Retrouver le goût de l’échange grâce aux animaux Dossier
Les patients de l’accueil de jour de l’institut Claude-Pompidou, à Nice, participent à diverses activités. Ce jour-là, c’était médiation animale. Une manière de travailler en douceur
C’est incroyable, c’est comme s’ils parlaient, on arrive à les comprendre par le regard ». Mireille est l’une des patientes de l’accueil de jour de France Alzheimer (à l’institut Claude-Pompidou à Nice) dédié à la prise en charge d’Alzheimer et maladies apparentées. Ce jour-là, elle participe à l’atelier médiation animale piloté par Martine Mazeres, accompagnée du chien Eliott, de la chatte Luciole et des lapins Popy, Plume et Coco.
Cette joyeuse équipe est venue passer un moment avec une dizaine de personnes fréquentant la structure. Au début, certaines sont mutiques, un peu réservées, semblant se demander ce qu’il se passe. Pourtant, au cours de la séance, les inhibitions s’envolent naturellement. Martine Mazeres intervient avec ses animaux depuis un an à l’accueil de jour. Elle a assisté à des choses qu’elle pensait irréalisables comme le jour où « Eliane, qui ne communique habituellement pas s’est ouverte, a échangé quelques mots... c’était très émouvant. » L’animal a le pouvoir de mettre les patients en confiance. Il ne juge pas. Il ne pose pas de question, n’attend pas de réponse. Les choses sont simples avec lui. Et surtout, il est un « prétexte » pour ouvrir le dialogue et les stimuler. La séance démarre avec des salutations. Martine Mazeres demande à chacun comment il se sent. Ils évoquent leur dernière entrevue. La vedette du jour, c’est Eliott, le bichon maltais. Il gambade pour l’instant seul sur la table quémandant des caresses à ses admirateurs qui le lui rendent bien. Martine amène ensuite les lapins Plume, Coco et
L’association France Alzheimer dispose d’antennes dans le Var et les Alpes-Maritimes.
Dans ces structures sont proposés des ateliers et animations tant pour les patients que pour les aidants. N’hésitez pas à les contacter, vous pourrez ainsi poser toutes les questions qui vous taraudent, notamment sur les aspects administratifs. À Nice, l’association a mis en place un atelier spécifique « malade jeune » dédié aux moins de ans (ils seraient une centaine dans les A.-M.). Pour eux, la prise en charge est un peu différente car le contexte est particulier : parfois leurs enfants sont encore adolescents, leur conjoint(e) toujours en activité, eux-mêmes ne sont pas forcément encore retraités. L’arrivée de la maladie marque alors une véritable rupture. Le soutien est Popy. Soupirs de satisfaction dans l’assemblée. Claude, le farceur de la bande, ne rate pas une occasion pour plaisanter : « Oh des lapins, je connais bien, quand j’étais jeune on me posait souvent des lapins ! ». Même les plus en retrait commencent à s’ouvrir au groupe.
Entraide et échange
Martine Mazeres embraye aussitôt. « Qui a les plus grandes oreilles ? » « Comment se prénomme celui qui a les plus petites ? » Ces questions ne sont pas anodines, elles permettent de travailler l’observation, la concentration. Pour susciter la discussion, l’animatrice évoque la nourriture que mangent les bêtes. À chaque fois, elle présente l’aliment, et chacun y va de son commentaire. Quand elle leur fait sentir du foin, Christiane raconte fondamental. « Notre objectif est d’intégrer ces patients jeunes à l’accueil de jour dans un second temps, commente Liliane Imbert, présidente de France Alzheimer . Nous avons défini avec six d’entre eux un thème de travail. Ils ont choisi l’Asie. Cela nous permet ensuite d’organiser des activités en lien. Par exemple, ils vont plancher sur différents supports – conte musical, photos, calligraphie, origami… – et avec différents professionnels – ergothérapeute, art-thérapeute, musicothérapeute, etc. » L’association travaille également avec des entreprises pour parler de la maladie aux dirigeants comme aux salariés.
France Alzheimer Alpes-Maritimes :
5 avenue Béatrix à Nice. Tél. : 04.93.52.62.00. E-mail : association@fa06.fr
France Alzheimer Var :
36 rue Henri-Poincaré à Toulon.Tél. : 04.94.09.30.30. E-mail : francealzheimervar@gmail.com : « Quand j’avais 14 ans, on avait fait une grande randonnée de plusieurs jours ; le soir on dormait dans les granges ». Eugène est plutôt discret mais bon élève. Mais il est souvent le premier à répondre quand Martine Mazeres leur demande de reconnaître les produits. « Ça, c’est du basilic, on fait le pistou avec ! » Les patients se saisissent des branches de romarin, de céleri, des feuilles d’endives, des fraises, des pommes... La conversation se poursuit, ils se remémorent les anecdotes de leur enfance. «Regardez, ils s’entraident », souffle Martine. Effectivement, Claude chuchote les réponses à ses voisines. Si on ne les savait pas malades, on penserait assister à une banale discussion entre retraités. Un participant se joint au groupe, c’est la chatte Luciole, un persan tout ronronnant. Puis un autre, un homme cette fois. C’est Bernard. Il passait dans le couloir avec la psychologue de France Alzheimer 06 quand il a été intrigué par le spectacle (la porte était restée ouverte). Il entre spontanément. Son accompagnatrice voyant qu’il était décidé à rester le laisse faire. A l’accueil de jour, les patients conservent un maximum d’autonomie ; une manière de maintenir leurs capacités et de les stimuler. Le nouvel arrivant s’installe sans mot dire au fond de la salle. Pendant dix minutes, il observe. Finalement il se lève, va chercher une chaise et s’installe à la table. Eliott s’installe sur ses genoux. « C’est la première fois que je le vois comme ça. D’habitude il ne participe jamais », indique discrètement Martine Mazeres. Il ne s’intéresse absolument pas aux humains contact des chiens, des chats et des lapins, ils se détendent. Souvent, ce sont des personnes qui ont des problèmes d’estime de soi, qui ont l’impression de ne pas savoir faire les choses... Le courant passe parce qu’ils comprennent que les bêtes ne jugent pas, cela lève les inhibitions. » Martine Mazeres abonde : « Je laisse les animaux libres. C’est surprenant de les voir aller vers telle ou telle personne comme s’ils voulaient que chacun participe. Leur présence apaise. Parfois, certains patients sont submergés par l’émotion, ils rient, ils pleurent. Ça leur rappelle des souvenirs qu’ils se racontent ensuite. »
; en revanche il cherche le contact avec les animaux. Il provoque l’hilarité générale lorsqu’il tente de chaparder un morceau de pomme aux lapins pour le manger. Et Christiane de commenter en riant : « Ah ça, il a toujours faim Bernard ! ».
Au bout d’une bonne heure, il est temps de se quitter. Chacun donne une friandise au chien, tandis que les lapins et la chatte reçoivent moult caresses. Visiblement, personne n’a envie de partir. Mireille conclut : « C’était formidable, j’en ai même oublié ma sciatique ! ». Et un peu aussi la maladie.
Un atelier pour les moins de ans