Autisme : « Simplifier la vie et l’accès aux droits » Interview
Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès des personnes handicapées, était présente à Nice pour l’ouverture du 12e congrès international de l’association Autisme Europe. Rencontre
Jusqu’à ce soir, les plus grands spécialistes des troubles du spectre autistique sont rassemblés à Nice dans le cadre du 12e congrès international d’« Autisme Europe », organisé par l’association « Autisme France ». Invitée d’honneur : la secrétaire d’État auprès des Personnes handicapées, Sophie Cluzel. Elle revient sur la « stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement », lancée en avril 2018.
Comment a été bâtie cette stratégie nationale ?
Le handicap est l’un des sujets prioritaires du quinquennat. Pour construire cette stratégie, nous avons travaillé avec l’ensemble des acteurs, y compris des personnes autistes. Ce n’est pas un énième plan, mais bel et bien une stratégie globale qui a impliqué l’ensemble des ministères : aussi bien la Santé que la Recherche et l’enseignement supérieur, le Travail, le Logement, les Sports, la Culture… et bien sûr le secrétariat d’État chargé des personnes handicapées. Elle prend donc en compte l’ensemble des besoins de la personne avec autisme dans sa vie quotidienne.
Quelle est la prévalence des troubles du spectre autistique en France ?
On estime que personnes sont concernées, dont enfants. Nous devons pouvoir intervenir le plus précocement possible pour qu’ils puissent trouver le meilleur accompagnement, et ne pas connaître de sur-handicap.
Qu’en est-il de la scolarité pour ces enfants ?
Nous bâtissons avec le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse le vrai service public de l’école inclusive pour pouvoir offrir à tous les enfants handicapés un vrai parcours scolaire de qualité. Nous améliorons la qualité de l’accompagnement
(les accompagnants ne sont plus recrutés via des contrats aidés) et renforçons les équipes.
emplois à temps plein ont été créés en cette rentrée . Les enseignants sont mieux accompagnés, des outils d’adaptation pédagogique sont mis à disposition.
Des « enseignants ressources » ont par ailleurs été identifiés. Pour épauler les parents, nous avons aussi mis en place dans chaque département une cellule d’écoute et d’appui pour répondre à leurs interrogations.
Fait nouveau : la création de classes spécialisées pour les enfants avec autisme…
Nous avons en effet créé des unités d’enseignement autisme dédiées au sein des écoles ordinaires, en maternelle ou en élémentaire [une unité a été ouverte à la rentrée à l’école maternelle Paul-Arène de Draguignan, Ndlr].
Elles permettent de faire intervenir dans l’école des professionnels du handicap (psychomotriciens, éducateurs spécialisés, psychologue, ergothérapeute, etc.). Nous leur ouvrons les portes de l’école. Cela, pour permettre aux parents de reprendre une vie normale, de travailler, tout en garantissant une scolarisation de qualité à temps complet. De leurs côtés, les enfants peuvent à leur rythme faire des allers-retours entre ces unités et les classes ordinaires, ce qui évite les ruptures et les déscolarisations. en collaboration avec les professionnels de santé et du handicap notamment pour accompagner les sorties d’hôpitaux parfois inadéquates, proposer des logements adaptés, des services d’accompagnement à la vie sociale… Par ailleurs, un dispositif emploi accompagné vient d’être déployé dans les Bouchesdu-Rhône, le Var et le Vaucluse. Il va être généralisé sur l’ensemble de la Région Sud Paca d’ici la fin de l’année.
Le diagnostic tarde souvent à être posé, retardant la prise en charge. Comment raccourcir ces délais ?
La question des délais est effectivement fondamentale. Dans notre stratégie d’intervention précoce, nous voulons agir le plus tôt possible ; cela signifie former, reformer et informer sur les signes d’alerte précoces, tous ceux qui sont en première ligne (médecin traitant, intervenants en PMI [Protection maternelle et infantile, Ndlr], assistantes maternelles, communauté éducative des crèches, etc.).
Nous avons rédigé un livret très simple sur les signes de développement inhabituels à mois, mois, mois, mois, pour agir immédiatement, pouvoir proposer des bilans complémentaires (par exemple d’orthophonie, de psychomotricité) sans attendre le diagnostic.
Quid du poids financier pour les familles ?
Le parent n’aura plus à payer les interventions qui ne sont pas prises en charge par la Sécurité sociale : psychologue, psychomotricien et ergothérapeute. Cela va être possible grâce à la mise en place des plateformes d’intervention précoces à l’échelle territoriale (une plateforme va ouvrir d’ici la fin de l’année dans les AlpesMaritimes). Elles permettront aux familles de bénéficier d’un forfait d’interventions précoces à hauteur de euros par an.
Quels sont les besoins prioritaires des familles ?
Le plus important est de les soutenir et de pouvoir reconnaître leur expertise.
Des formations pour les familles sont actuellement mises en oeuvre sur le territoire national. Elles leur permettent de mieux comprendre les troubles vécus par leurs enfants, de mieux les accompagner et d’être soutenus dans leur quotidien. Mais il faut aussi leur offrir du répit car, et je le sais bien, la vie d’aidant n’est pas simple. Nous avons fait le tour d’Europe des bonnes pratiques pour voir ce qui fonctionne dans les autres pays afin de pouvoir les reproduire. L’intérêt de ce congrès international d’« Autisme Europe » est aussi de pouvoir échanger sur ce sujet.
Quelles sont vos priorités en matière de handicap au sens large pour la fin de ce mandat ?
Il y a évidemment la scolarisation avec la mise en oeuvre du service public de l’école inclusive, mais aussi l’emploi des personnes handicapées sur lequel nous sommes mobilisés depuis le début du quinquennat. Ce qui m’importe, c’est de simplifier la vie et l’accès aux droits pour les personnes handicapées. Nous devons alléger les démarches administratives, et en particulier arrêter de demander aux personnes handicapées de prouver leur handicap à chaque fois. Depuis le er janvier, les personnes dont le handicap n’est plus susceptible d’évoluer peuvent bénéficier de droits à vie : allocation adulte handicapé, reconnaissance de qualité de travailleur handicapé, carte mobilité, etc. Il faut que les MDPH [Maison départementale des personnes handicapées, Ndlr] octroient ces droits, car ce n’est pas encore le cas partout. J’y veillerai.