Fréjus : le RN fait sa rentrée en mode « relocalisation »
Le Rassemblement national se met en ordre de bataille pour les municipales lors de son université d’été. En élargissant son discours, à l’écologie spécialement
Regard de nounours et voix douce. À écouter Philippe Olivier, on se croirait volontiers à une réunion de l’UDI. C’est pourtant à l’université d’été du Rassemblement national que le député européen et conseiller de Marine Le Pen (qui est aussi à la ville le mari de Marie-Caroline Le Pen, la fille aînée de Jean-Marie), intervenait hier à Fréjus. Devant les jeunes militants de Génération Nation, il a remis en perspective le chemin parcouru : « Moi, j’ai adhéré au Front national il y a quarante ans. Nous sommes partis de zéro et on nous a demandé de gravir l’Himalaya avec des espadrilles ! Sur les marchés, au début, personne ne prenait nos tracts… Aujourd’hui, nous sommes devenus le premier parti de France, la première force d’opposition à Emmanuel Macron. Votre génération va vivre un moment formidable, celui du grand basculement. »
Basculement politique appelé de ses voeux par le député européen. Basculement tout court, surtout, dans un nouveau monde qui va imposer ses défis, avec l’émergence de l’intelligence artificielle qui révolutionnera les vies et les métiers de manière radicale.
Conseils de lecture
Son paquet de bouquins sous le bras, Philippe Olivier a ainsi exhorté la jeunesse lepéniste à lire pour mieux appréhender ce monde futur, chargé d’autant de promesses que d’angoisses : Homo Deus de Yuval Noah Harari, L’Histoire de France de Jacques Bainville, La Guerre des intelligences de Laurent Alexandre, cofondateur du site Doctissimo, qui est luimême intervenu sur le transhumanisme, hier devant les parlementaires du RN. En cette rentrée, le Rassemblement national entend clairement démontrer qu’il sait parler d’autre chose que d’immigration et d’insécurité.
Le défi écologique
Autre eurodéputé, Hervé Juvin a lui longuement défendu l’écologie devant les jeunes militants. Posant, tout de go, « être d’accord avec les constats de Nicolas Hulot ou Yannick Jadot » et « qu’il n’y aura pas d’avenir politique pour ceux qui nient les ruptures écologiques que nous vivons ». Évidemment, ses solutions s’éloignent du « vieux rêve de démocratie planétaire de la gauche ». Le RN aborde l’écologie à travers sa propre grille de lecture : «La protection de la diversité des systèmes, l’arrêt des traités de libre-échange, pires ennemis de l’environnement, le raccourcissement des chaînes logistiques, la préservation des frontières qui sont une priorité écologique et la condition de la diversité. » En un mot, l’écologie version RN passe par « la relocalisation. Les solutions sont toujours locales ». « Le monde évolue. Il est important de nous positionner sur de nouveaux sujets », a insisté Jordan Bardella, eurodéputé et toujours président de Génération Nation, lui qui a eu 24 ans à peine vendredi.
Les sillons naturels
Cela n’a pas empêché le RN de labourer aussi ses sillons naturels, immigration et sécurité, charge revenant au local de l’étape, le maire de Fréjus David Rachline, de vanter les mérites d’une gestion frontiste.
Parmi la centaine de jeunes présents, Julien Franquet, venu de Denain, va à l’essentiel : « Les jeunes se tournent naturellement vers le RN parce qu’ils sont inquiets pour leur avenir et que c’est le parti qui leur livre la feuille de route la plus claire en matière d’emploi, de sécurité et d’immigration. » Océane Valentin, jeune Marseillaise partie travailler dans le Nord, abonde : « J’ai connu ici et là-haut les mêmes problèmes liés à l’immigration et au chômage. » Juste à côté, un autre jeune s’étrangle contre « cette pouf… de maire de Rennes qui tolère les femmes en burkini dans ses piscines municipales ». Le Rassemblement national a bien changé. Il garde toutefois quelques réflexes.