Bateaux d’exception et aventures humaines
Construire un houari marseillais dont la conception date de 1871 et dont il ne restait que des aquarelles : c’est le pari fou d’un couple passionné de patrimoine
L’Alcyon est le plus vieux bateau de la Monaco Classic Week, dans sa conception. Sur le quai Louis-II, cette seule et unique réplique fidèle d’un houari marseillais de neuf mètres, datant de 1871, fait l’admiration de tous. Mais qu’est-ce qui est passé par la tête d’Édith et Marc Frilet pour se lancer dans la construction d’une unité cent quarante ans après la disparition totale de la série ? Issu d’un pari fou tenu en 2013 entre cousins, Alcyon est identique au bateau d’origine d’Emilien Rocca, qui est aussi l’arrière-grand-père d’Édith la propriétaire.
« Aucun de ces bateaux n’a passé le XXe siècle. L’idée est partie en famille. Il a donc fallu s’appuyer sur des aquarelles et d’une ou deux photos de 1880, explique l’armateur. Ce fut un challenge inouï. Nous avons eu la chance extraordinaire de rencontrer Daniel Scotto, charpentier depuis quatre générations. Durant trente ans, ces bateaux ont été les plus extrêmes en régate en Méditerranée. C’est le seul représentatif de l’époque des pionniers qui a pu être construit. Il a fallu deux ans pour savoir si le chantier était possible. Nous avons eu un an et demi de chantier pour construire un prototype car nous n’avions aucune idée de la façon dont le bateau allait naviguer. Depuis six ans, nous testons ce bateau pour réapprendre à naviguer comme faisaient nos ancêtres qui étaient de grands champions. »
« À l’époque, des milliers de spectateurs »
Car sur l’Alcyon bien sûr, pas de mécanismes automatiques ou d’électronique ! « Le bateau a trois fois la surface de voilure des autres ; avec évidemment aucune aide. Nous faisons tout à la main avec des palans. Il est extrêmement difficile à manoeuvrer. Pendant environ trente ans, ces bateaux-là, très nombreux, naviguaient tout au long de la côte, en régate, notamment de Marseille à Monaco et jusqu’à Menton. Il y avait, à l’époque, des milliers de spectateurs. Et comme pour les courses de chevaux, il y avait des paris. Aucun propriétaire ne pouvait naviguer ; seuls les professionnels en étaient capables. » Dans sa classe, l’Alcyon a été le plus célèbre de l’époque puisqu’il a gagné, en vingt ans, vingt fois sa valeur. Il est extrêmement rapide. Il faut être au moins huit marins pour régater sur ce bateau. Si aujourd’hui le yachting est une pratique onéreuse, c’était, il y a un siècle, un sport qui pouvait rapporter gros. « Ces bateaux-là sont d’origine américaine. Ils passionnent le monde. Ils ont été construits pour faire des compétitions avec les bateaux anglais dont ils ont toujours été vainqueurs. »
À Monaco, plus que de remporter des régates, Édith et Marc Frilet cherchent d’abord et avant tout à retrouver leurs amis eux aussi passionnés de vieux gréements.
La passion du patrimoine
Passionné de patrimoine, le couple veut maintenant faire construire d’autres bateaux et notamment le Ville de Marseille, un bateau de trente mètres qui a gagné toutes les régates durant vingt ans. « L’objectif est que ce bateau devienne le symbole de Marseille pour les Jeux Olympiques. » Et le yachting n’est pas la seule passion d’Édith et Marc Frilet. À Porquerolles, le couple restaure actuellement le fort du petit Langoustier pour lequel il est devenu concessionnaire… «On veut faire ressortir l’histoire. »