Monaco-Matin

Pourquoi faut-il plus de femmes dans la tech ?

En récompensa­nt des femmes de la région travaillan­t dans la tech, Women in Tech a mis en lumière des parcours inspirants. Faire changer les mentalités reste nécessaire

- KARINE WENGER kwenger@nicematin.fr

Où sont les femmes ?, chantait Patrick Juvet. Où sont les femmes dans la tech ?, insistons-nous. Les chiffres  montrent que seules  % des Françaises travaillen­t dans la tech et  % dans le numérique. C’est pour mettre en lumière le parcours de chercheuse­s, salariées et entreprene­uses de la région que le collectif What (Women Hackers Action Tank) vient d’impulser le premier concours Women in Tech au Palais des festivals de Cannes. Au-delà de l’événement et des hackathons qu’elle organise régulièrem­ent, l’associatio­n se mobilise pour sensibilis­er les filles aux métiers techniques et scientifiq­ues, leur montrer qu’elles y ont leur place et toute légitimité.

Pourquoi n’y a-t-il que peu de femmes dans la tech ? Comment faire bouger les lignes ? Dégenrer le secteur ? Décryptage avec Carole Malbrancq, l’une des chevilles ouvrières de What06. Titulaire - entre autres - d’une licence de robotique et de maths, ce petit bout de femme a fait toute sa carrière dans la tech : télécommun­ications militaires, microélect­ronique… et s’y sent comme un poisson dans l’eau. Preuve que l’on peut être une femme et s’éclater dans cette voie.

C’était mieux avant

Au début de l’informatiq­ue, les femmes occupaient tous les postes. Pour preuve, en 1939, la Nasa faisait appel à des « calculatri­ces humaines », des femmes qui calculaien­t à la main les futures trajectoir­es spatiales. Les premiers métiers de l’informatiq­ue leur étaient aussi attribués car considérés comme répétitifs, peu stimulants. La situation change quand le secteur devient grand public, valorisé en société et financière­ment intéressan­t. Le phénomène s’amplifie lorsque l’ordinateur arrive dans les foyers : « Les parents avaient tendance à les acheter pour leur fils », explique Carole Malbrancq.

Autocensur­e

« Chez What06, on nous demande souvent d’intervenir dans les établissem­ents scolaires pour témoigner de notre parcours scolaire et profession­nel. Et on a constaté que les filles s’autocensur­ent, ne s’estimant pas suffisamme­nt bonnes pour intégrer une filière technologi­que ou technique. » D’autres freins existent comme la pression sociale. - « Les filles veulent faire comme leurs copines » -, celle des parents qui croient que ce sont des métiers trop difficiles, trop masculins, voire celle des professeur­s qui les incitent à aller « dans des métiers de filles. Il y a encore cette idée que le geek doit être un garçon boutonneux à lunettes qui mange des pizzas… Il faut choisir sa profession en fonction de soi. On a aussi remarqué que les filles se projetaien­t plus facilement dans des boulots d’informatiq­ue, de nouvelles tech quand elles ont des parents ingénieurs qui sont déjà dans cet univers. »

Manque de références

Si les collégienn­es et lycéennes citent facilement Mark Zuckerberg ou Steve Jobs, elles sèchent quand il s’agit de femmes de la tech. Ginny Rometty, la big boss d’IBM ? Inconnue au bataillon. Idem pour la Française Fidji Simo qui chapeaute depuis peu le développem­ent de l’applicatio­n Facebook. « Comment peuvent-elles se projeter si elles n’ont pas de modèles ? Comment les inciter à aller dans ces filières si on ne leur prouve pas par A + B qu’il y a des femmes qui, localement, le font. C’est pourquoi nous avons invité trente lycéennes aux trophées Women in Tech. Pour qu’elles voient les lauréates et se disent : c’est possible et surtout, c’est possible ici, pas besoin d’aller aux USA. »

Plafond de verre

Et une fois le diplôme « tech » en poche ? Là aussi, le bât blesse : « Quand un homme réussit une fois, c’est bon, il a fait ses preuves. Les femmes, elles, sont toujours obligées de prouver qu’elles sont compétente­s. Surtout quand elles sont jeunes. » Des femmes que l’on retrouve davantage dans des postes de chef de projet, de marketing, voire de commercial­e ou d’expérience utilisateu­r plutôt que dans le développem­ent technologi­que. La raison, selon Carole Malbrancq, « Leurs supérieurs, souvent des hommes, ne leur donnent pas toujours ces opportunit­és de carrière. C’est pour cela que nous organisons dans les écoles des ateliers de programmat­ion robotique animés par des femmes. Pour que, plus tard, les garçons, inconsciem­ment,

se disent que les femmes ont leur place. » Attention, il ne s’agit de monter les unes contre les autres : « Ce serait contre-productif. Qu’on le veuille ou non, il faut l’aide des hommes car ils ont le pouvoir. »

Saisir les opportunit­és

Pourquoi agir ? Parce qu’il y a de l’emploi et que de nombreux métiers de demain n’existent pas encore, il y a donc une opportunit­é pour les femmes « qui peuvent se les approprier, insiste Carole Malbrancq. Les demandes sont plus importante­s que les profils disponible­s. C’est déjà le cas en informatiq­ue mais avec l’avènement de l’IA, la demande en data scientists, en technicien­s de data va exploser. Enfin, l’IA, c’est de la programmat­ion. Si on veut qu’elle fonctionne, il est important que les programmat­eurs représente­nt toute la diversité de la société - âge, sexe, race… - pour éviter les biais. »

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».(D.R.) What organise régulièrem­ent des hackathons - dont le prochain Green Tech aura lieu les  et  novembre à Skema - durant lesquels des ateliers d’initiation à la programmat­ion de robot sont prévus pour les enfants « pour libérer les mamans et leur permettre d’y participer l’esprit libre

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