Sacré Mélenchon !
« Je suis fier de moi. J’ai eu raison de leur tenir tête ! » A quelques jours du procès que lui vaut son extravagante attitude lors de la fameuse perquisition d’octobre , Jean-Luc Mélenchon en rajoute. Espérant solder à son avantage un épisode qui lui a coûté cher – en crédibilité et en voix –, il a choisi un système de défense qui lui ressemble : l’attaque. Victimisation/intimidation : une défense de rupture, aurait dit feu Me Jacques Vergès. Lui, Jean-Luc Mélenchon, n’a rien à se reprocher. Dans cette affaire, il est une victime, la cible d’une noire machination. Ça, une perquisition ? Non, « une mise en scène qui précède un meurtre politique ». Ça, un procès ? Non, une « exécution politique ». « Vous pouvez me mettre en prison, je n’ai pas peur », plastronne-t-il, dans un parallèle pour le moins osé entre sa situation et celle des opposants incarcérés en Amérique du Sud. Autant d’abus de langage qu’on ne mettra pas sur le compte d’une bouffée de colère, réelle ou feinte. Ils procèdent d’une stratégie réfléchie. L’argumentaire asséné de conférence de presse en interviews, et repris en boucle par les évangélistes de La France insoumise, a été couché par écrit dans un livre de circonstance, Et ainsi de suite (sortie le septembre, jour du procès).
Il ne s’encombre ni de preuves, ni de cohérence. Est-il démenti par l’actualité judiciaire
– la mise en examen de Ferrand et la relance des enquêtes visant les dirigeants du MoDem, dont on voit mal par quel masochisme le pouvoir macronien les aurait actionnées ? Qu’à cela ne tienne : Jean-Luc Mélenchon change de cheval, suggérant – si l’on lit bien son interview publiée hier par Le Journal du dimanche –, que le coup viendrait plutôt de la police et de la justice, dont Christophe Castaner et Nicole Belloubet auraient perdu le contrôle.
Allez comprendre… Tout cela est si bancal dans l’argumentation, si outrancier dans l’expression, qu’on est tenté de hausser les épaules. « Le bruit et la fureur », on connaît. On est blasés. Est-ce de nature à intimider les juges ? Ou au contraire à les indisposer ? Ils en ont vu d’autres. D’autant qu’au procès, soyez-en assurés, les prévenus changeront de ton.
Ce qui se joue aujourd’hui, c’est la bataille de l’opinion et cela s’apparente, en termes militaires, à une préparation d’artillerie. Si Jean-Luc Mélenchon et les siens sont relaxés, ou très légèrement condamnés, il pourra crier victoire : « Voyez, même la justice aux ordres a été obligée de reconnaître mon innocence. » Si les peines sont plus
« Jean-Luc Mélenchon a choisi un système de défense qui lui ressemble : l’attaque. »
lourdes : « Qu’est-ce que je disais !
On n’est plus en République ! »
D’un point de vue cynique, ce n’est peut-être pas mal joué : cette tactique peut ébranler certains, au-delà du cercle de ses partisans, dans un pays où beaucoup doutent de l’indépendance de la justice.
À moins que par ses outrances répétées, Jean-Luc Mélenchon n’aggrave son cas. Tous les partis politiques ont eu un jour affaire à la justice. Tous. On n’a pas souvenir qu’un dirigeant qui a postulé à la magistrature suprême et prétend demain gouverner la France se soit jamais laissé aller aux invectives où lui se complaît. Il y a quelque chose de nihiliste dans la façon dont il s’emploie à déconsidérer et délégitimer tous ceux, personnes ou institutions – la presse, régulièrement insultée, la police et la justice, humiliées – qui osent toucher à sa personne « sacrée ».
Être la République, c’est bien. Cela ne dispense pas de s’inscrire dans le cadre du débat démocratique, qui exige un minimum de respect des faits et de considération pour les personnes.