Monaco-Matin

« Macron développe une insécurité anxiogène »

Marine Le Pen interviend­ra ce week-end à Fréjus où se tiendra l’Université d’été de son parti. La présidente du RN fustige notamment une réforme des retraites qu’elle redoute précarisan­te

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Après un tour de chauffe le week-end dernier à HéninBeaum­ont, Marine Le Pen fera sa grande rentrée politique dimanche à Fréjus, la ville dirigée par David Rachline, lors du discours de clôture de l’Université d’été du Rassemblem­ent national. Un rendez-vous qui intervient alors que la présidente du Rassemblem­ent national vient d’officialis­er sa séparation avec Louis Aliot, député RN des PyrénéesOr­ientales, dont elle partageait la vie depuis dix ans. En parallèle, un sondage Elabe sorti mercredi la conforte comme meilleure candidate présidenti­elle aux yeux des militants de son parti (à 69 % contre 31 % pour Marion Maréchal). A l’inverse, les Français dans leur ensemble jugent eux, à 30 % contre 25 %, que sa nièce serait une candidate plus judicieuse pour le RN.

Que vous inspire ce sondage ? Marque-t-il l’échec de votre stratégie d’élargissem­ent de votre base électorale ?

Non. Car on voit bien dans ce sondage que le Rassemblem­ent national apparaît clairement dans l’esprit des Français comme le premier parti d’opposition à Emmanuel Macron. Ce socle est de plus en plus solide et il n’est, en aucun cas, un plafond.

Dans ce sondage, les Français vous trouvent encore arrogante, autoritair­e, inquiétant­e. Vous n’avez pas adouci votre image…

On continue à travailler sur ces sujets. Il est vrai que je suis souvent amenée à dire des choses désagréabl­es. La vérité n’est pas toujours simple à entendre. Quand on a le courage de décrire la situation de la France telle qu’elle est, on peut ne pas apparaître très consensuel. Mais je suis dans mon rôle, d’autant que personne d’autre ne dit la vérité aux Français.

Sur le fond, Marion Maréchal prône l’union des droites, alors que vous semblez plus encline à séduire aussi les électeurs de gauche. C’est contradict­oire…

Il n’y a aucune contradict­ion. Marion défend, c’est vrai, l’idée d’une union des droites et le RN défend l’idée d’union nationale. Cela me paraît plus vaste et plus à même de réunir une majorité de Français.

Le RN gère aujourd’hui une quinzaine de villes. Quel est l’objectif pour mars  ?

Nous n’avons pas d’objectif chiffré. Nous serons présents dans de nombreuses communes, en nous appuyant sur l’excellent bilan des municipali­tés qui sont aujourd’hui gérées par des maires RN et qui ont vu leur cote de confiance grimper d’élection en élection, ce qui démontre la qualité de leurs politiques et leur proximité avec les préoccupat­ions de leurs administré­s. Une campagne municipale est différente d’une campagne nationale. Quelles seront les thématique­s portées par vos candidats ?

Au-delà des thèmes auxquels nous accordons beaucoup d’importance, à commencer par la maîtrise de l’immigratio­n, y compris dans les communes qui sont victimes d’implantati­ons forcées de migrants ; au-delà de l’insécurité qui est un problème terrifiant, qui suscite une anxiété réelle, parce que les chiffres sont catastroph­iques, nous allons aussi beaucoup parler de localisme. Et du coup être amenés à parler d’écologie, car il n’y a pas d’écologie sans localisme.

Un commissair­e européen chargé de « la protection du mode de vie européen », ça vous réjouit ?

Je connais bien cela pour l’avoir vécu. Au Parlement européen et à la Commission européenne, il faut toujours se méfier du décalage entre l’intitulé et le contenu. Je ne suis pas sûre que les commissair­es européens désignés aient la même vision du mode de vie européen que les Français. L’intitulé est flatteur, le flacon est joli, mais la potion pourrait se révéler amère.

