La semaine de Roselyne Bachelot
Lundi
Vous en avez assez de la médiatisation hypertrophiée accordée au mouvement dit des « gilets jaunes » ? Vous condamnez les violences et les excès en tous genres qui ont marqué centres-villes et ronds-points depuis presque un an ? Les propos surréalistes de leaders autoproclamés vous ont choqués et parfois révoltés ? Au risque de vous surprendre, je vous recommande la lecture du témoignage d’Ingrid Levavasseur, paru chez Flammarion sous le titre Rester digne. Avec une lucidité féroce et une sensibilité à fleur de peau, l’aide-soignante qui fut une des figures de ce mouvement de colère analyse l’enthousiasme qui a soulevé le peuple des travailleurs pauvres, puis les déconvenues et les humiliations qu’elle a affrontées. Son livre présente plusieurs clés d’entrée toutes passionnantes. Au travers de sa propre existence de « maman solo » qui veut s’en sortir malgré un maigre salaire, des tâches épuisantes et des horaires impossibles, elle pointe avec précision que la monoparentalité est un facteur massif de pauvreté. À la suite, la jeune femme pose le diagnostic de la quasi-impossibilité pour ces femmes de participer au débat public et donc d’y porter leurs revendications, sauf à perturber des familles déjà fragilisées. La description de sa vampirisation par les médias de tout poil, tel le grand Moloch qu’il faut alimenter en chair fraîche, est à la fois réjouissante et inquiétante. Tel quel, son récit interpelle tous ceux qui ont d’une façon ou d’une autre à traiter l’information.
Enfin et surtout, elle raconte comment une explosion de colère sans chef, sans organisation et sans débouché politique ne peut que conduire aux pires excès racistes, sexistes, homophobes, antisémites de personnes livrées à elles-mêmes qui se condamnent ainsi à l’autodestruction puis rentreront chez elles cabossées par la haine et la frustration.
Jeudi
J’aime bien Jean-Luc Mélenchon… Mes lecteurs ont compris depuis longtemps que je ne partage ni ses analyses ni ses préconisations. Mais dans ce paysage politique peuplé de petits jeunes gens proprets, il détonne par son verbe, sa culture et ses emportements. Ses excès étaient restés jusqu’alors dans les limites du pacte républicain auquel il se proclame attaché. Comme beaucoup, je suis donc restée sidérée devant les incroyables dérapages qui ont fait la trame de la conférence de presse invraisemblable qu’il a donnée ce jeudi de retour d’une tournée en Amérique latine. Dans un délire de persécution, il s’est livré à une dénonciation exaltée du système judiciaire français, n’hésitant pas à le comparer au système russe ou cambodgien. Il s’en est pris avec une violence inouïe à la ministre de la Justice et qualifié ses actes d’ordres immoraux et illégaux. Et assuré qu’il lui en cuira.
Il s’est estimé victime d’un complot mondial, comparant l’action du gouvernement français au programme d’assassinats
des opposants dans les dictatures d’Amérique latine dans les années ! Quand il a vanté la politique sociale et la prise en charge de l’enfance au Mexique, bien meilleure selon lui qu’en France, l’indignation a alors fait place à la commisération. De deux choses l’une : soit Jean-Luc Mélenchon a « pété les plombs » sous l’effet de l’épuisement dû au décalage horaire, et on lui souhaite de se reposer pendant un grand week-end, soit ses échecs répétés l’ont plongé dans une grave paranoïa qui méritera une prise en charge appropriée. L’air consterné de ses lieutenants posés autour de lui comme des cierges sur le maître-autel semblait pencher pour la seconde hypothèse. Finalement, comme souvent en politique, Jean-Luc Mélenchon est le pire ennemi de lui-même.
« Soit Mélenchon a “pété les plombs” par épuisement, soit ses échecs répétés l’ont plongé dans une grave paranoïa. »
Vendredi
La mise en détention de Patrick Balkany est juste et bienvenue. Elle est le meilleur démenti à l’idée fausse et récurrente d’une justice bienveillante pour les politiques et dure avec les gens modestes.
Cette nouvelle qui n’en était pas une a presque éclipsé le mouvement de grève de la RATP destiné à maintenir le régime spécial de retraite dont bénéficient ses personnels. Les responsables syndicaux, CGT en tête, nous assurent que ce n’est qu’un début et que le mouvement est installé pour durer. On connaît la capacité de résilience des Franciliens qui voient leur vie quotidienne pourrie régulièrement par les grèves des transports publics. Mais le compteur tourne pour les syndicats contestataires et les faits sont têtus. Le départ en retraite s’effectue à ans pour le personnel roulant ou souterrain de la RATP alors qu’aucun indicateur de morbidité aggravée n’est repéré chez ces personnels, le reste des salariés partant à ans. Les pensions versées marquent un taux de remplacement de…
% du dernier salaire contre
% pour le secteur public et % pour le privé ! Quand vous saurez, cher contribuable, que cela n’est rendu possible que grâce à un versement de l’État de millions d’euros en , vous vous direz que, vraiment, ça commence à bien faire et qu’il est plus que temps qu’un minimum d’équité abolisse des privilèges qui n’ont plus aucune justification et qui n’ont été acquis que par la capacité d’intimidation d’organisations qui instrumentalisent des usagers épuisés et résignés.