L’invitation au voyage
Comme chaque année dans le cadre du mois du Patrimoine, la bibliothèque l’Odyssée sort des livres de ses réserves. Pour célébrer, cette fois-ci, les romans et ouvrages ayant trait à l’ailleurs
De Baudelaire à Desireless, l’invitation au voyage a toujours su réaliser un superbe grand écart. Et fédérer des univers et des gens bien différents. Pas étonnant, dès lors, qu’à l’occasion du mois du Patrimoine, la bibliothèque de Menton consacre une exposition à ce thème – jusqu’au 29 octobre. Légitimant plus que jamais le nom qu’on lui a accolé, à l’instar d’une épithète homérique : l’Odyssée. À travers des panneaux richement illustrés et des vitrines montrant à voir de petits bijoux de la littérature de voyage – pour la plupart issus des réserves de la bibliothèque – les visiteurs pourront ainsi réaliser leur odyssée personnelle. À la rencontre des grands écrivains explorateurs (Cook, Bougainville, La Pérouse), des historiens et géographes intéressés par ce thème (Élisée Reclus, Jean-François de la Harpe), des auteurs de guides (Henry Alexis de Conty, Karl Baedeker, Paul Joanne) ou encore des amateurs de récits et carnets de voyage. On citera notamment le voyageur maghrébin Ibn Battu qui écrivit sur ses pérégrinations à travers l’ensemble des pays islamiques au… XIVe siècle ! Ou encore l’Irlandais Laurence Sterne, connu pour avoir apporté au récit de voyage une irrévérence et une liberté de ton jusqu’alors jamais lues.
Voyage par procuration
Heureuse du travail réalisé par son équipe, la responsable de la bibliothèque, Rose-Marie Matton, rappelait lors du vernissage, vendredi, que « la littérature est en grande partie née du voyage. Les pays lointains s’avérant être une source inspiratrice inépuisable ». Elle incitait aussi les futurs visiteurs à se pencher sur l’exposition pour voyager à leur tour « par procuration, à travers l’espace et le temps ».
À ses côtés, l’adjointe à la culture, Martine Caserio, se fait écho des propos de M. Livre de la jungle, Rudyard Kipling. Selon lequel «ilya deux sortes d’hommes dans le monde : ceux qui restent chez eux, et les autres ». « C’est à ces derniers que la bibliothèque a décidé de rendre hommage, poursuit l’élue. À ces voyageurs vagabonds qui ont repoussé nos frontières mentales avec leurs récits. Que serait notre littérature sans les écrits de voyage de Gide, Zweig, Loti, Montaigne ? Lui qui estimait qu’il faut voyager pour frotter sa cervelle à celle d’autrui… » Et de faire l’éloge des « écrivains nomades », qui avaient pris pour postulat « la curiosité et le respect de ce que l’on ne connaît pas ».
Pas encore, du moins.
Car, comme le souligne le maire, Jean-Claude Guibal, la plupart des auteurs exposés renvoie « au temps béni où la terre était encore inconnue dans sa majorité ». Quand les hommes étaient sédentaires. Et que seuls les plus aventureux avaient envie d’en découvrir d’autres aspects. « J’ai le sentiment que cette curiosité a été remplacée par la découverte de l’environnement de la Terre – les exoplanètes, les trous noirs » , regrette-t-il. Conscient qu’un type de périple demeurera pourtant source de bonheur et de réconfort. Le voyage immobile. Celui qui consiste à « rêver sa vie ».