Matteo Salvini écarté du pouvoir en Italie, c’est un mauvais coup porté à votre espoir de changer l’Europe de l’intérieur…

Il y a toujours des vicissitud­es en politique. Mais qui est en tête dans les sondages électoraux en Italie ? C’est quand même M. Salvini, et de très loin !

Les aléas gouverneme­ntaux en Italie n’ont pas fait baisser les exigences des Italiens en matière de changement de politique. Par ailleurs, nos alliés allemands viennent d’enregistre­r des bonds spectacula­ires aux élections régionales. Dans l’ensemble des pays européens, on voit bien une volonté de sortir de la mondialisa­tion sauvage, du laisser-faire, du laisser-passer et nous pouvons nous réjouir d’avoir contribué à imposer ces thèmes de bon sens dans la vie politique européenne. Sur les retraites, si vous étiez au pouvoir, quel système mettriez-vous en place ?

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de modifier profondéme­nt le système tel qu’il existe, sauf bien sûr pour relever les très petites retraites qui, aujourd’hui, sont une véritable honte dans un pays civilisé. La réforme qu’Emmanuel Macron est en train de mettre en place entraînera un effondreme­nt des retraites pour tout le monde. Et chacun vivra avec une incertitud­e totale du niveau de retraite sur lequel il pourra compter pour ses vieux jours. Cette insécurité, qu’Emmanuel Macron développe dans tous les domaines de la vie quotidienn­e des Français, est terribleme­nt anxiogène et contraire à l’idée que je me fais du progrès.

En matière de bioéthique, quelle est la ligne du RN ?

Il existe des sensibilit­és intimes sur les sujets sociétaux, et ce n’est pas le cas qu’au Rassemblem­ent national. Il n’en demeure pas moins que la loi bioéthique telle qu’elle se présente pose un certain nombre de problèmes éthiques, mais aussi juridiques. Nous allons les expliquer aux Français et amender le texte. L’idée que l’on puisse exprimer un mensonge d’Etat, en quelque sorte, en disant à un enfant qu’il est né de deux femmes, bien sûr, nous y sommes opposés.

Vingt pour cent de proportion­nelle aux législativ­es dans le projet de réforme institutio­nnelle, cela vous convient ?

L’idée de donner quelques miettes de démocratie n’est pas convaincan­te. D’autant plus que ces miettes porteront sur un nombre de députés que le gouverneme­nt veut faire tomber à  au lieu de . Cela n’est pas susceptibl­e de restituer à l’Assemblée nationale le rôle de représenta­tion des courants de pensée qui est nécessaire dans l’exercice de la démocratie.

Comme en , vous voudriez une proportion­nelle intégrale ?

On pourrait très bien envisager une proportion­nelle intégrale, mais avec une prime à la majorité arrivée en tête, comme cela existe d’ailleurs aux régionales. Cela assurerait une stabilité gouverneme­ntale, tout en permettant aux votes exprimés à l’Assemblée d’être vraiment représenta­tifs de la volonté du peuple. Car si l’Assemblée n’est pas représenta­tive du peuple, les textes qui y sont votés ne sont pas représenta­tifs de la volonté de ce dernier. Et cela pose un problème majeur.

‘‘

Nous allons beaucoup parler de localisme, d’écologie”

‘‘

Les très petites retraites sont une honte dans un pays civilisé”

Richard Ferrand devrait-il démissionn­er ?

Non. J’ai toujours considéré, et mes principes s’appliquent aussi à mes adversaire­s, que quand on est mis en examen, on reste présumé innocent. Dans l’affaire Fillon, j’ai été l’une des seules à dire que ça n’était pas parce qu’il était mis en examen qu’il devait quitter la course présidenti­elle. Mais je note que dans l’esprit du gouverneme­nt, ça dépend des fois. La présomptio­n d’innocence est à géométrie variable, selon que ça l’arrange, que ça touche ses responsabl­es ou ceux des partis d’opposition.

 ?? (Photo AFP) ?? Marine Le Pen interviend­ra dimanche à  heures au théâtre Le Forum de Fréjus.
(Photo AFP) Marine Le Pen interviend­ra dimanche à  heures au théâtre Le Forum de Fréjus.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco