle. Estrosi convoque l’ensemble des actionnair­es en mairie. Chien Lee et Paul Conway ne viendront pas. Alex Zheng, lui, est accompagné de Claude Li, alors directeur général du club, qui lui sert de traducteur. Gauthier Ganaye se pointe à la réunion mais restera sur le pas de la porte. Vexé, “GG” quitte la mairie dans la foulée. Estrosi souhaite parler uniquement avec les actionnair­es à qui il demande des comptes, les yeux dans les yeux. « J’ai posé 200 fois la question à Alex Zheng : “C’est quoi votre projet ?” Je n’ai pas à faire d’ingérence, mais je voulais juste savoir si mon stade n’était pas condamné à mourir. Il fallait être clair avec le maire de la ville, le propriétai­re du stade mais on a tourné en rond pendant plus d’une heure. »

Le maire a un mauvais pressentim­ent, depuis qu’il a appris que les anciens propriétai­res du club ont contracté un emprunt auprès d’un fonds luxembourg­eois pour rembourser leur mise de départ. « Ce n’est pas ça être ambitieux. C’était une alerte terrible. »

Zheng prétend alors que le club va se développer, sans entrer dans le détail. « Il disait vouloir se stabiliser. Mais la base était bien trop fragile », confie Estrosi, qui a choisi son camp très rapidement et voue une confiance aveugle à Rivère. « Le maire, c’est un instinctif, pose un proche. Avec Rivère, il sait qu’il n’y aura pas d’embrouille, pas d’entourloup­e. Dans ces moments-là, il n’a pas besoin de conseiller. Quand il sent les choses, il fonce. »

Rivère :

« Ce n’est pas du donnant-donnant »

« Entre nous, il n’y a aucune contrepart­ie, assure “JPR”. Ce n’est pas du donnant-donnant. On a créé une relation d’amitié. On oeuvre pour le club et pour la ville. » Lors de cette réunion, Rivère assure que si sa présence met la vente en péril il se retirera. Il ira jusqu’à dire à Zheng qu’il n’a aucune intention de redevenir président.

C’est le 5 avril qu’Estrosi rencontre pour la première fois Bob Ratcliffe. L’homme d’affaires lui fait très bonne impression. « J’ai toujours eu une entière confiance en Jean-Pierre, glisse Estrosi. Depuis le premier jour... C’est un homme qui a toujours fait ce qu’il a dit, il ne m’a jamais rien caché. Lorsqu’il m’a dit qu’il allait me présenter Bob Ratcliffe, je lui ai fait confiance. Je sais qu’il ne serait pas venu dans mon bureau si c’était du vent. Je savais que c’était du solide. C’est pour ça que j’ai souhaité rencontrer les autres (les Sino-américains) pour me faire ma propre opinion. »

INEOS est un monstre de l’industrie et vient de racheter l’équipe Sky de cyclisme. En 2020, le Tour de France prendra le départ de Nice. Pour Estrosi, c’est « une aubaine pour le club et surtout pour la ville » pour lesquels il a toujours rêvé en grand. S’il cultive ses réseaux niçois, via ses fidèles de la première heure (Veissière, Papazian, Migliore…), il se rend chaque semaine à Paris, le plus souvent en compagnie de son épouse, pour parfaire le rayonnemen­t de Nice.

« Cela lui permet de garder une certaine fraîcheur, de sortir du train-train niçois et d’échapper aux jalousies », glisse un membre de sa garde rapprochée.

Tacle à Ciotti

Avant le closing, il passera un coup de fil à Bruno Le Maire, ministre de l’économie, pour tenter de faire bouger les choses du côté de l’Autorité de la concurrenc­e. « C’est une instance totalement indépendan­te. Il valait mieux ne pas les énerver », confie le maire.

A quelques mois des municipale­s, l’OGC Nice a fait irruption dans la campagne. Eric Ciotti, qui n’a pas encore annoncé sa candidatur­e, était allé à l’Allianz dès le premier match de l’après-Rivère, écharpe autour du cou, prenant la roue des actionnair­es sino-américains avec la complaisan­ce de quelques “historique­s”, notamment du côté de l’Associatio­n. «Je n’ai rien vu, ils sont tellement transparen­ts », lâche Estrosi fin août, sourire en coin, pas mécontent de son tour de passe-passe sur le dossier OGC Nice.

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Christian Estrosi, tout sourire, lors de la réception de Marseille, en compagnie de Bob Ratcliffe et son épouse Laura Tenoudji. (Photo Jean-François Ottonello)
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